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1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 09:41
Les voi(es)x des ondes

Certains allument le feu, d’autres la lumière. Il suffit d'appuyer sur un interrupteur. C'est simple et surtout très pratique. On fait cela machinalement, sans jamais penser aux inventeurs qui ont canalisé l’électricité pour la livrer à domicile. L’électricité : une onde porteuse qui depuis la fin du XIXème siècle permet une relation nouvelle avec la musique, avec le son, des ondes elles aussi.

En 1877, Thomas Edison enregistre sur rouleau Mary Had a Little Lamb dans le pavillon de son invention, le phonographe, et pour la première fois grave et lit du son. Ce dernier voyage depuis l’invention du téléphone l’année précédente, depuis que la voix est devenue audible grâce au microphone à charbon. Mais il faut attendre Thaddeus Cahill (1867-1934) et son Telharmonium pour que la musique, le son et l’électricité s'associent. Jouée en temps réel sur un orgue électrique, la musique arrive par le téléphone moyennant un abonnement, et cela à tout moment. A l’autre bout du fil, une machine de deux cents tonnes et de vingt mètres de long dotée de bobines de dynamos et de roues phoniques dont certaines ont la taille d’un homme. Une machine énorme très gourmande en énergie que l’apparition de la radio rendra en quelques années obsolète.

Car la voie des airs va remplacer le câble pour propager le son à très grande vitesse et à très grande distance et le soir de Noël 1906 un inventeur canadien, Reginald Fessenden, diffuse la première émission de radio. Cette année là, l’anglais John Ambrose Fleming dépose le brevet de la diode (mot signifiant traitement des signaux électriques) qui ouvre l’ère de l’électronique. S’en suit l’invention de la triode (ou audion) qui permet d’amplifier un signal et d’obtenir un circuit résonant, un oscillateur qui permettra à Lev Termen de mettre au point son Theremin, instrument que les Beach Boys immortaliseront des années plus tard avec Good Vibrations.

Les inventions se succèdent, se chevauchent jusqu’à ce que Don Buchla (prononcer Boucla) commercialise en 1963 le premier synthétiseur modulaire. Citons les Ondes Martenot, le Trautonium, l'orgue Hammond (le célèbre B-3 popularisé par Jimmy Smith), le Chamberlin (première boîte à rythme et premier échantillonneur analogique), le Mellotron (l’intro inoubliable de Strawberry Fields Forever), l'Electronium, le Sacqueboute électronique (premier synthetiseur « moderne » avec clavier à résistance logarithmique), le Fender Rhodes tant prisé par les jazzmen, le Wurlitzer, des instruments que l’on doit à des inventeurs qui tous ont des manies, des comportements fréquemment excentriques. Leurs noms sont parfois associés à leurs drôles de machines : Maurice Martenot, Friedrich Trautwein, Laurens Hammond, Robert Arthur Moog (prononcer Mogue). Ce dernier perfectionna dans les années 60 une gamme de synthétiseurs performants qu'utiliseront les Byrds, les Beatles et même les Rolling Stones.

Les voi(es)x des ondes

Auteur d’un livre remarquable et remarqué sur Thelonious Monk en 1996, Laurent de Wilde vient de faire paraître chez Grasset un épais bouquin sur “Les fous du son”, un livre d'une lecture très facile malgré les difficultés techniques du sujet abordé, une source d’information indispensable à celui qui veut connaître l’histoire de ces instruments qui ne cessent d’évoluer, de se perfectionner, se miniaturiser. Il nous conduit jusqu'à la fin des années 80, jusqu'au basculement du son dans une ère numérique encore à explorer. Il est loin le temps où Raymond Scott (alias Harry Warnow) mettait au point son Electronium, sorte de « super bureau de directeur d’usine », un gros bloc aux faces verticales couvertes de lampes, d’interrupteurs, de boutons de toutes tailles, un gros machin produisant des sons stupéfiants. Pour reprendre les mots de Laurent à propos des grandes orgues de la cathédrale d’Albi : « Dark Vador en aurait rêvé ! ».

-Ne manquez pas de visiter le site de Laurent de Wilde www.laurentdewilde.com Une vaste documentation vous y attend : photos, vidéos, interviews, illustrations audio. On peut même y jouer du Theremin !

