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1 juillet 2018 7 01 /07 /juillet /2018 09:00
Éloge de la lenteur

Juillet. « En marche » écrivais-je en septembre dernier. Le moment s’y prêtait. La République s’était décidée à marcher. Sa gauche insoumise appelait ses marcheurs à arpenter les rues, à battre les pavés des villes, les chemins des campagnes. Quelques mois plus tard, alors que la vitesse vient d'être réduite sur certaines routes, nos marcheurs ne pensent plus qu’à courir. Le Trésor Public court après les milliards dont il a grand besoin, les footballeurs après un ballon qui roule plus vite que leurs jambes, les musiciens après nos chroniques, et les français après les festivals qui courent après les subventions. Carla Bruni à Jazz à Juan, la rencontre d'Ibrahim Maalouf et de Wynton Marsalis à Marciac, mariage de la carpe et du lapin, donnent aussi envie de courir, de prendre ses jambes à son cou.

 

L’homme est aujourd’hui tellement pressé que marcher ne lui suffit plus. Il court, il court, comme la banlieue, le furet du bois joli. Il court si vite qu’il passe et repasse au même endroit sans même s’en rendre compte, tourne en rond comme un cheval de bois de manège.

 

La période estivale est pourtant propice aux promenades. Ombrés d’arbres centenaires, jardins et parcs floraux inspirent les flâneurs. S’installer dans un hamac avec un bon roman, réécouter de vieux vinyles, visiter à petits pas des musées oubliés, musarder, nager dans le grand bleu, faire la sieste, prendre du bon temps au lieu de vouloir en gagner en courant, sont pourtant des pratiques accessibles. Pourquoi s’obstiner à courir ?

 

Attiré par la lenteur, par le bien qu’elle apporte, ce blog restera en sommeil plus longtemps que les autres années. Cet éditorial est mon dernier avant septembre qui voit le soleil entrer dans la Balance. On y cueille le téton de Vénus et la coucourelle angélique qu’Alexandre Vialatte appréciait. N’espérez pas me rencontrer dans les festivals. Mon farniente sera discret, loin du bruit et des foules que je fuis sans empressement, d’un bon pas malgré tout. La musique, j’en écoute toute l’année dans les clubs de la capitale. Grâce aux disques, l’été permet une autre forme d’intimité avec elle. On l’écoute plus sereinement, moins stressé par le temps, ce grand dévoreur qui ne cesse de courir.

QUELQUES CONCERTS ET FESTIVALS QUI INTERPELLENT

 

L’American Jazz Festiv’Halles et le Festival Pianissimo au Sunset-Sunside, le Festival All Stars 2018 au New Morning, le Paris Jazz Festival au Parc Floral de Vincennes, les Parisiens gâtés n’ont pas besoin de partir loin pour écouter du bon jazz. Cette sélection de concerts à ne pas manquer cet été en témoigne.

-Charles Lloyd au New Morning le 5 juillet avec The Marvels (les Prodiges), groupe réunissant Bill Frisell (guitare), Greg Leisz (pedal steel guitare), Reuben Rogers (contrebasse) et Eric Harland (batterie). Après un premier opus pour Blue Note en 2016, la formation sort un nouvel album sur le même label. Enregistré avec la chanteuse Lucinda Williams, “Vanished Gardens” célèbre le mariage du jazz, du blues, et de la country music américaine. Lloyd et Frisell se sont rencontrés en 2013. Leisz est un vieux complice du guitariste. Reuben et Harland constituent la rythmique habituelle du saxophoniste. Porté par les nappes sonores des guitares, Charles Lloyd fait merveille dans un répertoire éclectique.

-Le 5 toujours, Baptiste Herbin (saxophones alto et soprano) se produira en quartette au Sunside avec Pierre de Bethmann (piano), Geraud Portal (contrebasse) et Benjamin Henocq (batterie). Pierre est le pianiste de “Brother Stoon (Naïve), le brillant premier opus de Baptiste qui en a enregistré trois sous son nom. Se promenant rue des Lombards avec ses instruments, il aime rencontrer d’autres musiciens, improviser avec eux sur un matériel thématique éclectique. Sa musique privilégie l’héritage afro-américain, le rythme, le swing, le blues. Elle traduit aussi sa passion pour les musiques malgaches et brésiliennes. Un excellent pianiste brésilien, Eduardo Farias, l’entoure dans “Dreams and Connections (Space Time Records), son disque le plus récent.  

-Le 6, le New Morning accueille le Golden Striker Trio qui réunit le pianiste Donald Vega, le guitariste Russell Malone et le célèbre bassiste Ron Carter. Piano, guitare et contrebasse, cette instrumentation que Nat King Cole fit sienne dès 1937, fut également adoptée par Art Tatum, Ahmad Jamal et Oscar Peterson. Le premier pianiste de la formation (une composition de John Lewis, Golden Striker, lui donne son nom) était Mulgrew Miller. Décédé en 2013, il a été remplacé par Vega. Quant à Malone, il est le guitariste du trio depuis sa création. Enregistré live en 2016 au Theatherstübchen de Kassel (Allemagne), “Golden Striker” son dernier disque contient Laverne Walk qu’Oscar Pettiford écrivit pour Stan Getz, Samba de Orfeu de Luiz Bonfá et une délicate version de My Funny Valentine.

