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14 juin 2018 4 14 /06 /juin /2018 09:14

Deux bons disques que vous pourrez écouter tout l’été et bien plus tard encore. Des jazzmen français en sont les auteurs bien que Nelson Veras, dont la guitare occupe une place importante dans la formation de Fred Pasqua, soit brésilien. Batteur, ce dernier fait actuellement beaucoup parler de lui. On peut l’entendre dans “Copper”, un album du guitariste Romain Pilon privilégiant les alliages sonores électriques, et dans le nouvel opus de Lucky Dog, un groupe dans lequel on retrouve Yoann Loustalot, leader du trio Aérophone dont le batteur est Pasqua. Quant à Nicolas Moreaux, il sort son troisième album. Le précédent, “Fall Somewhere”, date de 2013 et reçut cette année là le Grand Prix de l’Académie Charles Cros.

Fred PASQUA : “Moon River” (Bruit Chic : L’Autre Distribution)

Une rencontre avec Nelson Veras est à l’origine de ce disque, le premier que Fred Pasqua enregistre sous son nom. Le jeu de guitare si personnel de Veras, la finesse de ses harmonies, la richesse de sa palette rythmique, le batteur les imagine associés à d’autres instruments, à la contrebasse de Yoni Zelnick qu’il connaît bien – tous deux sont membres de Lucky Dog –, au timbre plein et rond du bugle de Yoann Loustalot. Car il fallait une autre voix mélodique pour interpréter le répertoire que le batteur souhaitait enregistrer, The Peacocks de Jimmy Rowles, Black Narcissus de Joe Henderson, Nascente de Milton Nascimento et bien sûr Moon River, un thème qu’Henry Mancini écrivit pour le film de Blake Edwards “Breakfast at Tiffany’s”, des mélodies familières qui, une fois entendues, lui trottaient dans la tête.

 

Enchainés les uns aux autres, treize thèmes sortis de la mémoire du batteur se parent d’habits neufs, trempent dans un bain de douceur. Des morceaux repensés, transformés par les improvisations qui s’y attachent. On peine ainsi à reconnaître Circle, une des pièces de “Miles Smiles”. Elle repose sur très peu de notes et son aspect quelque peu immatériel est parfaitement rendu par les accords oniriques qu’égraine la guitare. Longtemps masquée, la mélodie de The Peacocks se révèle tardivement et il faut prêter l’oreille pour découvrir Black Narcissus dans la version en trio que nous en donne Nelson Veras, son jeu de guitare très technique restant toujours fluide et poétique. Ce dernier nous fait rêver dans Gentle Piece de Kenny Wheeler, une pièce douce et tendre comme la plupart de celles que propose ce répertoire. Riot d’Herbie Hancock dans lequel Fred Pasqua s’offre un court solo de batterie, est toutefois abordé sur un tempo plus rapide, Yoann Loustalot et Veras dialoguant souvent dans les nombreuses plages en quartette de l’album. Car, accueillant aussi quelques invités, “Moon River” combine plusieurs formations à géométrie variable. Nascente est ainsi interprété en quartette sans Loustalot mais avec Adrien Sanchez au saxophone ténor, ce dernier se réservant Something Sweet Something, une improvisation en solo. Veras et Zelnik interprètent en duo Timeless de John Abercrombie et Central Park West fait entendre le saxophone ténor de Robin Nicaise. Moon River est chanté par le batteur Jean-Luc Di Fraya, de même que le court extrait de Soupir, l’un des trois poèmes de Stéphane Mallarmé que Maurice Ravel mit en musique. Laurent Coq tient le piano dans ces deux morceaux.

Nicolas MOREAUX : “Far Horizons” (Jazz&People / Pias)

J’aime beaucoup ce que fait le bassiste Nicolas Moreaux, le jazz souvent teinté de folk de sa formation qui possède une sonorité bien spécifique. Ses deux batteurs, Karl Jannuska et Antoine Paganotti donnent du groove aux compositions, mais apportent aussi aux ballades un foisonnement sonore bénéfique, notamment dans To Blossom. Ce son de groupe, on le doit aussi aux saxophones d’Olivier Bogé et de Christophe Panzani, à leurs timbres diaphanes, doux, légers, et à la guitare de Pierre Perchaud, musicien de formation classique dont les riches harmonies, les couleurs aux effets sonores bien dosés, profitent à la musique.

 

Ceux qui comme moi ont découvert l’univers musical de Nicolas Moreaux lors de la parution de “Fall Somewhere” ne seront pas déçus. Les compositions sont toujours très lyriques, bien que certaines d’entre-elles se révèlent plus énergiques que d’habitude. Morceau stimulant, The Bard fait entendre une musique heureuse. Tout comme celle de Music of the Heart, dont le groove, le balancement rythmique sert un thème très chantant. Mais ce sont surtout dans les ballades que le jazz atmosphérique que distille la formation est le plus prégnant ; dans Bird Symbolic qui contient un beau solo de contrebasse de Moreaux ; dans Far Horizons, une pièce onirique introduite par une guitare sonnant comme un banjo et qui, portée avec suavité par le ténor de Christophe Panzani, fait entendre Olivier Bogé au piano (il en joue sur plusieurs plages de l’album). Au saxophone alto, ce dernier dialogue avec le ténor dans To Blossom, une pause bienvenue après le tempétueux Sister Soul largement confié aux batteurs. I’ve Seen You in Me qui ferme l’album possède également un fort pouvoir de séduction. La guitare, puis le piano égrainent sa mélodie délicate et champêtre. On ne s’attend pas à entendre chanter Nicolas Moreaux, quelques notes d’une trompette toutes aussi inattendues accompagnant sa voix.

 

Concerts de sortie au Sunside, les 22 et 23 juin.

 

Photo de Nicolas Moreaux © André Gloukhian

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