 

QUELQUES CONCERTS ET UNE VENTE AUX ENCHÈRES QUI INTERPELLENT

Les voi(es)x des ondes

-Lew Tabakin au Sunset les 1er et 2 avril. Avec Raphael Dever (contrebasse) et Mourad Benhammou (batterie) le premier soir. Le saxophoniste travaille souvent sans filet, prend des risques. Jouer avec une section rythmique et un pianiste reste toutefois plus gratifiant. Aussi invite-il le second soir Alain Jean-Marie à rejoindre son trio. Connu pour son association avec la pianiste japonaise Toshiko Akiyoshi, son épouse avec laquelle il codirigea un grand orchestre, Lew, 76 ans le 26 mai prochain, n’excelle pas seulement au ténor. C’est aussi un flûtiste hors pair, un des seuls jazzmen qui improvise réellement sur l’instrument.

Les voi(es)x des ondes

-Lou Tavano au Duc des Lombards aux mêmes dates (1er et 2 avril). La chanteuse sait capter l’attention du public, le séduire par un répertoire qui s’ouvre à d’autres musiques que le jazz. De jeunes musiciens talentueux l’entourent, mettent en valeur sa voix fraîche et joliment timbrée. Alexey Asantcheeff, son pianiste et compagnon, compose et signe les arrangements. Arno de Casanove (trompette) et Maxime Berton (saxophones) donnent des couleurs aux morceaux. Alexandre Perrot (contrebasse) et Ariel Tessier (batterie) leur apportent du rythme. Disponible sur ACT et distribué par Harmonia Mundi son album s’intitule “For You, une invitation à y prêter l’oreille.

Les voi(es)x des ondes

-Paul Lay au Sunside le 2 avec Clemens Van Der Feen à la contrebasse et Dré Pallemaerts à la batterie, musiciens qui l’accompagnent dans “Mikado, un disque de 2014, son dernier à ce jour. Il vient de recevoir le très convoité Prix Django Reinhardt que décerne chaque année l’Académie du Jazz et déborde d’activité. Pianiste de Géraldine Laurent sur scène et sur disque, il joue et enregistre aussi avec Eric Le Lann et s’est associé avec le vidéaste Olivier Garouste pour monter un spectacle autour du répertoire de Billie Holiday. Deux albums de lui attendent de sortir, l’un enregistré avec la section rythmique qui l’entourera au Sunside, l’autre avec la chanteuse Isabel Sörling et le bassiste Simon Tailleu.

Les voi(es)x des ondes

-Le Gil Evans Paris Workshop à l’Espace Sorano (Vincennes) le 2 à 20h30. C’est au Studio de l’Ermitage, le 8 octobre 2014 que la formation se produisit la première fois en public. A sa tête Laurent Cugny qui joue de l’orchestre comme un instrument, privilégie l’harmonie et ses couleurs. Laurent avait rencontré Gil Evans à Paris en 1986, lors de la rédaction du livre qu’il préparait sur lui (“Las Vegas Tango publié chez P.O.L.). L’année suivante, Gil enregistrait deux albums avec Laurent qui, depuis, n’a jamais cessé de lui rendre hommage, de perpétuer sa musique et ses arrangements. Il le fait aujourd’hui avec seize jeunes musiciens dont certains vous sont probablement familiers. Vous trouverez leurs noms sur le site de l’espace Sorano. Outre des compositions et des arrangements de Gil (Time of the Barracudas, Goodbye Pork Pie Hat), Laurent reprend quelques-unes de ses anciennes compositions et en apporte des nouvelles, les confiant à cet « orchestre atelier » grand faiseur de merveilles.

Les voi(es)x des ondes

-Le pianiste Florian Pellissier au New Morning le 5 avec Yoann Loustalot (trompette et bugle), Christophe Panzani (saxophone ténor), Yoni Zelnik (contrebasse) et David Georgelet (batterie). Son nouveau disque, “Cap de Bonne Espérance, relève davantage du hard bop de la fin des années 50 et des années 60 que des musiques du sud de l’Afrique. Les musiciens dialoguent, mêlent les timbres de leurs instruments, improvisent sur de bonnes mélodies, s’appuient sur des arrangements qui mettent le swing à l’honneur. Chaude, colorée, superbement chantée par les vents, ces compositions, des originaux pour la plupart, s’ancrent avec bonheur dans le jazz de toujours.

Les voi(es)x des ondes

-Une vente aux enchères pas comme les autres à l’Hôtel Drouot (9, rue Drouot, 75009 Paris) le mercredi 6 avril à 14h00, salle 4 : 143 photos de Jean-Pierre Leloir y seront dispersées par l’étude de Commissaires-Priseurs Kapandji Morhange. Une soixantaine d’entre elles sont consacrées à des musiciens de jazz et de blues. Elles proviennent toutes des archives du photographe disparu en 2010, archives que dirige aujourd’hui sa fille Marion. La plupart des tirages, des épreuves argentiques, ont été effectués du vivant de Jean-Pierre et portent son cachet et / ou sa signature. Certaines photos sont numérotées. Un certificat d’authenticité signé par Marion Leloir sera remis aux acquéreurs qui, en sus du montant de l’enchère, devront payer 26% de taxes et frais divers. Les prix sont estimés entre 4000 et 600 euros. Expositions publiques la veille de la vente, le mardi 5 de 11h00 à 18h00 et le jour même, de 11h00 à 12h00. Pour d’autres renseignements, consultez l’expert, Mr. Pierre Bourdy, au 06 08 18 21 34.

