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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 15:21
Brad MEHLDAU Trio : “Blues and Ballads” (Nonesuch / Warner)

Blues and Ballads est le premier disque en trio de Brad Mehldau depuis bientôt quatre ans, depuis “Where Do You Start”, Grand Prix de l’Académie du Jazz en 2012. Le pianiste s’est toutefois rappelé à nous l’an dernier avec “10 Years Solo Live”, un coffret de 4 CD(s) renfermant les meilleurs moments de ses concerts en solo, exercice dans lequel il excelle et prend des risques. Effectuées en temps réel, ses longues et babéliennes improvisations plongent alors l’auditeur dans le rêve, l’éternité d’un instant qui semble indéfiniment durer, le souvenir d’un moment unique qu'il a toujours souhaité retrouver. En trio, Brad est plus sage, surtout dans ce disque, le plus facile qu’il nous ait donné à entendre depuis longtemps. Non qu’il cherche à simplifier son jeu, mais jouer avec une contrebasse et une batterie tempère son piano aventureux, l’oblige à freiner ses ambitions, à mieux structurer son discours.

Brad MEHLDAU Trio : “Blues and Ballads” (Nonesuch / Warner)

Comme son titre l’indique, ce disque contient des blues et des ballades. Brad les joue avec une sensibilité énorme, ajoute des harmonies raffinées aux intervalles diminués qui constituent la spécificité du blues. Ce ne sont plus ceux des temps difficiles que les Noirs chantaient dans les plantations du Sud. La tristesse qu’ils véhiculaient s’est perdue, comme son histoire aujourd'hui trop oubliée. Composé par Buddy Johnson en 1945 et popularisé par son orchestre (sa sœur Ella en était la chanteuse), Since I Fell for You résume bien la démarche artistique du pianiste qui aère constamment son discours, trouve des harmonies adéquates pour chaque mélodie et privilégie la beauté de la note. Les tempos sont lents. La contrebasse de Larry Grenadier assure un discret contrepoint mélodique. La batterie de Jeff Ballard donne relief et souplesse à de longues phrases que Brad étire, improvise à partir des thèmes qu’il reprend.

Brad MEHLDAU Trio : “Blues and Ballads” (Nonesuch / Warner)

Des standards dont une version de I Concentrate on You (Cole Porter) teintée de samba, Cheryl de Charlie Parker abordé énergiquement sur tempo medium, deux morceaux de Paul McCartney, And I Love Her qu’il écrivit en 1964 lorsqu’il était l’un des Beatles, étant le plus célèbre, constituent le répertoire de l’album. Brad Mehldau les joue avec une infinie tendresse avant de les confronter à son propre langage, à son jeu ambidextre qui lui permet de jouer simultanément plusieurs thèmes, de converser avec lui-même, de répondre par des basses puissantes au questionnement mélodique de sa main droite. La section rythmique préfère alors se taire, écouter un piano inventif et porteur d’émotion. Pendant trois bonnes minutes, il est seul à réinventer These Foolish Things (Remind Me of You), à nous en offrir une version aussi dépouillée que subtile. Il fait de même dans My Valentine, un morceau de Paul McCartney que contient “Kisses on the Bottom publié en 2012. Dans la version originale arrangée par Alan Broadbent, naguère le pianiste du défunt Quartet West, le solo est confié à la guitare acoustique d’Eric Clapton. Ici, Brad reprend la mélodie en solo, la passe au prisme de ses propres harmonies avant de la retremper en trio dans le blues. And I Love Her est l’un des sommets de l’album. Ce n’est pas la première fois que le pianiste nous propose cette chanson que Paul composa pour le film “A Hard Day’s Night. Le coffret “10 Years Solo Live”, en contient une version en solo. Avec Grenadier et Ballard, il ne s’éloigne jamais du thème lorsqu’il improvise, mais la qualité de ses voicings, ses phrases qui ondulent comme des vagues, son élégant balancement rythmique, soulèvent l’enthousiasme. Le pianiste peut aussi adopter un jeu beaucoup plus simple. Dans Little Person, une chanson que Jon Brion, composa pour le film “Synecdoche, New York”, il joue la mélodie, l’effleure avec délicatesse et respect. Car c’est un Brad Mehldau serein et inspiré qui s’exprime tout au long de ce disque. Ses phrases chantantes, les belles couleurs harmoniques qu’il pose sur de grandes mélodies procurent beaucoup de joie.

Photos © Michael Wilson.

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