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5 octobre 2023 4 05 /10 /octobre /2023 10:15
Une décennie de chroniques

Recueil de chroniques écrites entre 2010 et 2020 principalement pour ce blog de Choc, “De Jazz et d’autre”, mon nouveau livre, vient de paraître aux éditions Les Soleils Bleus*. Il est disponible sur le site de l’éditeur www.lessoleilsbleus.com et chez quelques libraires et disquaires parisiens (Paris Jazz Corner, Sam Records Store).

Ordonnés chronologiquement, un peu comme un journal dont la parution s’est étalée sur plus de dix ans, les textes réunis dans “De Jazz et d’Autre” célèbrent des disques, des livres, des films que j’ai beaucoup aimés. Ils reflètent ma passion pour le piano et ma relation intime avec le jazz, fil conducteur de ce blog de Choc largement consacré à cette musique.

Journaliste (Best, Jazz Hot, puis Jazzman et Jazz Magazine), j’ai beaucoup fréquenté les clubs, rencontré des musiciens, rédigé les programmes de leurs concerts, les livrets de leurs disques et écrit de nombreuses chroniques. Cet ouvrage en sélectionne quelques-unes, sur des jazzmen peu médiatisés, des albums méconnus qu’il m’a semblé important de défendre. Révéler de nouveaux talents a toujours été mon intention première. Espace de liberté, mon blog m’a permis de couvrir une vaste actualité culturelle, d’approfondir des sujets qui me tenaient à cœur, de raconter le jazz et de le questionner : Peut-il exister sans swing ni racines ? Va-t-il disparaître avec le CD ? Était-il plus créatif auparavant ? Mais pas seulement ! D’autres plaisirs, d’autres ivresses nourrissent aussi ces pages.

Préfacé par Laurent de Wilde, “De jazz et d’autre” me semble au mieux les résumer. Vous y trouverez entre autres des axolotls, des ermites qui partent à la retraite, des pigeons qui ont mal à la tête, de drôles de drames, un certain Monsieur Michu et des considérations sur Boris Vian, Duke Ellington, André Hodeir, Claude Debussy et la modernité des Heures persanes. Certains textes font l’éloge de la lenteur ; d’autres prennent la défense du compositeur Henri Dutilleux ou regrettent les éreintements d’antan. Puissiez-vous en apprécier la lecture.

 

*On se procurera par la même occasion chez le même éditeur “Chroniques allumées”, florilège des chroniques que Jean-Louis Wiart fit paraître pendant vingt ans dans le journal des Allumés du Jazz

Index des principaux noms cités :

Acao (Irving) - Adams (John) – Adler (Philippe) - Akiyoshi (Toshiko) - Alexander (Joe) - Allard (Jean-Philippe) - Allen (Geri) - Allen (Woody) - Amsallem (Franck) - Angelini (Bruno) - Armstrong (Louis) - Asbjørnsen (Kristin) - Audion (Bernard) - Avitabile (Franck).

Bach (Jean-Sébastien) - Baker (Chet) - Barron (Kenny) - Basie (Count) - Baudoin (Philippe) - Beach Boys - Beatles - Bechet (Sidney) - Beirach (Richie) - Belmondo (Stéphane) - Benham (Marc) - Bergerot (Franck) - Bethmann (Pierre de) - Bisceglia (Jacques) - Bisceglia (Michel) - Blake (Ran) - Blakey (Art) - Blanc-Francard (Patrice) - Bley (Paul) - Bocuse (Paul) - Bonnet (Christian) - Bourgeyx (Vincent) - Brecker (Michael) - Breton (André) - Broussard (Philippe) - Brussels Jazz Orchestra.

Caratini (Patrice) - Caron (Elise) - Carrière (Claude) - Carrothers (Bill) - Carter (Ron) - Ceccarelli (André) - Charles (Ray) - Cheek (Chris) - Chopin (Frédéric) - Coquempot (Gilles) - Coleman (Ornette) - Coltrane (John) - Connor (Chris) - Copland (Marc) - Corea (Chick) - Couperin (François) - Courtois (Vincent) - Coutant (Philippe) - Couturier (François) - Cowell (Stanley) - Cugny (Laurent) - Cullaz (Maurice).

Daoudi (Yousseff) - Davis (Miles) - De Biasio (Mélanie) - Debussy (Claude) - DeJohnette (Jack) - Desarthe (Agnès) - Domancich (Sophia) - Draper (Harriette) - Ducros (Anne) - Duke Orchestra - Dutilleux (Henri).

Eeg (Sinne) - Eicher (Manfred) - Elias (Eliane) - Elling (Kurt) - Ellington (Duke) - El Malem (Michel) - Emler (Andy) - Etheldrède (Philippe) - Evans (Bill).

Fargeton (Pierre) - Fatien (Laïka) - Fauré (Gabriel) - Felgeyrolles (Xavier) - Fonnesbæk (Thomas) - Francis (André).

Gaillot (Philippe) - Garbarek (Jan) - Garner (Erroll) - Gerber (Alain) - Getz (Stan) - Ghielmetti (Philippe) - Gil Evans Paris Workshop - Gillespie (Dizzy) - Giono (Jean) - Godard (Jean-Luc) - Godard (Michel) - Gordon (Dexter) - Greaves (John) - Guidi (Giovanni) - Gustavsen (Tord).

Haden (Charlie) - Hall (Jim) - Hancock (Herbie) - Haro (Gérard de) - Herrmann (Bernard) - Hersch (Fred) - Hervé (Antoine) - Hodeir (André) - Holiday (Billie) - Humair (Daniel) - Hutman (Olivier).

Imbert (Diego).

Jamal (Ahmad) - Jarrett (Keith) - Jazz Messengers - Jordan (Duke).

Kerecki (Stéphane) - Kikuchi (Masabumi) - King (Denise) - Kirk (Snorre) - Koechlin (Charles) - Koechlin (Philippe) - Koechlin (Stéphane) - Konitz (Lee) - Kontomanou (Donald).

Lacharme (François) - Lafargue (Pierre) - Le Baraillec (Philippe) - Le Bris (Michel) - Legrand (Christiane) - Leloir (Jean-Pierre) - Lewis (John) - Liberation Music Orchestra - Liebman (Dave) - Linx (David) - Liszt (Franz) - Lloyd (Charles) - London (Jack) - Loriers (Nathalie) - Lossing (Russ) - Loueke (Lionel) - Louiss (Eddy) - Loupien (Serge) - Lovano (Joe).

McBride (Christian) - Malson (Lucien) - Marcel (Édouard) - Marsalis (Wynton) - Mehldau (Brad) - Messiaen (Olivier) - Metheny (Pat) - Michu (Marcelin) - Mifsud (Marie) - Mignard (Laurent) - Miller (Mulgrew) - Mingus (Charles) - Mitchell (Joni) - Mompou (Federico) - Monniot (Christophe) - Monk (Thelonious) - Motian (Paul) - Moustaki (Georges) - Mozart (Wolfgang Amadeus).

Naturel (Gilles).

Oliva (Stéphan) - Ozu (Yasujiro).

Panassié (Hugues) - Parker (Charlie) - Pauvert (Jean-Jacques) - Peacock (Gary) - Peterson (Oscar) - Petrucciani (Michel) - Peyregne (Geneviève) - Pieranunzi (Enrico) - Poncet (Yann-Gaël) - Ponty (Jean-Luc) - Portal (Michel) - Portet (Stéphane) - Porter (Cole) - Porter (Gregory) - Powell (Bud) - Pressler (Menahem) - Pussiau (Jean-Jacques).

Quest.

Radford (Michael) - Rava (Enrico) - Ravel (Maurice) - Ray (Emmett) (Amintore Repeto) - Regard (Jérôme) - Reinhardt (Django) - Rochelle (Nicole) - Rogers (Shorty) - Rollins (Sonny) - Romano (Aldo) - Romano (Marcel) - Rouse (Charlie) - Rubalcaba (Gonzalo) - Russell (George).

Sanders (Nick) - Sardaby (Michel) - Satie (Erik) - Sellin (Hervé) - Shorter (Wayne) - Siné - Singer (Arlette) - Singer (Hal) - Solal (Martial) - Stanko (Tomasz) - Stantchev (Mario) - Stenson (Bobo) - Sternberg (Jacques) - Strayhorn (Billy) - Swallow (Steve) - Szakcsi Lakatos (Béla).

Takemitsu (Tôru) - Tavernier (Bertrand) - Taylor (John) - Tchitchikov (Jean-Paul) - Tepfer (Dan) - Terrasson (Jacky) - Tethered Moon - Thomas (Agnès) - Tristano (Lennie) - Truffaut (François) - Tyner (McCoy).

Urtreger (René).

Vadim (Roger) - Van Gelder (Rudy) - Vaughan (Sarah) - Vialatte (Alexandre) - Vian (Boris) - Viret (Jean-Philippe).

Waller (Thomas « Fats ») - Washington (Dinah) - Wasilewski (Marcin) - Wheeler (Kenny) - Wiart (Jean-Louis) - Wilde (Laurent de) - Wilen (Barney) - Williams (Tony). 

Zawinul (Joe) - Zetterlund (Monica).

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 16:37
13 Chocs en toute discrétion

Avec retard, mes Chocs de l’année 2022. J’avoue délaisser ce blog en sommeil depuis juin dernier. Il existe depuis 2008 et aura quinze ans en septembre prochain. Depuis, le jazz a pris de multiples directions. Peu me conviennent. Trop de disques inutiles paraissent aujourd’hui et il m’a été difficile d’en sélectionner treize avec le “Bordeaux Concert” de Keith Jarrett, un inédit de 2016. Écoutant moins de nouveautés, je préfère me consacrer aux enregistrements plus anciens qui dorment sur mes étagères, renouer des rapports amicaux avec les Chocs des années précédentes, la pop music de ma jeunesse et la musique classique, vaste monde que je suis loin d’avoir fini d’explorer.

 

Souhaitant limiter mes chroniques aux disques essentiels (il y en a peu), ces 13 Chocs sont donc les derniers que je mets en ligne. Les pianistes y sont bien sûr à l’honneur et les musiciens français plus nombreux que les autres années. Ces derniers ne sont pas oubliés dans le livre que je prépare actuellement et qui paraîtra en mars ou en avril aux Éditions les Soleils Bleus. Intitulé “De jazz et d’autre”, sous-titré “Chroniques 2010-2020”, il réunit principalement des textes de ce blog largement remaniés et actualisés. Je vous tiendrai plus amplement informé de sa parution. En attendant amis lecteurs, janvier n’étant pas terminé, je vous adresse mes meilleurs vœux pour 2023.