Les voi(es)x des ondes

-Francesco Bearzatti et son Tinissima 4Et le 6 à Tremblay-en-France (L’Odéon Théâtre, 20h30) dans le cadre du Festival Banlieues Bleues. Après “Monk’N’Roll relectures décalées et réussies de quelques œuvres de Thelonious Monk, le saxophoniste dont les improvisations musclées ne manquent pas de lyrisme s’attaque au répertoire de Woody Guthrie qui chanta les minorités opprimées et les luttes syndicales de la grande Amérique. Inventeur du Protest Song, Guthrie eut une grande influence sur Bob Dylan et les chanteurs engagés des années 60 et 70. “This Machine Kills Fascists (cette machine tue des fascistes), phrase écrite sur sa guitare, est le titre que Francesco Bearzatti a choisi de donner à son dernier disque. On y retrouve son complice Giovanni Falzone à la trompette, Danilo Gallo à la basse acoustique et électrique et Zeno De Rossi à la batterie qui font avec lui le voyage à Tremblay.

Les voi(es)x des ondes

-Thelonious Monk l’incontournable, le chouchou des jazzmen. Aujourd’hui comme hier, ils célèbrent son répertoire, une œuvre singulière et unique que de très nombreux pianistes interprètent. L’un d’entre eux, Laurent de Wilde, vient jouer les musiques de son pianiste favori au Sunside le 8 avec Bruno Rousselet à la contrebasse et Donald Kontomanou à la batterie. Histoire de poser ses doigts sur un autre clavier que celui d’un ordinateur, de faire naître de la musique après plusieurs mois consacrés à l’écriture d’un nouveau livre pour les éditions Grasset, “Les Fous du Son en librairie depuis le 23 mars, un million de signes, 550 pages pleines d'histoires, de découvertes et d'inventions qui se dévorent avec passion.

Les voi(es)x des ondes

-Toujours le 8, dans le cadre de Banlieues Bleues, Chucho Valdés est attendu au Nouveau Théâtre de Montreuil (20h30) pour un hommage à Irakere, formation qu’il mit sur pied en 1973 et avec laquelle il rénova la musique cubaine, lui donnant un aspect funk dans Bacalao Con Pan, des voix et des tambours batá dans Misa Negra, deux morceaux emblématiques d’Irakere (Jungle en Yoruba) aujourd’hui confiés aux musiciens de ses Afro-Cuban Messengers. Des compositions plus récentes et des reprises de quelques thèmes que le pianiste affectionne – Tabú de Margarita Lecuona sœur du pianiste et compositeur Ernesto Lecuona, Los Caminos de Pablo Mianés Arias, un des fondateurs de la Nueva Trova Cubana – s’ajoutent à ce répertoire que l’on peut découvrir dans le dernier disque de Chucho, “Tribute to Irakere (Jazz Village), enregistré live à Marciac en août 2015.

Les voi(es)x des ondes

-Prévu le 8 décembre dernier au New Morning, le concert de sortie de “The Whistleblowers”, réunissant David Linx (chant), Paolo Fresu (trompette et bugle) et Diederick Wissels (claviers) fut annulé en raison des sanglants évènements qui endeuillèrent Paris. On retrouvera la formation au Café de la Danse le 14 à 20h00 avec la section rythmique du disque, Christophe Wallemme à la contrebasse et Helge Andreas Norbakken à la batterie. La musique est si bonne que l’on on se passera des cordes présentes dans cinq plages de l’album pour se laisser porter par le chant inspiré d’un bugle rêveur, par la voix aérienne d’un chanteur au meilleur de sa forme.

Les voi(es)x des ondes

-Lauréat de la Thelonious Monk Jazz Piano Competition en 2011, Kris Bowers retrouve le Duc des Lombards le 18. Le club l’avait invité en juillet 2014 pour jouer les morceaux de l’album qu’il venait de sortir, “Heroes + Misfits” (Concord), un étonnant mélange de jazz, de soul et de hip hop bénéficiant d’une large palettes de couleurs et d’orchestrations inventives. Grâce à son moteur de recherche, vous en trouverez la chronique enthousiaste dans ce blog. Au Duc, le pianiste sera accompagné par des musiciens à découvrir : Nick Croes (guitare), Alex Bonfanti (contrebasse) et Jamie Peet (batterie).

