Prix Django Reinhardt en 1982, Michel Petrucciani aurait sûrement été très heureux d’assister à cette soirée hommage organisée par l’Académie du Jazz à La Seine Musicale le 9 février, vingt ans après sa disparition, d’entendre ses compositions jouées par ses amis musiciens et d'autres, non moins enthousiastes, rassemblés par François Lacharme qui avait choisi l'instrumentation, le répertoire et réparti les rôles . Joe Lovano et Géraldine Laurent (saxophones ténor et alto), Flavio Boltro et Lucienne Renaudin Vary trompettes) s'étaient vus confier les instruments à vent. Jacky Terrasson, Franck Avitabile et Laurent Coulondre, ce dernier jouant aussi de l’orgue, se relayaient au piano au cours de la soirée. Le guitariste en était Philippe Petrucciani, le frère de Michel. Géraud Portal à la contrebasse et Lenny White assuraient la section rythmique, sans oublier Aldo Romano, le compagnon des premiers disques de Michel, venu improviser un duo avec Lovano. Onze musiciens qui multiplièrent les combinaisons instrumentales, solo, duo trio, quartette, quintette, le rappel, Little Peace in C for U, que Michel Petrucciani enregistra avec Stéphane Grappelli, rassemblant neuf d’entre eux.
Après quelques mots émouvants d’Alexandre Petrucciani sur son père, Franck Avitabile au piano nous régala en solo d’un medley autour de J’aurais tellement voulu, une composition de Frédéric Botton que Michel reprend dans le film de Claude Berri “Une femme de ménage” et que Franck interprète aussi au générique. En duo avec Géraldine Laurent à l’alto, Franck reprit I Hear a Rhapsody, un standard que Michel et Lee Konitz interprètent dans “Toot Sweet” (OWL), un disque que produisit Jean-Jacques Pussiau. Présent à cette soirée, il fut salué par François Lacharme, car sans lui, certains des plus beaux disques de Michel n’auraient jamais été enregistrés. En duo avec Laurent Coulondre à l’orgue Hammond, Franck Avitabile nous offrit aussi une version de Rachid, un thème inclus dans “Conférence de Presse Vol.2” (Dreyfus), l’un des deux albums que Michel réalisa avec Eddy Louiss.
C’est en 1989, toujours sous les auspices de Jean-Jacques Pussiau, que Joe Lovano et Aldo Romano enregistrèrent “Ten Tales” pour OWL records. Ils avaient participé au Transatlantik Quartet d’Henri Texier et jouer à nouveau ensemble ne leur posait aucun problème. Pour célébrer Michel et leurs retrouvailles, ils improvisèrent un morceau, tambours et cymbales ponctuant et colorant très librement le chant du saxophone ténor. De son livre, “Ne joue pas fort, joue loin” (Éditions des Équateurs), des « fragments de jazz » publiés en 2015, le batteur entreprit la lecture d'un passage relatant sa rencontre avec Michel en 1980, la découverte de son piano à Saint-Martin-de-Castillon, le début d’une longue amitié.
Malgré sa participation à quelques enregistrements de Charles Lloyd dont il relança la carrière, Michel Petrucciani a peu joué dans les disques d’autres jazzmen. Exception notable, il est le pianiste de “From the Soul” que Joe Lovano enregistra en quartette en 1991 avec Dave Holland et Ed Blackwell. L’album contient Lines & Spaces, un morceau de Joe qui fut interprété en quartette, Jacky Terrasson, Géraud Portal et Lenny White entourant le saxophoniste. Ce dernier accompagna aussi la jeune trompettiste Lucienne Renaudin Vary, révélation de cette soirée, dans Hommage à Enelram Atsenig un extrait du premier album de Michel pour OWL.
Joe Lovano excelle dans les ballades. Ses phrases mélodiques aérées, son lyrisme, sa sonorité pleine et profonde donnent beaucoup de chaleur à la musique. Une magnifique version de Body and Soul en duo avec Jacky Terrasson confirma cette évidence. En grande forme, jouant un piano très physique dont les fermes accords n’oublient pas d’être mélodiques, ce dernier brilla en solo dans Michel et Michel, un medley au sein duquel il improvisa autour de You Must Believe in Spring de Michel Legrand, les musiques des deux Michel fusionnant harmonieusement.
Au programme également, deux extraits de “Music” (Blue Note), le plus réussi des albums « électriques » de Michel Petrucciani : Play Me, une pièce funky jouée en quartette avec Philippe Petrucciani à la guitare, et le célèbre Looking Up, en trio avec Jacky Terrasson, Géraud Portal et Lenny White, l’un des grands moments de ce concert. Lenny White est l'un des batteurs de “Music” et il a enregistré ces deux morceaux avec Michel. Il est également le producteur de “The Manhattan Project” (Blue Note), un album de 1989 qui, sous sa houlette, rassemble Wayne Shorter, Michel Petruccciani, Stanley Clarke, Gil Goldstein et Pet Levin, Old Wine New Bottles, la première plage du disque, une de ses compositions, trouvant ici sa raison d’être.
NOUBA AU NUBIA
L’ « after », la fête après le concert, sous le patronage du Conseil des Vins de Saint-Émilion. Avec par ordre d'entrée en scène (lorsque les personnes ont été identifiées) :
Jacky Terrasson & Aldo Romano - André Villéger (discutant avec Jacqueline & Francis Capeau) - Aniurka, Xavier Felgeyrolles & Philippe Etheldrède - François Lacharme, Flavio Boltro & Joe Lovano - Claude Tissendier & Jean-Michel Proust - Françoise Philippe, Gérard Collet, Géraldine Laurent & Claude Carrière - Henri Texier - Hervé Sellin - Daniel Humair & Joe Lovano - Sylvie Durand & Véronique Coquempot - Jacky Terrasson & François Lacharme - Jean-Jacques Pussiau, Marielle Schipper & Franck Avitabile - Glenn Ferris & Anouk Allibaud-Ferris - Joe Lovano - Lucienne Renaudin Vary - Gilles Coquempot - Rachid Boutihane-Petrucciani, Philippe Petrucciani & François Lacharme - Aldo Romano & Franck Avitabile - Françoise Philippe & Jacques Pauper - Pierre de Chocqueuse, Pierre Christophe, Jean-Louis Lemarchand, Lionel Eskenazi & Baptiste Herbin - Marie-Laure Roperch, Rachid Boutihane-Petrucciani et une amie - Samuel Blaser & François Lacharme - Agnès Thomas, Anne Chepeau & Christophe Deghelt -Bénédicte de Chocqueuse, Véronique Coquempot, Philippe Gaillot & Aniurka - Franck Avitabile, Daniel Humair, Bruno Pfeiffer & Joe Lovano - Marc Sénéchal & Christine Badier - Simon Barreau & Marie-Claude Nouy - Alexandre Petrucciani, Geneviève Pereygne & Joe Lovano - Jacky Terrasson & Hervé Sellin - Laurent Coulondre - Mr. Bernardino Regazzoni & François Lacharme - Pierre de Chocqueuse, Claude Tissendier, Jean-Michel Proust & Michel Stochitch - Marie-Laure Roperch & Rachid Boutihane-Petrucciani - Michel Stochitch, Jean-Louis Lemarchand, Marc Benham, Samuel Blaser et (au premier plan) Gilles Coquempot & Luce-Anne Girard de La Seine Musicale.
Photos © Antoine Piéchaud & Pierre de Chocqueuse