 

12 nouveautés…   

Kit DOWNES : “Vermillion”

(ECM / Universal)

Les amateurs de jazz ne sont pas nombreux en France à connaître Kit Downes dont le mentor fut le regretté John Taylor. Il joue de l’orgue d’église dans “Obsidian” son premier disque ECM publié en janvier 2018. En complète osmose avec le bassiste Petter Eldh et le batteur James Maddren, le pianiste improvise une musique ouverte et imprévisible, un jazz de chambre intimiste d’une grande douceur mélodique. Souvent construit sur des altérations harmoniques, sur des métriques irrégulières et mouvantes, “Vermillion” se conclut par une version méconnaissable de Castles Made of Sand de Jimi Hendrix.

Daniel ERDMANN & Christophe MARGUET : “Pronto !”

(Mélodie en sous-sol / L’Autre distribution)

Le saxophoniste Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet ont beaucoup joué ensemble depuis 2010. Avides de nouvelles rencontres humaines et musicales, ils poursuivent aujourd’hui leur collaboration en quartette. “Pronto!” les voit travailler avec la bassiste Hélène Labarrière et le pianiste Bruno Angelini. La cohésion de leur groupe est palpable à l’écoute des compositions originales des deux leaders, un jazz moderne nourri de traditions, la formation possédant une sonorité propre, des couleurs qui la distinguent des autres.

Jean-Marc FOLTZ – Stéphan OLIVA : “Indigo”

(Vision Fugitive / L’Autre Distribution)

Un disque consacré aux compositions de Duke Ellington, mais aussi à Billy Strayhorn, son alter ego, Jean-Marc Foltz (clarinettes) et Stéphan Oliva (piano) reprenant son Lotus Blossom. On frissonne de plaisir avec In A Sentimental Mood, qui ouvre l’album, un florilège de mélodies ellingtoniennes que Foltz et Oliva mettent à nu, jouent sans fioritures comme pour mieux en dévoiler l’essence. Une version en apesanteur de Solitude, un African Flower dont la mélodie flotte comme un nuage, un gai et primesautier Sunset and the Mocking Bird aident beaucoup à passer l’hiver.

Giovanni GUIDI : “Ojos De Gato”

(CamJazz / L’Autre Distribution)

Six musiciens seulement dans cet hommage de Giovanni Guidi au regretté Gato Barbieri. Soutenus par deux batteurs, le ténor fiévreux de James Brandon Lewis et le trombone volubile de Gianluca Petrella dialoguent avec lyrisme et puissance et donnent beaucoup de poids à une musique parfois abstraite et dissonante dans laquelle Guidi joue un magnifique piano. Harmonies raffinées (Laura), ballade mélancolique confiée au ténor (Ernesto), fanfare joyeuse (Buenos Aires), improvisation libre (Manhattan), ce disque révèle bien des surprises.

Marquis HILL : “New Gospel Revisited”

(Edition Records / UVM distribution)

Né à Chicago en 1987, Marquis Hill affirme sa différence par sa musique qui mêle, brasse et intègre néo-soul, house, funk et hip-hop au sein d’un jazz moderne aux racines évidentes. Avec lui Walter Smith III (saxophones), Joel Ross (vibraphone), James Francies (piano), Harish Raghavan (contrebasse) et Kendrick Scott (batterie), musiciens qui nous sont familiers. La formation expérimente, ouvre de nouvelles perspectives mélodiques et rythmiques au jazz afro-américain. Le trompettiste y cisèle les notes chaudes et colorées d’une musique ambitieuse.

KARTET : “Silky Way”

(PeeWee ! www.peeweelabel.com)

Bientôt 32 ans d’existence pour Kartet, mais seulement huit albums avec ce “Silky Way” au répertoire d’une homogénéité et d’une fluidité étonnante, fruit de l’émulation créatrice de quatre complices faisant naître une musique envoûtante dont les angles, les arêtes vives sont soigneusement poncés. Guillaume Orti (saxophones alto et soprano), Benoît Delbecq (piano), Hubert Dupont (contrebasse) et Samuel Ber (batterie) cisèlent dix pièces secrètement mélodieuses. Les timbres et les couleurs vibrent par la magie de quatre créateurs.

Stéphane KERECKI : “Out of the Silence”

(Out Note / Outhere)

Enregistré en octobre dernier dans le studio de la Maison de la Culture d’Amiens, l'excellent “Out of the Silence” du bassiste Stéphane Kerecki réunit cinq personnalités du monde du jazz. Présents sur toutes les plages, le batteur Fabrice Moreau et le pianiste Marc Copland s’en sont réservés deux en trio avec Stéphane. Le saxophoniste norvégien Tore Brunborg les rejoint sur quatre morceaux. Sur quatre autres enfin, la formation se transforme en quintette grâce à la présence de Ralph Alessi, l’un des grands trompettistes de la scène jazz américaine.

Michael LEONHART Orchestra : “The Normyn Suites”

(Sunnyside / Socadisc)

À la tête d’un orchestre d’une vingtaine de musiciens au sein duquel officient Bill Frisell à la guitare, Donny McCaslin et Michael Blake aux saxophones et Chris Potter à la clarinette basse, le trompettiste, arrangeur et compositeur Michael Leonhart, un fidèle de Steely Dan, signe un album varié et d’une étonnante richesse musicale dont les pièces maîtresses sont deux suites consacrées à Normyn, sa chienne teckel disparue. Le disque réunit cuivres, cordes et chœur au sein de compositions aux atmosphères changeantes. Chantés par Elvis Costello, les intermèdes musicaux qui les encadrent sont également très réussis.

Enrico RAVA / Fred HERSCH : “The Song is You”

(ECM / Universal)

 

Âgé de 82 ans lors de cet enregistrement, Enrico Rava ne joue plus que du bugle et préfère les tempo médiums et lents, les belles notes aux exploits techniques menés à vive allure. On lui pardonnera celles, parfois approximatives, qu’il peine à souffler, tant son lyrisme reste intact. “The Song Is You” le fait entendre en duo avec le pianiste Fred Hersch, les deux hommes se faisant assurément complices dans un répertoire largement consacré à des standards au sein desquels le grand Thelonious Monk n’est bien sûr pas oublié.

Bruno RUDER : “Anomalies”

(Vision Fugitive / L’Autre distribution)

Difficile de situer Bruno Ruder qui aime jouer toutes sortes de musique, délaisser son piano acoustique pour jouer du Fender Rhodes et autres claviers électriques. “Anomalies” est, en beaucoup plus abouti, la suite de “Lisières”, un disque de 2013 également enregistré à La Buissonne. Bruno Ruder y invente en solo une musique intimiste et très maîtrisée relevant beaucoup du classique. La prise de son époustouflante de Gérard de Haro met constamment en valeur un piano qui sonne magnifiquement. Enregistré en un seul après-midi dans les conditions du direct, cet album révèle maintes surprises à un auditeur attentif en quête de beauté.

Henri TEXIER : “Heteroklite Lockdown”

(Label Bleu / L’Autre distribution)

Enregistré en trio et sans public au Triton, “Heteroklite Lockdown” est l’un des albums les plus attachants d’Henri Texier. Avec son fils Sébastien au saxophone alto et le batteur Gautier Garrigue, le bassiste fait résolument chanter les mélodies qu’ils reprennent. Trois standards, quelques compositions d’Henri et trois nouveaux morceaux sont au programme d’un disque mettant en valeur les belles lignes mélodiques de la contrebasse et le chant fluide et aérien d’un saxophone en apesanteur. Quant au batteur, son drive coloré et subtil s’avère un atout précieux pour la belle musique du trio.

Sachal VASANDANI & Romain COLLIN : “Still Life”

(Edition Records / UVM distribution)

Après “Midnight Shelter” en 2020 pour Edition Records, un excellent disque dont le répertoire éclectique comprend aussi bien des standards que des compositions des Beatles, Nick Drake et Bob Dylan, le chanteur Sachal Vasandani et le pianiste Romain Collin récidivent avec bonheur avec “Still Life” au sein duquel une version remarquable de The Sound of Silence de Paul Simon côtoie Blue in Green de Miles Davis (paroles de Meredith d’Ambrosio), Washing of the Water de Peter Gabriel et une reprise inattendue de Freight Train d’Elizabeth Cotten, grand classique du folk américain.

...et un inédit :

 

Keith JARRETT : “Bordeaux Concert”

(ECM / Universal)

En 2016, Keith Jarrett donna cinq concerts solo en Europe (Budapest, Bordeaux,Vienne, Munich, Rome). Ceux de Budapest et de Munich ont déjà été publiés par ECM. Le 6 juillet, le pianiste est à Bordeaux. Treize morceaux numérotés de I à XIII sont improvisés ce soir-là. Les premières pièces jouées sont souvent atonales. Jarrett cherche, explore, tâtonne, ne sait trop quelle musique inventer. La troisième relève du gospel. Jarrett se lance également  dans un blues (Part. VIII) puis, miracle, devient lyrique, trouve des mélodies sublimes (Part. XI, XII et XIII) que l’on peine à croire qu’il vient de les faire naître sous ses doigts.

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28 juin 2022 2 28 /06 /juin /2022 15:12
Philippe Gaillot : “Cassistanbul” (détail pochette) © Vincent Bartoli / PikéBook

Philippe Gaillot : “Cassistanbul” (détail pochette) © Vincent Bartoli / PikéBook

Comme promis, d’autres disques à écouter sans modération. Les musiciens qui les ont enregistrés sont malheureusement loin d’être tous invités dans les festivals qui fleurissent partout en juillet et en août. Le jazz se vend mal et, ne voulant pas prendre de risques, les programmateurs de ces manifestations cherchent à les rentabiliser avec des célébrités, toujours les mêmes. Peu curieux, peu mélomane, attaché à ses habitudes, le français en vacances réclame des vedettes, denrées rares dans le petit monde du jazz, et vient surtout pour faire la fête. Si Melody Gardot n’a ainsi aucun problème pour trouver des concerts, d’autres artistes, tout aussi talentueux, patientent parfois des années avant de se voir offrir de grandes salles. Ces chroniques, qui vous donneront peut-être l’occasion de les découvrir, sont les dernières que je mets en ligne. Le farniente m’attend. Rendez-vous à la rentrée pour d’autres aventures jazzistiques et passez tous un bel été.

