-J’apprends par Philippe Ghielmetti qui lui fit faire plusieurs disques et l’appréciait beaucoup, la disparition de John Taylor le samedi 18 juillet des suites d’un infarctus. La veille, il s’était affaissé doucement pendant un concert donné à Segré (Maine-et-Loire) par le quartette de Stéphane Kerecki dont il était le pianiste. Né le 25 septembre 1942 à Manchester, il allait avoir 73 ans. L’Académie du Jazz lui avait décerné son Prix du Musicien Européen en 2014 pour l’ensemble de son œuvre, récompense remise le 19 janvier dernier au théâtre du Châtelet. C’était la première fois qu’il recevait un prix et il en fut profondément touché. John avait alors joué en solo Ambleside, une composition qu’il affectionnait et qu’il enregistra plusieurs fois. Je l’avais bien sûr retrouvé à cette occasion. J’avais fait sa connaissance quelques années plus tôt, lors des concerts qu’il avait donnés à Paris lors de la sortie de “Patience”, premier disque que Stéphane et John avaient enregistré ensemble, un album moins célèbre que “Nouvelle Vague” publié l’an dernier. John Taylor laisse derrière lui une imposante discographie. Outre plusieurs albums avec Azimuth, trio comprenant la chanteuse Norma Winstone et le trompettiste Kenny Wheeler décédé en septembre dernier, il enregistra plusieurs albums avec le bassiste Palle Danielsson au sein du trio de Peter Erskine puis avec le sien, Martin France remplaçant Erskine à la batterie. Je réécoute non sans émotion ses derniers disques en solo, “Phases” et “In Two Minds”. Leurs harmonies rêveuses et poétiques me touchent profondément.
-Philippe Ghielmetti m’apprend aussi la disparition du pianiste Masabumi Kikuchi, décédé à New York le 7 juillet à l’âge de 75 ans. Philippe m’avait offert deux jours plus tôt une copie d’un de ses disques les plus recherchés, un concert au Japon de Tethered Moon consacré à la musique de Jimi Hendrix. Surnommé Poo, Masabumi enregistra plusieurs albums avec ce trio qui comprenait Gary Peacock à la contrebasse et Paul Motian à la batterie. Né à Tokyo en 1939, il débuta sa carrière de jazzman auprès de Toshiko Akiyoshi et de Charlie Mariano et fut membre du grand orchestre de Gil Evans. C’est toutefois “Susto”, un disque de jazz fusion édité sous son nom en 1981 et dans lequel il joue de nombreux claviers électriques, qui me permit de mieux le connaître. Je découvris plus tard son magnifique piano acoustique dans les disques de Tethered Moon, ceux que Motian fit avec lui, et les siens, souvent en solo, qu’il enregistra au Japon. Son dernier album publié, il le confia à ECM en 2009 qui le sortit trois ans plus tard. Thomas Morgan à la contrebasse et Paul Motian à la batterie l’accompagnent dans dix pièces modales improvisées de forme et de structure très libres. Avec le temps, le pianiste avait acquis beaucoup d’expérience et ses harmonies flottaient avec l’assurance d’un navire certain de braver une tempête. Poo s’asseyait derrière son instrument sans avoir rien préparer, sans savoir ce qu’il allait jouer. Sa musique jaillissait tout simplement. Arigatō Kikuchi San.
Photos : John Taylor © Andrea Boccalini – Masabumi Kikuchi © Arne Reimer