Les voi(es)x des ondes

-Olivier Hutman au Sunside le 20 avec Marc Bertaux à la basse électrique et Tony Rabeson à la batterie. Des retrouvailles, car mis à part un concert en mars dernier à Villiers le Bel, ils n’avaient plus joué ensemble depuis vingt sept ans. Ils ont enregistré deux albums : “Six Songs” pour JMS en 1983, disque qui valut à Olivier le Prix Boris Vian de l’Académie du Jazz (meilleur disque de jazz français) et “The Man With the Broken Tooth” en 1987 pour Cerise Productions. Outre du piano, Olivier jouera du Fender Rhodes dans un contexte plus électrique que d’habitude. D’autres couleurs pour sa musique dans laquelle le blues tient une place importante et qui, confiée à trois complices, promet de bonnes surprises.

Les voi(es)x des ondes

-Le 22 et le 23, Enrico Pieranunzi retrouve le Sunside. Avec lui, Diego Imbert à la contrebasse et André Ceccarelli à la batterie deux musiciens avec lesquels il aime jouer lorsqu’il visite Paris. Garante du tempo, la contrebasse du premier entretient un dialogue actif avec ses partenaires, s’attache à rendre aussi lisible que possible la ligne mélodique des morceaux provenant d’un vaste répertoire. La batterie du second accompagne sans peine ce piano rubato qui aime changer de tempo, cultive avec humour la phrase inattendue. La main gauche du Maestro plaque de puissants accords, des notes élégantes qu’il assemble avec un grand sens de la forme. Ses doigts harmonisent et colorent les thèmes superbes qu’il invente, font chanter et respirer de grands standards qu’il fait bon écouter.

Les voi(es)x des ondes

-Michael Wollny au Goethe Institut le 28 (17, avenue d’Iéna à 20h00) Un concert événement, car le pianiste allemand se produit rarement à Paris. Récipiendaire en 2014 avec John Taylor du Prix du Jazz Européen décerné par l’Académie du Jazz, il ne put venir récupérer son trophée au théâtre du Châtelet en janvier 2015, année qui vit paraître sur ACT “Nachtfahrten” (“Trajets de nuits”), album très remarqué rassemblant des compositions originales teintées de romantisme, et des reprises inattendues, Bernard Herrmann et Angelo Badalamenti y côtoyant Guillaume de Machaut. Quatorze pièces brèves, des morceaux aux tempos lents, aux ambiances inquiétantes. Avec lui, le bassiste suisse Christian Weber et Eric Schaefer, son batteur habituel dont la puissante grosse caisse est souvent mise en avant dans ses disques, dans “Weltentraum” son précédent opus (2014) également très réussi. Un concert à ne pas manquer organisé avec la collaboration de l’Académie du Jazz. Réservation obligatoire compte tenu de la petitesse de la salle.

Les voi(es)x des ondes

-Ne manquez pas le 30 avril la 5ème édition de la Journée Internationale du Jazz, le Jazz Day 2016 proclamée par l’UNESCO pour promouvoir le jazz comme élément de dialogue universel et facteur de paix entre les peuples. Des concerts, des conférences et des master classes se tiendront dans de nombreux quartiers de Paris. Beaucoup de musiciens inconnus, de formations à découvrir sont ainsi proposés aux curieux. La présence du Ernie Watts Quartet au Duc des Lombards relève cette année le niveau de la manifestation. On consultera attentivement son programme.

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Espace Sorano : www.espacesorano.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Banlieues Bleues : www.banlieuesbleues.org

-Café de la Danse : www.cafedeladanse.com

-Goethe Institut : www.goethe.de/paris

-Journée Internationale du Jazz (Jazz Day 2016) : www.jazzdayparis.com

 

Crédits Photos : Laurent de Wilde © Pierre de Chocqueuse – Lou Tavano © Alice Lemarin / ACT – Paul Lay © Philippe Marchin – Chucho Valdés © Francis Vernhet – David Linx, Paolo Fresu & Diederick Wissels © Roberto Cifarelli – Olivier Hutman, Marc Bertaux & Tony Rabeson © Viana Hutman – Lew Tabakin, Gil Evans Paris Workshop, Florian Pellissier Quintet, Francesco Bearzatti Tinissima 4Et, Kris Bowers, Enrico Pieranunzi / Diego Imbert / André Ceccarelli © Photos X/D.R.

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