Melody Gardot est une star, mais c’est d’abord une grande chanteuse, l’une des rares qui parvient à vendre beaucoup de disques. Elle sait aussi composer de vraies mélodies comme en témoignent What of Your Eyes et Darling Fare Thee Well, deux des morceaux d’“Entre eux deux”, son nouvel album pour Decca, un duo avec le pianiste franco-brésilien Philippe Powell, fils du légendaire guitariste Baden Powell. Lauréat du Piano Montreux Jazz Solo Piano Competition en 2005, professeur à la Bill Evans Piano Academy, Philippe Powell se révèle être le pianiste idéal pour la voix de Melody Gardot. Habitant Paris, cette dernière chante en français la ville lumière, adopte le brésilien pour célébrer le brésil, l’anglais, sa langue natale, se faisant aussi entendre dans quelques chansons.

À la tête d’un orchestre imposant d’une vingtaine de musiciens au sein duquel officient Bill Frisell à la guitare, Donny McCaslin et Michael Blake aux saxophones et même Chris Potter à la clarinette basse, le trompettiste, arrangeur et compositeur Michael Leonhart, un fidèle de Steely Dan, signe un album varié et d’une étonnante richesse musicale. Ses pièces maîtresses en sont les deux suites qu’il consacre à Normyn, sa chienne teckel disparue qu’il célèbre non sans émotion et grandeur. “The Normyn Suites” (Sunnyside) réunit cuivres, cordes et chœur au sein de compositions aux atmosphères changeantes qui évoquent des images. Interprétés par Elvis Costello, les intermèdes musicaux qui les encadrent  ne sont pas non plus à négliger, de même que les deux instrumentaux en quartette – Michael Leonhart y assure la basse et la batterie – qui referment le disque.

Les atmosphères sont également nombreuses dans le nouveau disque de Philippe Gaillot. Musicien mais aussi ingénieur du son, il l’a enregistré lui-même dans son studio de Pompignan. De même que “Be Cool”, paru en 2018 sur le label Ilona, “Cassistanbul” (That Sound Records) réunit des plages inédites, vieilles d’une dizaine d’années, que Philippe a soigneusement retravaillées. On y retrouve le fidèle Gérard Couderc, au soprano dans l'émouvant Soriba (dédié au regretté joueur de kora Soriba Kouyaté) et Scarborough Fair, deux morceaux enregistrés en octobre 2010 au Nîmes Jazz Festival. Les amis musiciens de Philippe sont bien sûr présents. Mike Stern éblouissant dans Lady Stroyed, les pianistes Jacky Terrasson et Pierre de Bethmann, le trompettiste Stéphane Belmondo, les bassistes Linley Marthe et Dominique Di Piazza, tous au service des mélodies de Philippe, de ses rythmes, des belles couleurs de sa musique.

Habitant tous les deux New York, le chanteur Sachal Vasandani natif de Chicago et le pianiste Romain Collin né en France et diplômé du Herbie Hancock Institute of Jazz, se sont rencontrés par hasard et font des disques ensemble. Après “Midnight Shelter” en 2020 pour Edition Records, un excellent disque dont le répertoire éclectique comprend aussi bien des standards que des compositions de Nick Drake, Bob Dylan et des Beatles, les deux hommes récidivent avec bonheur pour le même label avec “Still Life” au sein duquel une version remarquable de The Sound of Silence de Paul Simon côtoie Blue in Green de Miles Davis (paroles de Meredith d’Ambrosio), Washing of the Water de Peter Gabriel et une reprise inattendue de Freight Train d’Elizabeth Cotten, grand classique du folk américain.

Bénéficiant des couleurs et du délicat langage harmonique du pianiste Marc Copland avec lequel il souhaitait depuis longtemps travailler, le saxophoniste  Jean-Charles Richard (soprano et baryton) donne épaisseur et consistance à ses rêves dans un album de jazz de chambre que complète Vincent Segal au violoncelle. Enregistré par Gérard de Haro et dédié à John Taylor, “L’étoffe des rêves” (La Buissonne) rassemble des pièces en solo, des duos, des trios – les trois instruments ne se voient réunis que dans le Ô Sacrum Convivium d’Olivier Messiaen –, la voix douce et sensuelle de Claudia Solal les rejoignant parfois pour évoquer “La Tempête” de William Shakespeare, mais aussi son Ophélie dont la mort inspira également un poème à Arthur Rimbaud. Cette approche européenne du jazz centrée sur l’harmonie donne ici naissance à une musique souvent mélancolique dont l’envoûtement perdure longtemps après son écoute.

J’ai une grande estime pour Vincent Bourgeyx et admire depuis longtemps son piano élégant bien ancré dans la tradition du jazz qu’il a étudié à Boston avant de le vivre dans les clubs de New York. Ses disques en trio m’enchantent, et son album solo, dans lequel Pierre Boussaguet officie parfois à la contrebasse, est une des grandes réussites du coffret “At Barloyd’s”. Cosigné avec le saxophoniste David Prez, “Two for the Road” (Paris Jazz Underground) le fait entendre en duo avec ce dernier déjà présent dans “Short Trip” (2016) et “Cosmic Dream” (2019). L’entente est parfaite entre un pianiste dont les doigts agiles se mettent toujours au service des mélodies et un saxophoniste dont les phrases sinueuses, souvent jouées dans le registre aigu du ténor, se font tendres dans les ballades. Sur des compositions originales et des standards, les deux hommes s’accordent de longs chorus en solo, se parlent, se répondent, un véritable dialogue s’instaurant dans Instant Présent qui ouvre ce beau disque. Concert de sortie le 29 septembre au Sunside.

Melody Gardot / Philippe Powell : “Entre eux deux” (Decca / Universal)

Michael Leonhart Orchestra : “The Normyn Suites” (Sunnyside / Socadisc)

Philippe Gaillot : “Cassistanbul” (That Sound Records / Socadisc)

Sachal Vasandani & Romain Collin : “Still Life” (Edition Records / UVM)

Jean-Charles Richard / Marc Copland : “L’étoffe des rêves” (La Buissonne / Pias)

David Prez / Vincent Bourgeyx : “Two for the Road” (Paris Jazz Underground / Bandcamp)

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14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 14:45
Stéphane Kerecki Quintet © Marc Chesneau

Stéphane Kerecki Quintet © Marc Chesneau

Cela fait longtemps que je n’ai pas écrit pour ce blog. Depuis le 25 mars exactement. La promotion de mon livre, “De la musique plein la tête”, dont je vous conseille la lecture cet été*, mon désintérêt pour un jazz aujourd’hui largement entre les mains de techniciens, de musiciens acrobates qui jouent beaucoup de notes mais ont peu de musique à proposer, expliquent partiellement mon silence. J’avoue donc quelque peu délaisser l’actualité du jazz, son flot permanent de nouveautés, préférant lire, voir des films et réécouter de vieux albums, des disques d’hier souvent plus modernes et inventifs que ceux que l’on peut entendre aujourd’hui. Difficile toutefois de rester indifférent lorsque un nouveau disque de Marc Copland, de Fred Hersch ou d’Enrico Pieranunzi me parvient, de ne pas le glisser dans le tiroir de mon lecteur de CD pour en goûter au plus vite la musique. D’autres albums aussi donnent envie, s’écoutent avec bonheur. En voici quelques-uns. Il y en a d'autres, mais vous patienterez un peu pour les découvrir. Puissent ces brèves chroniques ensoleiller votre été.

*Ouvrage à commander chez votre libraire ou sur le site de l’éditeur www.lessoleilsbleus.com

Enrico Pieranunzi sera à Paris pour deux concerts en trio au Sunside les 26 et 27 août. En attendant, le maestro vient de publier deux albums qui ne se ressemblent pas. Enregistré au Village Vanguard en janvier 2016, “The Extra Something” (CamJazz) est un disque de bop moderne qui rassemble autour du pianiste des musiciens américains. Diego Urcola (trompette et trombone), Seamus Blake (saxophone ténor), Ben Street (contrebasse) et Adam Cruz (batterie), tous excellents, poussent Enrico à jouer un piano énergique, leur hard-bop fiévreux enthousiasmant le public new-yorkais. 

 

Enregistré en studio à Copenhague, “Something Tomorrow” (Storyville) relève davantage d’un jazz de sensibilité européenne. Accompagné par Thomas Fonnesbæk, jeune prodige de la contrebasse, et André Ceccarelli dont le drumming souple et aéré fait merveille, Enrico Pieranunzi pose de tendre couleurs sur ses musiques et les habille d’harmonies délicates. Les trois hommes dialoguent, font danser leurs notes et nous offrent des versions lumineuses de The Heart of a Child et Suspension Points, deux ballades aux mélodies inoubliables.

Un autre pianiste, Ketil Bjørnstad, profita du confinement pour participer à Oslo, en avril 2020, à un concert improvisé de piano solo en streaming, la salle étant vide d’auditeurs. Aujourd’hui édité en CD et en DVD  “New Morning” (Grappa) contient d’excellents moments. Âgé de 70 ans et auteur de plus de 70 albums – je ne connais que ses enregistrements pour ECM, “La notte” (publié en 2013), en sextet, étant particulièrement réussi – le pianiste norvégien assume un jeu souvent lyrique, invente des mélodies séduisantes, certaines d’entre-elles ressemblant à des hymnes. Malgré quelques moments moins convaincants lorsque l’instrument gronde et devient percussif (Forever Prokofiev), cette longue suite, changeante comme les couleurs du ciel, s’écoute avec plaisir.

Également en solo “Blue Songs” (DLM éditions) du pianiste Denis Levaillant rassemble onze mouvements enregistrés et inventés sur l’instant, certains inspirés par les airs d’un opéra-comique qu’il écrivait alors. Compositeur d’un catalogue d’œuvres très variées relevant de la musique savante européenne, Denis Levaillant n’est pas à proprement parler un jazzman. Associé au bassiste Barre Phillips et au batteur Barry Altschul, il a toutefois abordé le genre avec succès avec “Les Passagers du Delta” (DLM éditions), livre-disque de 2013 réunissant un enregistrement studio de mars 1987 et un concert de 1989. Avec “Blue Songs”, il nous fait voyager dans les couleurs harmoniques des nombreuses mélodies qu’il invente. Effectuée à même la table d’harmonie de l’instrument défait de son couvercle, la prise de son amplifie beaucoup la résonnance des notes et l’aspect onirique de la musique, mais peut en déranger certains.

