L’état préoccupant de Monsieur Michu semble avoir provoqué un certain émoi dans le monde du jazz. Accusant réception des nombreux courriels de sympathie et des vœux de rétablissement qui lui étaient adressés, j’ai été étonné de découvrir que pour quelques uns d’entre vous j’étais Michu en personne, comme si le pauvre bonhomme désormais édenté, chauve, presque muet et condamné à une chaise roulante, était encore capable de tenir un blog et de courir gaillardement les concerts. N'ayez point d'inquiétude, Monsieur Michu est une figure romanesque et composite, un personnage devrais-je dire puisqu’il est capable d’endosser les habits des autres, de s’affubler de leurs traits de caractère et d'en changer à volonté. Je le rencontre presque tous les jours, mais garde une meilleure santé que la sienne. Mes dents sont toujours en place ainsi que mes cheveux. Certes, je consacre moins de temps à mon blog car, m’apprêtant à déménager, je remplis des cartons. Encore ! Me direz-vous. Oui amis lecteurs, et cette fois pour de bon. Comme je vous le confiais il y a quelques mois, les disques pèsent, surtout lorsqu’il faut les porter à bout de bras, les transporter avec précaution d'un domicile à un autre. Ils renferment l'une des plus belles créations de l’homme : la musique. Cet édito de juin, mois de la fête des pères (le 15) et de Jean le Baptiste (le 24), se veut donc rassurant, malgré tous ces pigeons qui batifolent et font caca partout. Car juin est le mois des jardins. A partir du 7 et jusqu’au 27 juillet, au Parc Floral de Paris, le parfum enivrant des fleurs se mêle tous les week-ends à la musique. Le Paris Jazz Festival y fête son vingtième anniversaire avec une programmation pour le moins éclectique. Les clubs parisiens parlent davantage à mes oreilles. Le bon jazz n’y manque pas. Il n’a même jamais été aussi présent.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Vous n’avez pas attendu la mise en ligne de ce blog pour vous précipiter le 2 au New Morning. Kurt Rosenwinkel s'y produisait avec d’excellents musiciens : Taylor Eigsti (piano), Orlando Le Fleming (contrebasse) et Kendrick Scott (batterie). Le guitariste affectionne un jeu sinueux, cisèle des thèmes riffs qui s’inscrivent dans la tradition du bop et possèdent une grande complexité harmonique.
-Le 3 à 20h00, l’Olympia accueille le Pat Metheny Unity Group, une aubaine pour tous les fans du guitariste. Sa formation comprend Chris Potter aux saxophones, Giulio Carmassi aux claviers, Ben Williams à la basse et Antonio Sanchez à la batterie. “Kin”, leur dernier album, donne bien sûr envie d'écouter sur scène leur musique électrique.
-On s’accordera quelques heures de sommeil afin d’être frais et dispos le 4 pour Olivier Ker Ourio (harmonica) qui se produit au Café de la Danse. Avec lui, Emmanuel Bex (orgue Hammond), Matthieu Chazarenc (batterie) et Nicolas Moucazambo (percussions). Ces musiciens font merveille dans “Perfect Match” (Bonsaï records), un beau disque qu’Olivier a entièrement composé à la guitare.
-Deux soirs de suite, le 6 et le 7, Enrico Rava retrouvera au Sunside quelques amis musiciens. Baptiste Trotignon au piano, Darryl Hall, le plus « français » des américains de Paris à la contrebasse, et son vieux complice, le batteur Aldo Romano qui, comme lui, compose des mélodies solaires et raffinées. Le trompettiste fait chanter des notes tendres et délicates à son instrument, cisèle des pièces modales et lentes, paysages sonores dans lesquels il fait bon se trouver.
-Dominique Fillon au Duc des Lombards le 8 et le 10 pour fêter la sortie d’un disque électro acoustique particulièrement réussi. Autour du pianiste, Sylvain Gontard, trompettiste de ce nouvel opus, et une section rythmique réunissant Antoine Reininger à la basse et Francis Arnaud à la batterie. Influencé par Weather Report, le Pink Floyd et Ahmad Jamal, “Born in 68” (Cristal Records, sortie le 3 juin) contient des compositions originales et personnelles, possède de belles couleurs et des rythmes ancrés dans le groove. Je ne me lasse pas d’écouter sa dernière plage, Friends and More, une réjouissante merveille. Une des bonnes surprises de cette fin de printemps.
