C’est dans “Fall Somewhere”, un disque de Nicolas Moreaux, grand créateur de paysages sonores, que j’ai découvert Christophe Panzani. Renfermant un long dialogue inspiré entre son saxophone et celui de Bill McHenry, Far, une grande page lyrique, m‘a particulièrement ému. Car au ténor, Panzani possède une sonorité bien particulière. Le timbre en est doux, léger, aérien, une sonorité d’alto, Christophe préférant le registre aigu de l’instrument. On pense à Lee Konitz, mais aussi à Jeremy Udden, altiste américain avec lequel Moreaux a enregistré l’an dernier sur Sunnyside le très beau “Belleville Project”.
Christophe Panzani n’est pas l’homme d’une seule formation. Multi-instrumentiste – il pratique également le soprano, la flûte et la clarinette basse –, il est Avec Andy Sheppard l’un des deux saxophonistes ténor que l’on peut entendre dans “Appearing Nightly”, un disque en big band de Carla Bley enregistré au New Morning en 2006. Il joue également dans le quintette du pianiste Florian Pellissier, dans Pasta Project qu’il anime avec l’accordéoniste Vincent Peirani. Avec le pianiste Tony Paeleman, il co-dirige The Watershed, groupe comprenant Pierre Perchaud et le batteur Karl Jannuska. Je ne vais pas détaillé ici les nombreuses activités musicales auxquels se livre le saxophoniste, “Les âmes perdues” que publie Jazz & People, premier label de jazz participatif français que dirige Vincent Bessières, étant la vraie raison de cette chronique. Car Christophe Panzani m’a instantanément séduit par le lyrisme, la volupté de son souffle. C’est qu’il s’exprime en poète, chante avec bonheur la ligne mélodique des musiques qu’il invente. Celles de ce disque, son premier en leader, il les a toutes imaginées pour ses interprètes, des musiciens amis, sept pianistes chez lesquels il s’est rendu, parcourant la France (Paris, Tours, Poitiers) et l’Allemagne (Cologne) avec son matériel d’enregistrement, ses micros et son saxophone ténor.
L’aidant dans cette tâche, Tony Paeleman a enregistré ses duos avec Edouard Ferlet et Dan Tepfer, se chargeant également de la prise de son d’Étrangement calme, morceau que Christophe lui a attribué et dans lequel il se contente d’assurer un long ostinato, de rythmer le chant suave et ensorcelant du ténor. Le piano occupe également une place modeste dans Le rêve d’Icare. Loin de toute exhibition, Yonathan Avishai y pose les accords graves et sombres sur lesquels se développe le chant mélancolique de Christophe. Confié à Edouard Ferlet et Dan Tepfer (respectivement dans Sisyphe et Le Jardin aux sentiers qui bifurquent), l’instrument dialogue et révèle ses possibilités harmoniques, Dan offrant même un contrepoint virtuose aux notes diaphanes que murmure le ténor. Vouloir comparer les jeux respectifs de nos sept pianistes reste toutefois parfaitement inutile. Chacun apporte sa sensibilité, sa musicalité, son toucher, et joue sur son propre piano ce qui donne un éclairage spécifique à chaque morceau. Leonardo Montana surprend par la vivacité de son discours. Je découvre Laia Genc, une pianiste allemande dont je ne sais rien de la musique. Ses harmonies riches et colorées semblent particulièrement inspirer les tendres rêveries du saxophone. J’ignorais que Guillaume Poncelet, le trompette de l’ONJ de Daniel Yvinec jouait du piano de manière aussi délicate. Christophe lui a réservé Traduire Eschyle et sa mélodie est un autre grand moment de pur bonheur. Ils sont nombreux, s’enchaînent, s’additionnent. 43 minutes de musique au total, le timing parfait d’un disque qui interpelle aussi par son visuel, un étonnant portrait de Christophe Panzani par le dessinateur Ludovic Debeurme.
Concerts de sortie le vendredi 1er juillet (19h30 et 21h30) au Duc des Lombards avec les pianistes Yonathan Avishai, Laia Genc, Leonardo Montana et Tony Paeleman.
Photos © Philippe Marchin