-Dayna Stephens au Duc des Lombards le 11 juillet. Natif de Brooklyn, il a étudié le saxophone à la Berklee School of Music et au Thelonious Monk Institute of Jazz. Paru en 2017 aux Etats-Unis, “Gratitude” (Contagious Music), son huitième album, réunit autour de lui Brad Mehldau, Julian Lage, Larry Grenadier et Eric Harland. La même équipe l’entoure dans “Peace”, publié sur le label Sunnyside en 2014. Dayna Stephens a également enregistré avec les pianistes Aaron Parks et Taylor Eigsti et les saxophonistes Jaleel Shaw et Walter Smith III. Il joue du saxophone baryton dans le dernier disque du pianiste Gerald Clayton et du ténor dans “Concentric Circles”, un disque Verve de Kenny Barron récemment publié. Il est attendu au Duc avec Taylor Eigsti (piano), Michal Baranski (contrebasse) et Greg Hutchinson (batterie).

-Harold López-Nussa en trio au Sunside le 12 et le 13 avec Gaston Joya (contrebasse) et Ruy Adrián López-Nussa (batterie). Après “El Viaje” (en 2016), disque au sein duquel la musique y est plus africaine (la présence du bassiste sénégalais Alune Wade), le trio sort fin juin sur le label Mack Avenue “Un Día Cualquiera”, un disque enregistré à Boston contenant surtout des compositions originales du pianiste. Reflet de la richesse et de la diversité de la musique cubaine, celle d’Harold López-Nussa mêle le jazz et ses harmonies travaillées à des éléments classiques, folkloriques et populaires de son île natale. Rythmée et élégante, elle comprend des morceaux vifs aux rythmes chaloupés mais aussi des pièces lyriques et tendres, telle cette version de Contigo en la Distancia, un boléro écrit en 1946 par le chanteur-compositeur cubain Cesar Portillo de la Luz.

-Les deux mêmes soirs (ceux des 12 et 13 juillet), le pianiste Christian Sands vient jouer en trio au Duc des Lombards avec Yasushi Nakamura (contrebasse) et Jerome Barber (batterie). On l’écoutera dans les albums qu’il a réalisés avec le bassiste Christian McBride, notamment dans “Live at the Village Vanguard” (Mack Avenue). C’est également sur ce label qu’il a enregistré “Reach”, un disque publié l’an dernier dans lequel il mêle blues, hip-hop et rythmes afro-cubains. Yasushi Nakamura en est le bassiste. Gilad Hekselman (guitare), Marcus Strickland (saxophone ténor et clarinette basse) et Cristian Rivera (percussion) en sont les invités.

-Bassiste français installé à New York, Clovis Nicolas revient jouer le 13 au Sunset la musique de “Freedom Suite Ensuite”, un disque qu’il a enregistré en 2016 et que Sunnyside a publié aux Etats-Unis l’année suivante. Steve Fishwick (trompette), Dmitry Baevsky (saxophone alto) et Lawrence Leathers (batterie) en joueront avec lui le répertoire. Ce dernier comprend la Freedom Suite que Sonny Rollins enregistra en trio en février 1958 avec Oscar Pettiford à la contrebasse et Max Roach à la batterie, mais aussi Fine and Dandy et Little Girl Blue de Richard Rogers. Les autres morceaux sont des compositions originales de Clovis Nicolas qui, sans pianiste, ni guitariste, pose lui-même avec sa contrebasse les fondations harmoniques de sa musique.

-Le Gil Evans Paris Workshop au Parc Floral de Vincennes le 14 juillet (à 16h00, concert gratuit). Dirigée par Laurent Cugny ce grand orchestre de jazz, l’un des meilleurs de l’hexagone, fait revivre les arrangements de Gil Evans et ajoute constamment de nouveaux morceaux à son répertoire. Sister Satie d’Horace Silver, Guinnevere de David Crosby, Crepuscule with Nellie et Blue Monk de Thelonious Monk, Drizzling Rain du regretté Masabumi Kikuchi ont été joués lors des concerts que la formation a donnés cette année au Sunside. Les jeunes musiciens qui la constituent – certains font beaucoup parler d’eux – expérimentent, jouent une musique qui, jamais figée, se transforme constamment. Un thème du bluesman Willie Dixon, Spoonful, donne son nom au premier disque que le Gil Evans Paris Workshop a publié l’an dernier sur le label Jazz & People.