-Le premier album de Lucky Dog sur Fresh Sound New Talent en est une autre. On écoutera le groupe au Sunside le 10. Frédéric Borey (saxophone ténor), Yoann Loustalot (trompette et bugle), Yoni Zelnik (contrebasse) et Frédéric Pasqua constituent un quartet sans piano aux échanges particulièrement convaincants.
-On connaît mal Simona Severini, jeune chanteuse italienne originaire de Milan qui a étudié avec Tiziana Ghiglioni (une grande !) et donné ses premiers concerts avec le pianiste Giorgio Gaslini. Elle sera au Sunside le 14 pour mettre des mots sur les musiques d’Enrico Pieranunzi, le maestro en personne l’accompagnant au piano.
-Au Café de la Danse le 24, le contrebassiste et compositeur Stéphane Kerecki retrouve le pianiste John Taylor pour une relecture originale des musiques de films de la Nouvelle Vague. Emile Parisien (saxophone soprano) Fabrice Moreau (batterie) et la chanteuse Jeanne Added complètent la formation.
-Finaliste de la Thelonious Monk Competition l’année qui vit Cécile McLorin Salvant en triompher, Cyrille Aimée mérite d’être mieux connue. Née à Fontainebleau d’un père français et d’une mère détentrice d’un passeport de la République Dominicaine, la chanteuse passa son enfance à Samois-sur-Seine, l’île qu’habitait Django Reinhardt. Enregistré avec une contrebasse, une batterie et trois guitares, “It’s a Good Day”, son premier disque pour une major sort en France le 1er juillet. On pourra l’écouter au Duc des Lombards le 24 juin avec Adrien Moignard et Michaël Valeanu (guitares), Sam Anning (contrebasse) et Rajiv Jayaweera (batterie).
-Deux concerts pour le pianiste Tord Gustavsen au Sunside le 27 (20h00 et 22h00). Enregistré avec Tore Brunborg (saxophone ténor), Mats Eilertsen (contrebasse) et Jarle Vespestad (batterie), quartette que vous découvrirez à Paris, “Extended Circle” achève une trilogie inspirée par de vieilles chansons populaires de Norvège et des hymnes protestants, la musique d’église restant la principale source d’inspiration d’un pianiste qui privilégie la mélodie, les moments tranquilles et intimistes. Avec peu de notes et un immense lyrisme, le pianiste norvégien exprime l’essentiel. Un des évènements incontournables de ce début d’été.
-Le même soir (malheureusement), Zool Fleischer, pianiste rare qui ne fait guère parler de lui, se produit sur l’Improviste, péniche toujours amarrée quai d’Austerlitz. Frédéric Borey (ténor et soprano) et Denis Leloup (trombone) offrent à sa musique une instrumentation originale. Les rythmes proviennent du piano, instrument percussif autant que mélodique que Zool, coutumier des miracles, dompte et manipule comme s’il avait mille doigts.
-À l’Olympia le 28, George Benson interprétera ses plus grands succès. À la Cigale le 30, le guitariste (et chanteur) centrera son répertoire autour de l’album “Guitar Man”, un disque de 2011 dans lequel il pratique un subtil mélange des genres, reprend des thèmes des Beatles (I Want to Hold Your Hand) et de Stevie Wonder (My Cherie Amour) et des standards de l’histoire du jazz (Tenderly, Danny Boy).
-Paris Jazz Festival : www.parisjazzfestival.fr/
-New Morning : www.newmorning.com
-Olympia : www.olympiahall.com
-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com
-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com
-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com
-L’Improviste : www.improviste.fr
-La Cigale : www.lacigale.fr
Crédits photos : Kurt Rosenwinkell, Olivier Ker Ourio, Enrico Rava, Dominique Fillon, John Taylor & Stéphane Kerecki © Philippe Marchin – Pat Metheny Unity Group © Jimmy Katz – Simona Severini © Eco di Biella – Tord Gustavsen Quartet © Hans Fredrik Asbjornsen – George Benson © Greg Allen – Cyrille Aimée, Zool Fleischer : photos X/D.R.