Excellent bassiste, Stéphane Kerecki sait bien s’entourer. Il a aussi de bonnes idées, des projets aussi inattendus que variés qu’il mène toujours à bien. Après un album en 2018 consacré à la vague musicale électro, à la « French Touch » qui lui donne son nom, “Out of the Silence” (Out Note), disque enregistré en octobre dernier dans le studio de la Maison de la Culture d’Amiens, réunit cinq personnalités du monde du jazz. Avec Fabrice Moreau, batteur qui accompagne depuis longtemps Stéphane, et Marc Copland dont le piano joue constamment avec le silence, les deux morceaux en trio, Day Dreamer et Hands, sont de vraies merveilles. Quatre plages en quartette avec le saxophoniste norvégien Tore Brunborg découvert auprès de Tord Gustavsen, et quatre autres en quintette avec Ralph Alessi, l’un des grands trompettistes de la scène jazzistique américaine, complètent le répertoire d’un all-star de haut vol.

Tord Gustavsen se rappelle à nous avec un nouvel opus, le cinquième qu’il enregistre en trio. Proche de “The Other Side” publié en 2018, le répertoire d’“Opening” (ECM), des compositions originales pour la plupart, reste largement inspiré par des hymnes religieux, de vieilles chansons traditionnelles des pays scandinaves. Privilégiant l’épure, l’ascétisme musical, le silence, le pianiste norvégien joue peu de notes, les préfère légères et lentes, ruisselantes de profondeur spirituelle. Si le batteur est toujours le fidèle Jarle Vespestad, un nouveau bassiste, Steinar Raknes, assure un solide contrepoint mélodique à la musique.  Stream, une des plus attachantes pièces de l’album lui offre l’occasion d’improviser. Plus nombreux que d’habitude, des effets sonores (electronics) modifient parfois le timbre de son instrument, ajoutent des couleurs inattendues à un disque très séduisant.

À l’occasion du centenaire de Charles Mingus (22 avril 2022 - 5 janvier 1979) paraissent de nombreux albums, des concerts qui, aussi bons soient-ils, n’apportent rien de vraiment neuf à sa discographie. Beaucoup plus intéressant est l’hommage que lui rend le clarinettiste Harry Skoler dans son disque “Living in Sound : The Music of Charles Mingus” (Sunnyside). Sans avoir la technique d’Eddie Daniels, Skoler sait se montrer lyrique et convaincant. Au programme : six compositions de Mingus – dont l’incontournable Goodbye Pork Pie Hat  –, un thème de Don Pullen, un de Doug Hammond et un de Skoler. Confiés à Darcy James Argue, Ambrose Akinmusire et Fabian Almazan les arrangements sont très réussis. Producteur et principale cheville ouvrière de cet enregistrement, le saxophoniste Walter Smith III a réuni un casting de rêve autour du clarinettiste : Nicholas Payton à la trompette, Kenny Barron au piano, Christian McBride à la contrebasse, Jonathan Blake à la batterie, la chanteuse Jazzmeia Horn (dans Moves), et un quatuor à cordes. Laissez-vous donc tenter.

Enrico Pieranunzi : “The Extra Something” (CamJazz / L’autre distribution)

Enrico Pieranunzi : “Something Tomorrow” (Storyville / UVM)

Ketil Bjørnstad : “New Morning” (Grappa)

Denis Levaillant : “Blue Songs” (DLM Éditions & Distribution)

Stéphane Kerecki : “Out of the Silence” (Out Note / Outhere)

Tord Gustavsen : “Opening” (ECM / Universal)

Harry Skoler : “Living in Sound : The Music of Charles Mingus” (Sunnyside / Socadisc)

 

Photo Stéphane Kerecki “Out of the Silence” quintette © Marc Chesneau

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25 mars 2022 5 25 /03 /mars /2022 08:35
Marquis Hill © Chollette / Edition Records

Marquis Hill © Chollette / Edition Records

Quelques disques récents qui me plaisent. Pour certains, de probables Chocs de l’année. Déjà avancée, cette dernière poursuit sa marche vers l’été. Mandé d’urgence, le soleil est déjà au rendez-vous en ce début de printemps qui voit les pigeons roucouler sur les parterres de fleurs de nos balcons, les arbres bourgeonner et les oiseaux chanter. En attendant le poisson espiègle du 1er avril, le parisien en bras de chemise se promène le long des berges de la Seine dont le décor reste à peu près immuable depuis les jours de mon enfance. Devant leurs boîtes, les bouquinistes guettent toujours le chaland. Des livres surtout mais aussi de vieux vinyles attirent le regard.

 

On les croyait morts. Ils renaissent et envahissent les bacs des rares disquaires de la capitale. Qui se souvient de Givaudan boulevard Saint-Germain, du Discobole gare Saint Lazare, de Music Action carrefour de l’Odéon, de Lido Musique avenue des Champs-Élysées, tous disparus aujourd’hui ? Ces disquaires, je les ai beaucoup fréquentés dans les années 70, y trouvant des merveilles. Dans “De la musique plein la tête”, mon livre de souvenirs récemment publié aux Éditions Les Soleils Bleus, ouvrage que vous pouvez commander chez votre libraire ou sur le site de l’éditeur , je raconte cette époque bénie pour le mélomane qui trouvait facilement l’album de ses rêves - www.lessoleilsbleus.com

Yonathan Avishai / Avishai Cohen / Ziv Ravitz / Barak Mori © Caterina Di Perri / ECM Records

Yonathan Avishai / Avishai Cohen / Ziv Ravitz / Barak Mori © Caterina Di Perri / ECM Records

Improvisé en studio à La Buissonne, “Naked Truth” (ECM / Universal), surprend par sa beauté mais aussi ses audaces. Dans cette suite en neuf parties, Avishai Cohen se met ici à nu, dévoile sa sensibilité, sa vulnérabilité. La musique qui sort de sa trompette est le chant de son âme. Soutenue par la contrebasse de Barak Mori, elle expose avec douceur le premier thème, avant que ne rentrent les autres instruments, la batterie de Ziv Ravitz et le piano de Yonathan Avishai. Présent dans plusieurs albums ECM du trompettiste, ce dernier tient une place importante dans cet opus en apesanteur. Caressant délicatement ses notes, il les fait merveilleusement sonner. D’une grande finesse, son toucher met en valeur des lignes mélodiques lisibles et aérées. Dans le second mouvement, un long ostinato accompagne le lamento de la trompette et une progression harmonique inattendue conduit la musique ailleurs. On plane alors entre ciel et terre, porté par tout le lyrisme dont Avishai Cohen est capable. En duo avec son batteur, les deux hommes distendent l’espace-temps. Récité par le trompettiste, Departure, un poème de Zelda Schneurson Mishkovsky (1914-1984) sur le renoncement au monde et à ses splendeurs qu’implique le passage obligé de la vie à la mort, conclut ce disque envoûtant.

Bruno Angelini / Hélène Labarrière / Daniel Erdmann / Christophe Marguet © Eric Legret

Bruno Angelini / Hélène Labarrière / Daniel Erdmann / Christophe Marguet © Eric Legret

Appréciant les mêmes jazzmen – Ornette Coleman, Ed Blackwell, Dewey Redman –, le saxophoniste Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet ont beaucoup joué ensemble depuis 2010. Avides de nouvelles rencontres humaines et musicales, ils poursuivent aujourd’hui leur collaboration en quartette. Publié sur le label Mélodie en sous-sol (l’autre distribution), “Pronto!” les voit travailler avec la bassiste Hélène Labarrière et le pianiste Bruno Angelini. La cohésion de leur groupe est palpable à l’écoute de ce jazz moderne nourri de traditions auquel est donné une vraie matière sonore, une couleur spécifique. Angelini qui a enregistré en 2017 avec Erdmann “La dernière Nuit” (l’un de mes 13 Chocs de 2020), apporte son piano élégant et ses harmonies inventives. Quant au son délicieusement boisé de la contrebasse, il procure une épaisseur voluptueuse, un relief saisissant aux compositions originales des deux leaders. Maître tambours, Christophe Marguet les trempe dans le swing ; lyrique et inspiré au ténor, Daniel Erdmann leur donne un moelleux incomparable. “Pronto!” nous enthousiasme déjà.

Né à Chicago en 1987, Marquis Hill affirme sa différence par sa musique qui mêle, brasse et intègre néo-soul, house, funk et hip-hop au sein d’un jazz moderne aux racines évidentes. Lauréat en novembre 2014 de la prestigieuse Thelonious Monk International Jazz Competition, le trompettiste reste pourtant méconnu. “The Way We Play” (Concord Jazz) est le seul de ses disques qui a été distribué en France. “New Gospel Revisited” qui paraît aujourd’hui sur Edition Records (distribution U.V.M.) devrait le sortir de l’ombre. Il y  reprend en public et avec d’autres musiciens les thèmes de “Gospel Revisited” un album de 2011, son premier. Le batteur Kendrick Scott, le saxophoniste Walter Smith III et le bassiste Harish Raghavan nous sont familiers. Ce dernier est aussi celui d’Ambrose Akinmusire, un trompettiste dont le jazz se nourrit également des musiques urbaines qui l’environnent. Joel Ross l’une des étoiles montantes du vibraphone et l’excellent pianiste James Francies complètent une formation qui expérimente, ouvre de nouvelles perspectives mélodiques et rythmiques au jazz afro-américain. De courts intervalles musicaux dans lesquels les musiciens s’expriment  tour à tour en solo encadrent les six morceaux originaux du disque initial. Porté par une section rythmique inventive, souple et ouverte à des métriques irrégulières, le trompettiste cisèle les notes chaudes et colorées d’une musique ambitieuse.

Bientôt 32 ans d’existence pour Kartet, mais seulement huit albums avec “Silky Way” que sort aujourd’hui le label PeeWee! La formation a changé plusieurs fois de batteur depuis “Hask”, son premier opus en 1991. Le nouveau, Samuel Ber, met en valeur peau, bois, métal des tambours et des cymbales qu’il frotte, caresse et martèle. Comme celles de Guillaume Orti (saxophones alto et soprano), Benoît Delbecq (piano) et Hubert Dupont (contrebasse) ses propres compositions contribuent à un répertoire d’une homogénéité et d’une fluidité étonnante, fruit de l’émulation créatrice de quatre complices faisant naître une musique envoûtante dont les angles, les arêtes vives sont soigneusement poncés. Bien qu’abstraits et sans mélodies apparentes, les dix morceaux de l’album, malgré les apparences, restent secrètement mélodieux. On visionne mentalement des paysages oniriques et colorés au sein desquels les timbres et les couleurs ont une grande importance. L’air vibre et devient sons par la magie de quatre créateurs ici particulièrement inspirés.

