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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 09:37
Rire pour résister

Janvier : pas facile de reprendre la plume après que trois fanatiques prétendument religieux aient tué au nom d’Allah dix-sept personnes et blessé grièvement plusieurs autres. On croit rêver. En s’y prenant à Charlie Hebdo, deux de ces ayatollahs par la kalachnikov ont cru pouvoir bâillonner la liberté d’expression, le non-conformisme et le rire, baume et remède insupportable à des assassins qui veulent nous faire vivre dans la peur. Me viennent à l’esprit les propos que tient le vénérable Jorge dans “Le nom de la rose”, un roman qu’Umberto Ecco, son auteur, situe en 1327 : « La loi s’impose à travers la peur dont le vrai nom est crainte de Dieu. Or le rire peut anéantir la peur ». Les fanatiques ont changé de camp, mais le rire continue bel et bien à faire peur.

 

Je n’étais point un lecteur de Charlie Hebdo, journal qui se gaussait des religions non sans blesser certains croyants respectables, mais j’ai souvent ri des femmes à poil de Wolinski, des aventures du Grand Duduche de Cabu, tous deux tombés sous des balles assassines. Comme bien d’autres de ma génération, j’ai découvert les dessins de Cabu dans Pilote. Grand amateur de jazz, il aimait Count Basie, Duke Ellington, Cab Calloway, la fille du proviseur qu’il rêvait en Julie London et les croqua souvent. Cabu appréciait les remises de prix de l’Académie du Jazz. Sa présence manquera à cette incontournable institution qui lui rendra bien sûr hommage. Deux de ses amis, Christian Bonnet, le trésorier de l’Académie, et Claude Carrière qui en fut le président, l’entourent sur cette photo. Travaillant avec eux, il prêta ses crayons à de nombreuses pochettes de disques, à celles de la collection Cabu Jazz Masters, mais aussi à une “Petite histoire du swing de Louis Armstrong à Miles Davis” et un “Cab Calloway d’anthologie aux éditions BDJAZZ.

 

Le rire n’a pourtant jamais fait florès dans les revues de jazz. Son “Débloc-Notes” censuré par la rédaction de Jazz Hot en septembre 1966, Siné tint, non sans critiques et pendant trois ans, le courrier des lecteurs de Jazz Magazine. À la tête de Jazz Hot, Philippe Adler fut éreinté pour ses Hot News, son « engin d’Hermeto » dérangeant les jazzeux puristes et pudibonds. Le rire, principale arme contre la peur, la tristesse, l’ego qui dupe et illusionne. Puisse-t-il panser nos plaies, se faire davantage entendre en ces jours pleins de larmes.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

Ce blog ayant sommeillé jusqu’au 15 janvier, seule la seconde quinzaine de janvier est ici prise en compte. Depuis cinq ans, le Duc des Lombards présente la fine fleur du jazz made in France. Portant le nom de French Quarter, ce festival se déroule sur tout le mois. Vous n’avez pas eu besoin de moi pour applaudir Dominique Fillon, Pierre de Bethmann, Xavier Desandre Navarre, Laurent Coulondre et bien d’autres encore.

Rire pour résister

-Le 16, ne manquez pas le piano constamment inventif de Jean Michel Pilc au Duc des Lombards dans des concerts en solo (20h et 22h), concerts donnés à l’occasion de la sortie prochaine d’un nouvel album en solo sur Sunnyside Records. Son titre : “What is this Thing Called ?”. Toujours au Duc, Jérôme Regard (contrebasse) et Daniel Humair (batterie) seront ses complices au sein d’un trio interactif et excitant le 17.

-Les mêmes soirs (16 et 17 janvier), Eric Le Lann se produit au Sunside avec un quartette qui interpelle : Paul Lay (piano), Sylvain Romano (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie) pour accompagner une trompette sensible et chantante.

Rire pour résister

-Vrai talent à découvrir au Duc des Lombards le 21, le pianiste Florian Pellissier aime le bop et la scène qu’il partage avec les musiciens de son quintette, les laissant abondamment s’exprimer. Avec lui, Yoann Loustalot à la trompette, Christophe Panzani au saxophone et, pour assurer la rythmique, Yoni Zelnik à la contrebasse et David Georgelet à la batterie.

Rire pour résister

-Chanteuse à la technique vocale éprouvée – il faut l’entendre faire danser les onomatopées qu’elle invente –, Anne Ducros s’installe au Sunside le 23 et le 24 pour improviser sur des standards, reprendre un vaste répertoire, de celui de Marilyn Monroe à celui d’Ella Fitzgerald, “From Marilyn to Ella”, titre de son dernier album qui date déjà de 2013 et dans lequel on retrouve Benoit De Mesmay au piano, Gilles Nicolas à la contrebasse et Bruno Castellucci à la batterie. Christophe Laborde complétera la formation au saxophone.

Rire pour résister

-Installé à Paris depuis 2005, révélation 2011 du festival Jazz à Juan, Alex Stuart invite le trompettiste Nicolas Folmer au Sunset le 24. Avec eux pour jouer un jazz perméable à de nombreuses influences, Irving Acao au saxophone ténor, Chris Jennings à la contrebasse et Antoine Banville à la batterie. Dans “Place to Be”, l’album le plus récent du guitariste australien, jazz moderne, rythmes africains et latins, influences indiennes et balkaniques se mélangent sans frontières.

Rire pour résister

-Après un grand concert à l’Européen en mai, Do Montebello s’invite au Sunside le 25 pour chanter une musique très brésilienne qui empreinte aussi au jazz et aux musiques du monde. Grande voyageuse – Albi, l'Algérie, puis la France, les Caraïbes, les Etats-Unis, le Brésil –, Do passe facilement d’une langue à une autre, tient sous le charme de sa voix un public que séduit le message écologique de ses chansons. Dans “Adamah”, son premier disque publié l’an dernier, elle chante les arbres, le vent, la pluie, les océans, les déracinés d’une terre malmenée. Thierry Moncheny (guitare), Ricardo Feijão (baixolão), Christophe de Oliveira (batterie) et un poète du piano, Patrick Favre, l’entourent idéalement.

Rire pour résister

-Laurent de Wilde au Sunside le 31 avec Jérôme Regard à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie, un concert à ne pas manquer. Le pianiste aime dialoguer avec des machines couvertes de boutons et de potentiomètres, une navette spatiale dont il sonorise la cabine avec des notes étranges venus d’ailleurs. Je le préfère toutefois dans un contexte acoustique, car au piano Laurent connaît les bons remèdes contre le stress, l’adversité, la déprime. Il peut vous conseiller le bon médicament. On attend impatiemment une suite à “Over the Clouds” enregistré en 2012. Mais il prend son temps, écrit un livre sur les inventeurs de claviers au XXème siècle (parution attendue chez Fayard en 2015) préfère peaufiner ses disques pour les rendre plus beaux.

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

Crédits photos : Cabu, Christian Bonnet et Claude Carrière © Philippe Marchin – Jean-Michel Pilc © Mathieu Zazzo – Anne Ducros © Sylvain Thirion – Do Montebello © Catherine Cabrol – Florian Pellissier Quintet, Alex Stuart, Laurent De Wilde © Photos X/D.R.

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commentaires

A
Chapeau pour ton édito, ta plume aussi honore notre condition humaine.
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