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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:15
Joe LOVANO : “Trio Tapestry” (ECM / Universal)

Enregistré avec Marilyn Crispell (piano) et Carmen Castaldi (batterie et percussions) au Sear Sound Studio (New York) et mixé par Gérard de Haro au studio La Buissonne, cet album en trio, le premier que Joe Lovano enregistre sous son nom pour ECM, est à part dans la longue discographie du saxophoniste. Onze compositions fondées sur la technique des douze tons enseignée par Gunther Schuller avec lequel Lovano travailla (le répertoire de “Rush Hour” un de ses disques Blue Note, a été composé, arrangé et dirigé par Schuller) sont au programme d’une œuvre qui envoûte l’auditeur et l’invite à méditer.

Au saxophone ténor, Joe Lovano souffle de longues notes apaisées, prend le temps de les faire respirer. Le son est chaud, enveloppant, comme le silence que l’on entend beaucoup ici. C’est le concept japonais du « ma ». Les musiciens l’ont intégré à un flux sonore volontairement distendu, à des bribes de mélodies richement harmonisées. Piano et saxophone peuvent exposer conjointement un thème (Sparkle Lights, Rare Beauty) ou l’un d’entre eux improviser librement. Ensemble ou séparément, ils peuvent aussi commenter une phrase, développer une idée. Certaines pièces sont plus particulièrement réservées au saxophone, d’autres au piano.

 

Confié à Marilyn Crispell, experte en harmonies raffinées associant intellect et émotion, le piano fait entendre des images, des couleurs. Depuis longtemps une artiste ECM, on lui est redevable d’un double CD inoubliable consacré à la musique d’Annette Peacock, “Nothing ever was, anyway. Le troisième membre de la formation, Carmen Castaldi, est l’un des batteurs de “Viva Caruso”, un disque que Joe enregistra pour Blue Note en 2001. Loin de marquer le tempo, il strie l’espace de sonorités et joue librement avec les timbres. Baguettes et balais glissent, frottent, martèlent, caressent peaux et métaux. Son rôle est d’ajouter des couleurs à la tapisserie sonore que tisse le trio. Souple et léger, son tissu percussif profite à la musique.

 

Joe Lovano utilise aussi des gongs, les harmonise, Dans Mystic, la pièce centrale de l’album, la plus longue, il joue du tarogató, un instrument hongrois en bois, à anche simple, ressemblant à une clarinette. De discrets roulements de tambours accompagnent son chant, méditation onirique aussi belle qu’intimiste. Les dernières plages font entendre une musique quelque peu différente. Spirit Lake est plus proche du jazz. Tarassa et The Smiling Dog aussi. Adoptant un jeu abstrait, la pianiste cultive les dissonances, adopte un vocabulaire moins mélodique et plus libre. Les chorus de ténor sont musclés, les rythmes plus marqués. Sortis de leurs rêves, des paysages contemplatifs qu’ils ont imaginés, nos trois musiciens retrouvent des terres plus souvent explorées, parlent un langage jazzistique qui nous est familier.

 

À lire : l’entretien que Joe Lovano a récemment accordé à Bruno Pfeiffer, journaliste à Libération et membre de l’Académie du Jazz, à l’occasion de l’hommage rendu à Michel Petrucciani à La Seine Musicale. http://jazz.blogs.liberation.fr/

 

Photos : Joe Lovano © Dick Katz / ECM Records - Marilyn Crispell, Joe Lovano & Carmen Castaldi © Bart Babinsky / ECM Records

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