Comprenant douze morceaux parmi lesquels huit compositions originales, “Hope” (Fresh Sound New Talent / Socadisc) est le sixième album de Yaniv Taubenhouse. J’ai découvert son beau piano au Sunside en octobre 2015. Il venait de publier “Moments in Trio Vol. One”, premier disque d’une trilogie pour Fresh Sound New Talent avec Rick Rosato (contrebasse) et Jerad Lippi (batterie), et j’avais été séduit par ses harmonies lumineuses, ses notes bien choisies, une recherche de la beauté qu’un doigt de mélancolie rendait très attachante. Lorsque “Hope” a été enregistré en solo fin février 2020 en Arkansas, un virus menaçant et mortel commençait à se répandre. Cet opus n’a pourtant rien de sombre. Tel un baume contre la peur, ses mélodies sont même d’une douceur apaisante. Précédemment enregistrés en trio, Conversation et Prelude of the Ozarks séduisent par leur lyrisme. Le pianiste dispose d’une large palette de couleurs et fait souvent entendre de délicieux tapis de notes. Les trois mouvements d’une suite sont disséminés dans l’album, chacun d’eux en relation directe avec les deux autres tant sur le plan harmonique que mélodique. Quatre standards complètent ce programme. Parmi eux, It’s Alright With Me de Cole Porter et We See de Thelonious Monk, deux musiciens dont Yaniv Taubenhouse reprend souvent les thèmes. Prenez le temps d’écouter ce disque solaire et laissez-vous envelopper par ce piano délicat qui sait si bien raconter des histoires.

Avec l’Orchestre National de Jazz qu’il dirigea entre 2005 et 2008, Franck Tortiller consacra un album à Led Zeppelin, “Close to Heaven”, un disque dont le batteur, Patrice Héral, est présent dans ce “Back to Heaven” (Label MCO , distribution Socadisc / Believe) que l’Orchestre Franck Tortiller publie aujourd’hui. Led Zep n’était pas mon groupe de rock préféré, mais ses premiers albums, son énergie et la guitare sous tension de Jimmy Page forçaient l’admiration. Confié à Matthieu Vial-Collet qui assure également la partie vocale du superbe Going to California, cette dernière tient donc une place importante dans cette formation de dix personnes comprenant quatre souffleurs – un trompette, un trombone et deux saxophonistes, l’équipe de jeunes musiciens réunit autour du vibraphone de Tortiller incluant deux femmes, Olga Amelchenko et Gabrielle Rachel. Une guitare étrangement absente dans le disque enregistré par l’ONJ et qui, mise ici en valeur, donne un aspect plus rock à une musique jouée toutefois par des jazzmen. Également dans “Close to Heaven”, Dazed and Confused en témoigne. La basse est électrique, les cuivres sonnent avec une toute autre puissance, mais la guitare qui partage certains chorus avec le vibraphone et des saxophones incandescents, fait aussi la différence.

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10 mars 2022 4 10 /03 /mars /2022 09:20
Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue

Présidé et orchestré depuis 2005, par François Lacharme, l’incontournable rendez-vous médiatique qu’est devenue au fil des ans la traditionnelle remise des Prix de l'Académie du Jazz s’est tenue le 3 mars au Pan Piper en présence d’invités et d’amis œuvrant dans les métiers de la musique et des spectacles. Musiciens et académiciens*, producteurs et responsables de maisons de disques, partenaires et sponsors**, journalistes, photographes, attaché(e)s de presse, agents artistiques, organisateurs de concerts assistaient à l’évènement, heureux de se retrouver dans une vraie salle de concert. Pandémie oblige, la cérémonie l’an dernier s’était déroulée dans l’intimité d’un Club Jazz à Fip, en présence seulement de quelques lauréats. Cette année, les artistes récompensés retrouvaient un public prêt à partager avec eux leurs émotions et la magie de leur musique.

 

Mon compte-rendu de cette soirée privilégie beaucoup l’image. Faites défiler mon carrousel jazzistique et découvrez les photos que Philippe Marchin et moi-même avons prises lors du cocktail qu’offrit l’Académie après sa remise de Prix. Outre quelques lauréats, vous y trouverez sans doute des visages familiers et, si vous étiez présents à cette soirée de gala célébrant la richesse et la diversité du jazz, peut-être apparaîtra le vôtre.

 

*Une soixantaine d’académiciens constituent le collège électoral, des journalistes essentiellement. Les disques et les musiciens récompensés le sont ainsi en toute indépendance.

 

**La Fondation BNP Paribas, la SACEM, la SPEDIDAM, le Conseil des Vins de Saint-Émilion, le Pan Piper, mais aussi le Goethe Institut qui accueille en amont depuis quelques années nos fiévreux et passionnants débats.

 

 

LA CÉRÉMONIE

Le Trompettiste Stéphane Belmondo recevant de François Lacharme le Prix du Disque Français pour “Brotherhood”, un disque enregistré en quintette avec son frère Lionel. Accompagné par le guitariste Sylvain Luc, Lauréat du Prix Django Reinhardt en 2010, Stéphane au bugle nous offrit un jazz intimiste sachant aussi être virtuose. Song for Dad, un extrait de l’album récompensé, un hommage à leur père, embrassant l’émotion.

 

Attribué à “Duke Ladies – Vol. 1”, un album dans lequel le Duke Orchestra met les femmes à l’honneur, le Prix du Jazz Classique fut l’occasion pour Laurent Mignard qui dirige l'orchestre, de nous en présenter quelques-unes. À Natalie Dessay accompagnée par le beau piano de Philippe Milanta, succéda un blues mettant en vedette la clarinette d’Aurélie Tropez et l’harmonica de Rachelle Plas, l'une des découvertes de la soirée.

Avec ces dames : la section rythmique du Duke Orchestra  Philippe Milanta au piano, Bruno Rousselet à la contrebasse et Philippe Maniez à la batterie, Julie Saury n’étant pas disponible –, mais aussi une version réduite de l’orchestre, Laurent Mignard à la trompette se joignant aux saxophonistes Philippe Chagne et Olivier Defays et à Michaël Ballue au trombone pour colorer voluptueusement la musique. Un peu plus tard, avec ses deux camarades de pupitre et la même rythmique, Philippe Chagne interpréta Self Portrait in Three Colors qu’il dédia à Bertrand Tavernier, présent il y a deux ans sur la scène du Pan Piper, et My Jelly Roll Soul, deux compositions de Charles Mingus dont on fête cette année le centenaire de la naissance.

Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue

 

Membre de l’Académie du Jazz, musicologue et traducteur, Ludovic Florin reçut le Prix du Livre de Jazz pour son ouvrage consacré à Chick Corea disparu en février 2021 à l’âge de 79 ans, un livre publié aux Éditions du Layeur. Illustré par les pochettes des disques du pianiste, “Chick Corea” est la première étude en langue française qui lui est consacrée.

 

Une surprise, avec sur scène Marius Preda, un musicien roumain, un virtuose du cymbalum, un instrument à cordes frappées de la famille des cithares sur table. Ce soir, point de musique tzigane mais une série de variations autour d’un thème d’Oscar Peterson et un hommage à Charles Mingus, une version ingénieuse et à tiroirs de son fameux Goodbye Pork Pie Hat arrangée par ses soins.

Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue

 

Lauréat du Prix du Musicien Européen, Matthieu Michel était présent dans cette même salle en janvier 2018. Il accompagnait cette année-là sa compatriote Suzanne Abbuehl qui en était la récipiendaire. C’est au bugle et en compagnie de l’excellent pianiste Jean-Christophe Cholet avec lequel il enregistra en décembre 2014 pour le label La Buissonne “Whispers”, un chef-d’œuvre, que le trompettiste suisse nous enchanta dans une version aussi délicate que personnelle de La Javanaise.

 

Les lauréats des Prix Blues (Cedric Burnside), Soul (Robert Finley) et du Jazz Vocal (Veronica Swift) n’ayant pu se déplacer, de même que Aida Hargrove, l'épouse du regretté trompettiste Roy Hargrove, lauréat avec le pianiste Mulgrew Miller du Prix du Meilleur inédit pour leur album “In Harmony”, des vidéos de remerciement adressées à l’Académie furent projetées sur écran. Celle de Veronica Swift comprenant un morceau spécialement enregistré sur la scène du Blue Note, fut chaleureusement applaudi.

Après un bel hommage à Claude Carrière qui présida l’Académie du jazz disparu l’an dernier, François Lacharme dévoila le Grand Prix de l’Académie du Jazz (le meilleur disque de l’année), un prix presque toujours attribué à l’album d’un musicien étranger. Le seul français qui l’a obtenu ces dernières années est Laurent Cugny pour son opéra jazz, “La Tectonique des Nuages” en 2010. On peut aujourd’hui ajouter Martial Solal, récompensé pour son disque “Coming Yesterday” rassemblant les meilleurs moments de son dernier concert en solo donné Salle Gaveau en janvier 2019. Trop fatigué pour se déplacer, Martial, 94 ans, adressa un texte de remerciement à l’Académie. Un Prix Spécial pour l’ensemble de son œuvre en 2018, prix facétieusement intitulé Prix du Jeune Talent lui avait été attribué en 2018, et le pianiste avait reçu le Prix Django Reinhardt en 1956 des mains de Jean Cocteau.

Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue

La proclamation du Prix Django Reinhardt, fut bien sûr le moment le plus attendu de cette remise des prix. Succédant à Sophie Alour, le saxophoniste, chanteur et compositeur Thomas de Pourquery reçut le fameux trophée que tous les musiciens français rêvent d’obtenir, une récompense dotée de 3000 euros par la Fondation BNP Paribas, l’un des mécènes de l’Académie représentée par la charmante Mathilde Favre. Exprimant sa solidarité à l’Ukraine, scandaleusement envahi par les troupes du sinistre Poutine, et empoignant son saxophone alto, il nous régala d’un grand moment de musique en solo, sa voix se posant sur une mise en boucle de son propre instrument. Un second morceau avec Mario Canonge au piano, une version de Peace, célèbre morceau d’Horace Silver, acheva de convaincre.

Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue

 

LE PALMARÈS 2021

 

Prix Django Reinhardt :

THOMAS DE POURQUERY

Grand Prix de l’Académie du Jazz :

MARTIAL SOLAL : « Coming Yesterday - Live at Salle Gaveau »

(Challenge / DistrArt Musique)

Prix du Disque Français :

BELMONDO QUINTET : « Brotherhood »

(B-Flat / Pias)

Prix du Musicien Européen :

MATTHIEU  MICHEL

Prix du Meilleur Inédit :

ROY HARGROVE / MULGREW MILLER : « In Harmony »

(Resonance Records - Pias)

Prix du Jazz Classique :

LAURENT MIGNARD DUKE ORCHESTRA : « Duke Ladies - Vol.1 »

(Juste une Trace / Socadisc)

Prix du Jazz Vocal :

VERONICA SWIFT : « This Bitter Earth »

(Mack Avenue / Pias)

Prix Soul :

ROBERT FINLEY : « Sharecropper's Son »

(Easy Eye Sound / Bertus)

Prix Blues :

CEDRIC BURNSIDE : « I Be Trying »

(Single Lock / Modulor)

Prix du Livre de Jazz :

LUDOVIC FLORIN : « Chick Corea »

(Éditions du Layeur)

 

L'AFTER

Avec dans le désordre : Diego ImbertJean-Philippe Viret - André CayotAgnès Thomas Thomas de Pourquery - Claudette de San Isidoro François LacharmeJacques Pauper Slaven Ljujic Chantal GoronAlain TomasRhoda Scott –  Juliette PoitrenaudFrancis Capeau Nicolas Teurnier Sylvie Durand Olivier DefaysGilles Coquempot - Bruno Pfeiffer Thierry & Sabine Leleu -  Gilles PetardJean-Jacques GoronPierre de Chocqueuse Mario CanongeMonique FeldsteinStéphane BelmondoLeïla OlivesiLudovic Florin Louis Moutin Vincent BessièresFlavien PiersonBruno PfeifferFlavien Pierson –  Véronique Coquempot - Mathilde FavreHenri TexierJean-Christophe CholetSylvain LucArnaud MerlinJacqueline CapeauPhilippe Chagne –  Bénédicte de ChocqueuseJean-Louis LemarchandPhilippe ManiezOlivier Hutman Marc SénéchalLaurent MignardSandrine Zarka-EderyFrançoise PhilippeEmmanuel FouquetJean-François Pitet Christian RosePierre Christophe Thomas CurbillonGaëlle RenardMatthieu MichelRamona HorvathNicolas Rageau Franck AmsallemSacha BoutrosAlex DutilhJacques-Henri BéchieauCharlotte Planchou Lionel EskenaziCecil L. RecchiaAxelle MoutinFrançois Debrosses Pierre MégretMarius PredaLaurent de Wilde.

Académie du Jazz : une remise des Prix très attendue
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Photos Carrousel  : Philippe Marchin & Pierre de Chocqueuse sauf Pierre & Bénédicte de Chocqueuse © Jean-Louis Lemarchand.

Photos de la cérémonie : Philippe Marchin sauf Martial Solal © Lutz Voigtländer / Intuition Records.

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21 février 2022 1 21 /02 /février /2022 09:48
Kit Downes, Petter Eldh, James Maddren © Caterina Di Perri / ECM Records

Kit Downes, Petter Eldh, James Maddren © Caterina Di Perri / ECM Records

En ce mois de février qui bientôt s’achève, les bons concerts n’ont pas manqué. Le pianiste Stephan Oliva en solo au Sunside dans un programme éclectique au sein duquel The Single Petal of a Rose de Duke Ellington fut l’un des joyaux ; Toujours au Sunside, Enrico Pieranunzi avec Jasper Somsen à la contrebasse et Jorge Rossy à la batterie nous offrant une version mémorable de Don’t Forget the Poet, l’une de ses plus belles compositions ; le batteur norvégien Snorre Kirk enfin dans un club parisien après un étonnant concert en novembre 2018 à la Maison du Danemark, le Duc des Lombards l’accueillant avec un nouveau quartette qui porta constamment le swing à ébullition… des moments forts que l’on conserve en mémoire. Et puis, il y a les disques, nombreux depuis janvier. On a beau chercher à dégager du temps pour réécouter ses vieux albums avant qu’ils ne prennent la poussière, l’actualité, toujours galopante comme un cheval au galop, nous en empêche avec des enregistrements que l’on aurait tort d’ignorer. À écouter entre la lecture de deux chapitres de mon livre de souvenirs “De la musique plein la tête” récemment publié aux Éditions Les Soleils Bleus, www.lessoleilsbleus.com ces six pépites mettent en joie. Pourquoi vous en priver !

Frédéric Borey avait déjà enregistré plusieurs albums lorsque “The Option”, son cinquième, l’un de ses meilleurs, parvint en 2012 à mes oreilles. D’autres disques suivirent dont deux avec Lucky Dog, un quartette dans lequel Yoann Loustalot, déjà présent dans “The Option”, joue du bugle. Au saxophone ténor, Frédéric Borey possède une sonorité ample, épaisse, mais également moelleuse et suave. Il la met au service de compositions cohérentes et soignées qui laissent une large place à l’improvisation. Récemment sorti sur le label Fresh Sound New Talent (distribution Socadisc), “Butterflies Trio” en contient onze. Six d’entre-elles sont de sa plume. Quatre autres sont écrites par Damien Varaillon (contrebasse) et Stéphane Adsuar (batterie) qui l’accompagnent depuis 2019, année de l’enregistrement et de la sortie de leur premier double CD, et la onzième, Camille, par un ami de longue date du saxophoniste, Lionel Loueke. Ce dernier apporte à la musique les timbres inimitables de sa guitare – qui sonne comme un synthé dans Insomnia –, ses mélopées singulières, son approche africaine des rythmes, et lui donne d’autres couleurs. Si Lou, un duo rêveur et mélancolique avec Frédéric nous émeut, le guitariste trouve en Stéphane Adsuar un complice pour faire danser avec lui une musique apaisée et souvent mystérieuse qui semble venir de loin.

Si le jazz que joue Bill Charlap reste de facture classique, on ne peut rester insensible à son piano et à la cohésion de son trio. Peter Washington (contrebasse) et Kenny Washington (batterie) l’accompagnent depuis 1997. Ils n’ont aucun lien de parenté mais la musique épurée qu’ils rythment avec précision et finesse témoigne de leur parfaite entente. Bill Charlap continue de puiser dans l’immense vivier de standards que possède le jazz pour nourrir sa musique et son art pianistique. Après deux magnifiques albums pour Impulse, il retrouve Blue Note et sort aujourd’hui “Street of Dreams”, un opus tout aussi bon et accompli que ses disques précédents. Chansons tirées de films ou de comédies musicales – I’ll Know, What Are You Doing the Rest of my Life –, succès des années 30 popularisés par Bing CrosbyStreet of Dreams, Out of Nowhere – et compositions de jazzmen – The Duke de Dave Brubeck, Your Host de Kenny Burrell –, le pianiste s’empare de leurs mélodies inusables pour les parer de nouvelles couleurs harmoniques, ses doigts agiles faisant pleuvoir sur elles de grands rideaux de swing. Adoptant des tempos très lents lorsqu’il joue des ballades, il les habille de délicates notes perlées, son jeu espiègle et élégant soulevant constamment l’enthousiasme. 

Les amateurs de jazz ne sont pas nombreux en France à connaître Kit Downes. Il joue de l’orgue d’église dans “Obsidian” son premier disque ECM publié en janvier 2018. La même année, sous le nom de Enemy, Edition Records fit paraître un album en trio avec Downes au piano, le bassiste Petter Eldh et le batteur James Maddren. Ce sont eux qui l’accompagnent dans “Vermillion”, son troisième album pour ECM, un disque que Downes, dont le mentor fut le regretté John Taylor, estime différent de tous ceux qu’il a enregistrés. En complète osmose, les trois musiciens improvisent une musique ouverte et imprévisible, un jazz de chambre intimiste d’une grande douceur mélodique. Souvent construits sur des altérations harmoniques, sur des métriques irrégulières et mouvantes, le rubato étant ici abondamment utilisé, les paysages colorés et abstraits que proposent le trio fascinent par leur riche palette de timbres. Un thème surgit parfois au détour d’une phrase. On le croit oublié lorsqu’il revient à nos oreilles, enchantées par l’écoute d’une contrebasse inventive, d’un piano dont les notes lumineuses sont d’une douceur exquise, d’un batteur qui caresse peaux et métal, commente et colore. Kit Downes et Petter Eldh se partagent les compositions de l’album. Il se termine par une version méconnaissable de Castles Made of Sand, un morceau de Jimi Hendrix savamment déconstruit.

Dans les notes de pochette de “Breath by Breath” (Palmetto / L’Autre distribution), Fred Hersch confie avoir grandi à Cincinnati en écoutant des quatuors à cordes. Sa professeur de piano était l’épouse du violoncelliste du célèbre LaSalle Quartet et Fred assistait souvent à leurs répétitions, découvrant comment leurs instruments parvenaient à unir leurs timbres et répartir leurs lignes mélodiques. Interprétés par le Crosby String Quartet, ses propres arrangements évoquent souvent ceux des grands quatuors romantiques du XIXème. Pastorale est comme par hasard un hommage à Robert Schumann. Le prologue et la coda de Awakened Heart font penser à Franz Schubert et l’introduction de Breath by Breath ressemble à une célèbre pièce classique. Ses arrangements pour cordes sont moins datés lorsque ces dernières sont utilisées rythmiquement – dans Worldly Winds notamment –, ou qu’elles commentent les parties de piano que soutiennent en maints endroits la contrebasse de Drew Gress et la batterie de Jochen Rueckert. Avec eux, Hersch joue un magnifique piano. Begin Again, le premier des huit mouvements de The Sati Suite, mais aussi Breath by Breath révèlent sa totale maîtrise de l’instrument. Son chant dans Mara, une sorte de danse orientale, force l’admiration. Entièrement construit sur une succession de dialogues entre les instruments, Monkey Mind est l’œuvre d’un grand.

