Après un remarquable opus en trio avec André Ceccarelli et Thomas Bramerie – “Twenty”, un des treize Chocs 2014 de ce blogdeChoc –, Jean-Michel Pilc nous propose un disque en solo, une déclinaison de What Is this Thing Called Love dont il nous offre une trentaine de versions. Confiée à Dan Tepfer, la prise de son met en valeur l’instrument, un Yamaha CFX, traduit les nuances, les couleurs qu’il apporte à la musique. Ses idées, Pilc les transmet à ses mains, à ses doigts qui, posés sur le clavier, en font magnifiquement sonner les notes. Le choix de What Is this Thing Called Love ne fut nullement prémédité. Improvisant quelques morceaux, le pianiste se rendit compte que la mélodie de Cole Porter qu’il avait alors en tête en était le fil conducteur. Il opta donc pour des variations autour du thème qu’il expose brièvement après un tour de chauffe sur la gamme de do, (C Scale Warm Up), tonalité qu’il conserve tout au long du disque. Il y a mille et une manières de relire un standard. Jean-Michel Pilc aime en masquer le thème, le réinventer, le truffer de citations. Son jeu rubato autorise bien des surprises. Cole, une des plus longues plages de l’album, fait côtoyer dissonances et passages romantiques et la coda inattendue de Now You Know What Love Is, presque un psaume, relève du gospel. Chaque pièce est une aventure, une étude pour piano tant l’instrument y dévoile sa richesse : chatoiement des sons, audaces harmoniques, cascades d’arpèges et de notes perlées, netteté de l’attaque, phrasé fluide, Pilc excelle dans tous les registres et diversifie son jeu. Glide, More, Quick, Chimes, Dance, Elegy, Swing ne dépassent pas la minute. Leurs titres traduisent des cadences, évoquent des sensations, des visions fugitives. Toutes les plages s’enchainent et l’auditeur découvre stupéfait un fourmillement d’idées, de rythmes, de couleurs, des vagues de notes (Waves) qui s’accordent ou se télescopent avec logique. Dawn et son délicat balancement décline une nouvelle mélodie et Walk flirte avec le blues. What Is this Thing Called Love dont Pilc siffle la mélodie dans Duet, réapparaît transfiguré par d’autres harmonies dans Giant. Hommage à Martial Solal, Martial multiplie les clins d’œil, les citations. La comptine Une souris verte ne se cache t’elle pas sous les accords de Bells ? Avec Run le piano s’emballe, précipite l’allure. Dédié à Kenny Werner, Grace la calme majestueusement. L’émotion, palpable, ne peut que nous saisir.