Pianiste fougueux, Stefano Bollani canalise aujourd’hui son énergie, poétise sa musique et séduit par le lyrisme de ses compositions. Avec Jesper Bodilsen à la contrebasse et Morten Lund à la batterie, il possède une section rythmique superlative. Ses meilleurs albums ont été enregistrés avec eux, au Danemark (deux disques pour le label Sunt) et à New York (pour ECM), au studio Avatar qu’il retrouve ici. Mark Turner au saxophone ténor et Bill Frisell se joignent parfois à eux, le groupe fonctionnant au complet dans Easy Healing, un calypso d’une grande finesse mélodique et rythmique. Bollani et Frisell dialoguent avec bonheur avant de laisser la contrebasse s’exprimer, puis le ténor chanter. Egalement en quintette, Vale séduit par ses notes inquiétantes, sa lente progression harmonique en demi-teinte. La sonorité droite et austère de Turner convient bien à cette pièce dépouillée qui se développe sur la durée. Indubitablement, le saxophoniste possède un timbre, une sonorité bien à lui. Il anime No Pope No Party un thème bop que porte une rythmique efficace, et Las Hortensias, une ballade mélancolique en quartette. Dans Ismene, la guitare de Frisell se joint au trio et lui apporte une autre couleur. En parfaite osmose, piano et guitare entrelacent avec joie et fluidité leurs lignes mélodiques. Ils font de même dans Teddy, une amusante conversation entre deux complices qui ne manquent jamais d’imagination et prennent plaisir à jouer ensemble. Le pianiste virtuose en fait un peu trop dans le morceau qui donne son titre à l’album, une plage en trio saturée de notes, moins convaincante qu’Alobar e Kudra, un autre de ses thèmes (tous sont de sa plume) lui aussi en trio. Une parenthèse, car désormais il espace et laisse respirer sa musique. Ses compositions en profitent. Confiées à des musiciens inventifs, elles relèvent de l’évidence.