La musique de Thelonious Monk jouée par le pianiste Mario Stantchev. Ce dernier la découvrit en Bulgarie à l’âge de 16 ans, par une version live d’Off Minor précise-t-il dans ses notes de pochette. Récemment publié par Cristal et Ouch ! Records (distribution Believe), l’album s’intitule “Monk and More” et a été enregistré en trio à Sofia, la ville natale de Stantchev, par la Radio nationale bulgare. Dimitar Karamfilov (contrebasse) et Hristo Yotsov (batterie) l’accompagnent dans un répertoire que les très nombreux admirateurs de Monk connaissent bien. Ugly Beauty, Pannonica, Blue Monk, Mario Stantchev nous en donne des versions respectueuses tout en prenant certaines libertés tant rythmiques que mélodiques avec les thèmes. Quatre compositions originales fidèles à l’esprit de la musique de Monk complètent cet opus épatant.

Confinés dans le même village, Henri Texier et son fils Sébastien prirent l’habitude de se réunir plusieurs fois par semaine « pour continuer à jouer (…), ne pas laisser la musique s’échapper ! ». Reprenant des standards et de vieux thèmes, ils réfléchirent aux arrangements qu’ils allaient leur donner et constituèrent le répertoire de “Heteroklite Lockdown”(Label Bleu / L’Autre distribution), un disque enregistré en trio et sans public au Triton, l’un des plus sincères et les plus attachants du bassiste. Batteur du quintette d’Henri Texier depuis 2016, Gautier Garrigue, le troisième homme, rythme avec précision la musique, la colore et s’avère un atout précieux dans l’élaboration du son que possède le groupe. Au programme : trois standards dont un merveilleux Round About Midnight, quelques compositions d’Henri (Fertile Danse, Izlaz) et trois nouveaux morceaux écrits par les trois membres du trio, Bacri’s Mood étant un hommage au comédien Jean-Pierre Bacri récemment décédé. Respectant leurs mélodies, nos trois musiciens les font résolument chanter. Les belles lignes mélodiques de la contrebasse ponctuent rythmiquement le chant fluide et aérien du saxophone alto qui, en apesanteur, plane comme un oiseau dans un ciel bleu azur.

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1 janvier 2022 6 01 /01 /janvier /2022 11:44
Voeux 2022

Dans l’espoir de plonger dans une année heureuse

                 Joie et Santé en 2022

                      Happy New Year

            Et puisse le jazz vous mettre du baume au cœur

 

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27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 10:57
13 Chocs très attendus

Ils existent depuis 2009 et si je consacre aujourd’hui moins de temps à ce blog, je n’allais pas faire patienter davantage ceux d’entre vous qui les attendent comme chaque année en décembre. Ce ne sont pas les Prix de l’Académie du Jazz issus des votes d’un collège de journalistes qui seront remis début février si le variant Omicron ne joue pas les trouble-fête, mais les miens, mes propres choix, mes propres Chocs. Les musiciens de cette sélection ne vous sont pas inconnus. Bill Carrothers et Vincent Courtois (pour la première fois ensemble dans un album), Vijay Iyer, Joe Lovano (avec Enrico Rava en 2019 et Steve Kuhn en 2009), Enrico Pieranunzi et bien sûr Marcin Wasilewski déjà récompensé l’an dernier ont déjà figuré dans ce palmarès.

 

Ce blog ayant toujours eu pour vocation de découvrir de nouveaux talents, les pianistes Baptiste Bailly et Grégory Ott que vous n’êtes pas encore nombreux à connaître accèdent donc cette année au sommet du podium. Si le saxophoniste Vincent Lê Quang est présent dans de nombreux disques, “Everlasting”, le premier qu’il enregistre sous son nom, est à marquer d’une pierre blanche. Des albums, Russ Lossing en a fait beaucoup et si j’ai regretté de ne pouvoir inclure “Changes” dans ma sélection de 2019, “Metamorphism” mérite ici sa place. Enfin, mieux vaut tard que jamais, Martial Solal, dont j’admire le piano depuis la découverte de ses disques au début des années 80, méritait un grand coup de chapeau à l’occasion de la parution des meilleurs moments de son concert à Gaveau de janvier 2019, un concert historique à propos duquel je ne suis pas peu fier de pouvoir dire : « j’y étais ».

 

Bonnes fêtes à tous et à toutes.

12 nouveautés…

 

Baptiste BAILLY : “Suds”

(Neuklang / Big Wax)

Chronique dans le blog de Choc le 30 juillet

Un jazz de chambre élégant à mi-chemin entre la musique impressionniste de Claude Debussy et celle de Manuel de Falla, un disque en solo, le premier que fait paraître Baptiste Bailly, dans lequel les cordes métalliques du piano sont parfois utilisées comme une guitare. Baptiste utilise aussi avec parcimonie un Moog, des effets électroniques apportant alors une dimension orchestrale à ses morceaux. L’Espagne et sa musique y occupent une place importante, mais aussi les paysages chers à son cœur du plateau des Hautes-Chaumes du Forez (Loire). La tendre et exquise mélodie d’Amari qu’il chantonne referme un disque envoûtant d’une grande puissance poétique.

Bill CARROTHERS / Vincent COURTOIS : “Firebirds”

(La Buissonne / Pias)

Chronique dans le blog de Choc le 12 novembre

Dans “Firebirds” le pianiste Bill Carrothers rencontre le violoncelliste Vincent Courtois, une initiative de Gérard de Haro qui connaît bien ces deux grands musiciens qui n’avaient jamais joué ensemble. L’album rassemble compositions originales et standards. Invité sur deux plages, le saxophoniste Éric Seva enrichit Isfahan de Duke Ellington d’un beau chorus de baryton. Autres moments forts de cet enregistrement, Game de Joni Mitchell introduit en pizzicato par Vincent Courtois, et 1852 mètres plus tard, précédemment enregistré par ce dernier dans “West” en 2014.

Andrew CYRILLE Quartet : “The News”

(ECM / Universal)

Chronique dans le blog de Choc le 4 octobre

Le batteur Andrew Cyrille, 83 ans, fait paraître “The News”, un album de jazz moderne à l’atmosphère toute aussi singulière que celle de “The Declaration of Musical Independence”, son disque précédent. Outre David Virelles qui remplace au piano Richard Teitelbaum, le quartette du batteur comprend Ben Street à la contrebasse et Bill Frisell à la guitare. Les couleurs, les sonorités souvent aériennes qu’il tire de son instrument apportent beaucoup à la magie de cette musique ouverte et intimiste que le drive foisonnant du batteur et le piano inattendu de Virelles enrichissent. Frisell signe trois compositions. Parmi elles, Go Happy Lucky, déjà enregistré en solo sur son disque “Music Is” en 2017.

Vijay IYER : “Uneasy”

(ECM / Universal)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

Un nouveau trio pour le pianiste Vijay Iyer qui retrouve ici la bassiste Linda May Han Oh et le batteur Tyshawn Sorey avec lesquels il joue depuis 2019. L’album contient huit compositions originales du pianiste écrites sur une période de vingt ans. S’y ajoutent une reprise très originale de Night and Day de Cole Porter et Drummer’s Song de la regrettée Geri Allen. Loin de jouer ici une musique abstraite, Vijay Iyer renoue avec un jazz mélodique accessible à tous. Piano et contrebasse dialoguent souvent avec bonheur, le jeu souvent mélodique de cette dernière enrichissant sensiblement la musique. Touba est d’un grand lyrisme et, improvisé en solo, Augury séduit par son exquis raffinement harmonique.

Vincent LÊ QUANG : “Everlasting”

(La Buissonne / Pias)

Chronique dans le blog de Choc le 30 juillet

Vincent Lê Quang (saxophones ténor et soprano) fut découvert par Daniel Humair avec lequel il enregistra plusieurs disques dont le remarquable “Modern Art” en trio avec Stéphane Kerecki et plus récemment “Drum Thing” d’une qualité presque égale. Le quartette qui l’entoure dans “Everlasting” existe depuis une douzaine d’années. Le pianiste Bruno Ruder fut avec lui membre du trio Yes is a Pleasant Country. Le bassiste Guido Zorn joue avec Ruder dans “Gravitional Waves”, une autre réussite du label La Buissonne. Avec le batteur John Quitzke pour compléter la formation, nos quatre musiciens assument un discours tranquille et fluide, l’improvisation prenant souvent le pas sur l’écriture, simple colonne vertébrale d’une musique inventée collectivement.

Russ LOSSING : “Metamorphism”

(Sunnyside / Socadisc)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

Mal distribués, la plupart des nombreux disques de Russ Lossing sont hélas passés inaperçus. Dans “Metamorphism”, le pianiste retrouve des musiciens avec lesquels il a souvent joué et enregistré. On doit à l’excellent saxophoniste Loren Stillman plusieurs albums mémorables parmi lesquels “How Sweet It Is” et “Canto”, tous deux enregistrés avec Lossing. John Hébert, le bassiste de Fred Hersch, et le batteur Michael Sarin constituent une section rythmique élastique capable de se plier aux nombreuses variations que les solistes imposent à la musique, un jazz moderne d’une grande richesse mélodique ouvert aux dissonances et à tous les possibles.

Joe LOVANO / Trio TAPESTRY : “Garden of Expression”

(ECM / Universal)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

Autour du saxophoniste Joe Lovano (ténor et soprano), le Trio Tapestry réunit la pianiste Marilyn Crispell et le batteur Carmen Castaldi. “Garden of Expression”, leur second disque, invite toujours à méditer mais est d’une plus grande portée spirituelle que le premier, un disque de 2019 déjà envoûtant. Un flux sonore distendu de notes apaisées et mélancoliques que colore le batteur enveloppe constamment l’auditeur. Celles raffinées du piano se mêlent au chant des saxophones. Composée par Lovano, mais transcendée par le jeu interactif du trio, la musique étale ses couleurs, ses harmonies sereines, dessine des paysages oniriques qu’il fait bon écouter.

Grégory OTT : “Parabole”

(Jazzdor / L’autre distribution)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

J’ignorais tout de ce pianiste strasbourgeois avant de recevoir ce disque en solo, une relecture aussi décalée qu’inventive de la bande-son du film de Wim Wenders “Les ailes du désir” (“Der Himmel über Berlin”). Ne cherchez pas à comparer sa musique avec celle de Jürgen Knieper que l’on entend dans le film. Grégory Ott pose sur ses images ses propres mélodies, ses visions musicales traduisant parfaitement la poésie du scénario de Peter Handke : un ange tombe amoureux d’une trapéziste et choisit de devenir mortel. Superbement enregistré par Philippe Gaillot, “Parabole” baigne dans le blues et bénéficiant d’harmonies délicates, sa musique nous invite à rêver.