-Roy Hargrove au New Morning deux soirs de suite, les 16 et 17 juillet, dans le cadre de son Festival All Stars. Le trompettiste en est une. Il joue souvent dans ce club désormais chargé d’histoire de la rue des Petites Ecuries. Il y était en avril avec la même excellente formation : le fidèle Justin Robinson au saxophone alto, le pianiste Tadataka Unno pour colorer et nourrir sa musique d’harmonies sophistiquées, le bassiste Ameen Saleem qui parvient très bien à la porter. Un nouveau batteur, Evan Sherman, remplace Quincy Phillip. On attend qu’il donne un swing irrésistible à la musique généreuse du trompettiste. Avec eux, Roy Hargrove peut jouer sans problème le hard bop qu’il affectionne et que nous sommes nombreux à applaudir.

-Le Billy Hart Quartet au New Morning le 24. Joshua Redman remplace Mark Turner au saxophone ténor, Ben Street à contrebasse et Ethan Iverson, le pianiste de The Bad Plus restant membres de la formation du batteur. Cette dernière qui existe depuis 2003 a enregistré deux albums pour ECM : “All Our Reasons” en 2012 et “One Is The Other” en 2014. Sa musique, du jazz contemporain au continuum régulier, est judicieusement tempérée par les harmonies flottantes et inattendues d’Iverson. Car les musiciens aiment prendre des risques, les compositions ouvertes de Billy Hart, batteur à la frappe sèche, aux ponctuations énergiques et principal pourvoyeur des thèmes, offrant un vaste champ d’investigation à leurs recherches harmoniques et rythmiques.

-Connaissez-vous la chanteuse Marie Mifsud ? Vous répondez négativement, alors il est temps d’écouter sa musique. La péniche Marcounet la programme le 25. Avec elle, Quentin Coppale à la flûte, Tom Georgel au piano, Victor Aubert à la contrebasse et Adrien Leconte à la batterie, quatre musiciens qui ne gardent pas les mains dans leurs poches lorsqu’ils jouent. Le batteur écrit les originaux du répertoire, des morceaux malicieux taillés sur mesure pour la voix de la chanteuse, une voix de contralto qui contracte ou étire les syllabes pour leur donner du swing. Sur scène, Marie Mifsud et ses musiciens nous offrent un show inoubliable. Ils savent se servir de la scène pour faire passer leur musique et définitivement nous éblouir.

-Guilhem Flouzat au Duc des Lombard le 26 juillet. “A Thing Called Joe” (Sunnyside), disque que le batteur a enregistré l’an dernier sur le label Sunnyside, en a été la bonne surprise. Sullivan Fortner qui sort un nouvel album sur Impulse y joue un merveilleux piano. Au Duc, Sam Harris se verra confier l’instrument, Desmond White, bassiste habituel du batteur, complétant le trio. Pianiste du trompettiste Ambrose Akinmusire – il joue dans “A Rift in Decorum, Live at the Village Vanguard” et “The Imagined Savior Is Far Easier to Paint” –, Sam Harris a publié un seul album sous son nom en 2014, “Interludes” sur le label Fresh Sound New Talent. Il cultive les dissonances mais peut tout aussi jouer des harmonies d ‘une grande beauté mélodique.

-Le Festival Pianissimo qu’organise chaque année le Sunside débutera le 24 juillet avec un concert en quartette de Thomas Enhco et s’étalera sur tout le mois d’août. On consultera le programme complet de cette 13ème édition sur le site du club. Les pianistes qui interpellent sont beaucoup trop nombreux pour se voir consacrer des notices. Je vous en donne les noms et les dates de leurs concerts.

Antonio Faraò en trio les 27 et 28, Vincent Bourgeyx (avec Darryl Hall et Laurence Leathers) le 4 août, Fred Nardin (avec Or Bareket et Leon Parker) le 7, le trio de Pierre de Bethmann le 8, Enrico Pieranunzi en solo le 9, en duo avec Rosario Giuliani pour un hommage à Duke Ellington le 10 et en quartette le 11, René Urtreger (avec Yves Torchinsky et Eric Dervieu) le 17, Géraldine Laurent transformant le trio en quartette le 18, Paul Lay et Eric Le Lann (pour interpréter le répertoire de “Thanks a Million”, un disque hommage à Louis Armstrong qui doit paraître en octobre) le 23, Ramona Horvath (en trio et quartette avec André Villeger) le 28, Yonathan Avishai en trio le 30 et en quintette (“The Parade”) le 31 août.

-New Morning : www.newmorning.com 

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

-Péniche Marcounet : www.peniche-marcounet.fr

 

Crédits Photos : Charles Lloyd © Dorothy Darr – Baptiste Herbin, Clovis Nicolas, Guilhem Flouzat © Philippe Marchin – Dayna Stephens © Christopher Drukker – Christian Sands © Anna Webber – Roy Hargrove © Pierre de Chocqueuse – Montre et escargot (Eloge de la lenteur), The Golden Striker Trio, Harold Lopez-Nussa Trio, Billy Hart, Enrico Pieranunzi © Photo X/D.R.

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