Enrico PIERANUNZI Jazz Ensemble : “Time’s Passage”

(abeat / UVM)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

Enrico Pieranunzi enregistre beaucoup mais ne fait jamais de mauvais disque. Dans “Time’s Passage”, une formation largement italienne joue ses compositions et quelques standards, deux versions de In the Wee Small Hours of the Morning nous étant proposées. André Ceccarelli retrouve ici la chanteuse Simona Severini qu’il accompagne dans “Monsieur Claude”, un autre grand disque du Maestro. Chanté en français et bénéficiant de sa voix troublante, Valse pour Apollinaire est l’un des grands moments d’un album au sein duquel le piano enchanteur d’Enrico dialogue avec bonheur avec le vibraphone d’Andrea Dulbecco, révélation d’un opus flamboyant.

Martial SOLAL : “Coming Yesterday”

(Challenge / DistrArt Musique)

Chronique dans le blog de Choc le 25 juin

La Salle Gaveau est archi pleine, ce 23 janvier 2019. Pour rien au monde un amateur de piano n’aurait manqué ce concert de Martial Solal, son dernier. Enregistré par les micros de Radio France, “Coming Yesterday” fait entendre un piano espiègle mélangeant allègrement rythmes et tonalités sur des standards inusables bousculés avec humour. Jonglant constamment avec ses notes, s’autorisant bien des digressions, Martial reprend en début de concert I Can’t Get Started « pour s’en débarrasser », et s’amuse avec Frère Jacques rebaptisé Sir Jack. Sa mémoire vagabondant sans jamais se perdre, il nous offre un feu d’artifices de citations, mélodies qu’il transforme et harmonise au gré de son intarissable fantaisie.

UMLAUT BIG BAND : “Mary’s Ideas”

(Umlaut Records / L’autre distribution)

Chronique dans le blog de Choc le 4 octobre

Orchestre de quatorze musiciens, le Umlaut Big Band remonte le temps. Après un album consacré à Don Redman (1900-1964), la formation consacre avec “Mary’s Ideas” un double CD à Mary Lou Williams (1910-1981). Pianiste et arrangeuse des Twelve Clouds of Joy, cette dernière écrivit pour de nombreuses formations dont celles de Benny Goodman et de Duke Ellington. Irriguée par le blues, son œuvre d’une étonnante modernité, parfois inspirée par Cecil TaylorZoning Fungus II qui explore les potentialités sonores du piano – nous est ici présentée de manière thématique, un passionnant livret accompagnant deux disques enthousiasmants enregistrés en janvier 2021 à la Philharmonie de Paris.

Marcin WASILEWSKY : “En attendant”

(ECM / Universal)

Chronique dans Jazz Magazine n°742

En août 2019, profitant de l’enregistrement d’“Arctic Riff” au studio La Buissonne, un disque en quartette avec le saxophoniste Joe Lovano le trio du pianiste polonais Marcin WasilewskiSlawomir Kurkiewicz (contrebasse) et Michal Miskiewicz (batterie) – enregistra d’autres versions de Glimmer of Hope et de Vashkar (Carla Bley), ainsi qu’une sélection de préludes et fugues empruntés aux Variations Goldberg de Bach et le Riders on the Storm des Doors. Trois improvisations collectives de l’album (In Motion Part I, II & III) s’y ajoutent et  témoignent de la parfaite interaction qui règne au sein de ce trio fondé en 1993 par un pianiste au jeu modal et inspiré, sensible aux moindres murmures de la contrebasse et de la batterie.

Et un inédit :

 

Frank KIMBROUGH : “Ancestors”

(Sunnyside / Socadisc)

Chronique dans Jazz Magazine n°743

Pianiste attitré du Maria Schneider Orchestra et auteur d’une vingtaine de disques sous son nom, Frank Kimbrough, décédé en décembre 2020, nous laisse cet album posthume de 2017 qui nous fait regretter sa disparition prématurée à l’âge de 64 ans. Pratiquant un jeu mélodique et conversant constamment avec lui, Masa Kamaguchi, le bassiste de “Play”, album dont trois des morceaux sont repris ici, enrichit avec bonheur ce jazz modal joué avec un art consommé de la nuance, des plages très lentes baignant dans une douce mélancolie. Le troisième homme, Kirk Knuffke, joue du cornet et souffle peu de notes pour mieux les chanter, Eyes étant largement consacré à son instrument.

 

Photo : “Les Paparazzi à l’arrivée d’Anita Ekberg” © 1960 La Dolce Vita – Riama Film – S.N. Pathé Cinéma – Gray Film.  

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4 décembre 2021 6 04 /12 /décembre /2021 17:43
Dernières nouvelles du front

Décembre. Le fond de l'air est froid, Noël brille au loin comme une banquise. L’ennemi c’est bien sûr ce coronavirus qui se promène et se transforme. Le variant delta fait déjà des dégâts. Encore plus inquiétant, le variant omicron risque de confiner à nouveau la planète si nous ne respectons pas les gestes barrières. Le lavage fréquent des mains et le port du masque ne nous dispense pas de nous faire vacciner. Évitant de m’exposer, j’avoue moins fréquenter les clubs et les salles de concert qui ont pourtant besoin de nous. Sortez, mais soyez prudents.

Le samedi 27 novembre, Arnaud Merlin accueillait au 104 dans le cadre de Jazz sur le Vif le Happy Hours Quartet de Christophe Marguet. Avec lui, le trompettiste et joueur de bugle Yoann Loustalot, le pianiste Julien Touéry et Hélène Labarrière à la contrebasse pour jouer les belles et allègres compositions du batteur qui toutes bénéficient d’arrangements soignés.

 

Une excellente première partie pour introduire après un court entracte le nouveau trio de Marc Copland, aujourd’hui l’un des plus grands pianistes de la planète jazz. Accompagné par le bassiste anglais Phil Donkin à la contrebasse (né en 1980) et le batteur allemand Jonas Burgwinkel (né en 1981), Marc, en totale osmose avec ses jeunes musiciens, se surpassa et joua son meilleur piano. Interprétant standards et compositions originales, il les habilla d’harmonies rêveuses et flottantes, de notes tintinnabulantes, son toucher d’une grande finesse et son jeu de pédales favorisant leur scintillement, une mélodie devenant ainsi prétexte à d’inépuisables variations de couleurs harmoniques.

Après une telle prestation, je ne pouvais que le féliciter et lui offrir mon livre, “De la musique plein la tête”, qui vient de paraître aux Éditions Les Soleils Bleus. J’y raconte ma découverte du jazz dans les années 70 après celle d’une pop musique qui, devenant adulte, fut la musique de ma jeunesse. Critique de rock pour le magazine Best, organisateur de concerts pour étudiants désargentés, batteur mondain, attaché de presse puis label manager chez Polydor – ce qui m’amena à m’occuper des Bee Gees, Ringo Starr, des Who, mais aussi de Philip Glass, Amanda Lear, Ella Fitzgerald et Chick Corea –, j’ai eu la chance de vivre à une époque qui vit naître une contre-culture militante, un bouillonnement de musiques tel que l’on en a jamais connu depuis, des années bénies où tout était généreux, permissif, et plus libre. Ce livre dans lequel, une fois n’est pas coutume, je raconte mon histoire, vous apprendra à mieux me connaître. On peut le commander en librairie, mais il est également en vente 15 euros hors frais de port sur le site de l’éditeur  www.lessoleilsbleus.com  qui vous en donne à lire les premières pages. 
 

J’apprends le décès de Stephen Sondheim, l’un des derniers (voire le dernier) des grands compositeurs de comédies musicales, à l’âge de 91 ans. Il fut également le parolier de Leonard Bernstein pour “West Side Story”. Ses belles pages de musique ont souvent fait le bonheur des jazzmen qui se sont emparés de ses mélodies pour en faire des standards. La chanteuse Cyrille Aimée qui lui a consacré sur Mack Avenue un album en 2019 (“Move On”) sera au Duc des Lombards les 14 et 15 décembre. Quelques jours plus tôt, le 10 et le 11, Melody Gardot et le pianiste Philippe Powell y donneront quatre concerts. Cyrille Aimée et Melody Gardot sont aussi à l’affiche de la 18ème édition de You & The Night & The Music le 13 décembre salle Pleyel, avec (entre autres) Jamie Cullum, Thomas de Pourquery & Supersonic, et Kyle Eastwood. L’orchestre de cérémonie est cette année l’Amazing Keystone Band et l’invité d’honneur Michel Portal.

Dernières nouvelles du front

D’autres concerts interpellent en décembre. Au Bal Blomet le 9, André Ceccarelli (batterie), Pierre-Alain Goualch (claviers) et Diego Imbert (contrebasse) nous offriront leur version en trio de “Porgy & Bess” – l’album vient de paraître sur Trebim Music. Attendu également au Bal Blomet le 15, Fabien Mary et le Vintage Orchestra. À l’Ecuje, nouvelle salle de concert dont je vous ai déjà parlé, Olivier Hutman (piano) et Stéphane Belmondo (trompette et bugle) rendent hommage à Chet Baker le 16. Au New Morning, deux excellents quartettes à ne pas manquer. Celui du saxophoniste Pierrick Pédron le 9 et celui du batteur Daniel Humair le 16. Toujours au New Morning, le pianiste Laurent Coulondre rendra hommage en sextet à Michel Petrucciani le 21.

 

À partir du 17 décembre et jusqu’au 8 février, le Sunset fête ses 40 ans avec une programmation exceptionnelle et une soirée anniversaire au Théâtre du Châtelet le 28 janvier. En attendant, ne manquez pas le Belmondo Quintet au Sunside du 18 au 20 et les Voice Messengers les 26 et 27, ces derniers également au programme de You & The Night & The Music le 16 à Pleyel. Enfin la Philharmonie célèbre Sonny Rollins les 8 et 9 décembre, avec la saxophoniste Géraldine Laurent, mais aussi David El Malek (saxophone ténor), Céline Bonacina (saxophones baryton et soprano), Laurent de Wilde (piano), Ira Coleman (contrebasse) et Billy Drummond (batterie). Sortez, mais soyez très prudents.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Salle Pleyel : www.sallepleyel.com

-Bal Blomet : www.balblomet.fr

-Ecuje : www.ecuje.fr/jazz-ecuje-paris

-New Morning : www.newmorning.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

 

Crédits Photos : Marc Copland Trio © Gilles Coquempot – Christophe Marguet Happy Hours Quartet © Jérôme Prébois – Marc Copland © Pierre de Chocqueuse – Cyrille Aimée © Colville Heskey

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