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2 juillet 2019 2 02 /07 /juillet /2019 10:12
Jazz : des festivals pour touristes ?

Juillet. Le temps des vacances, des festivals d’été qui couvrent la surface de l’hexagone. Il y a encore quelques années, les têtes d’affiche étaient souvent des musiciens qui avaient fait l’histoire du jazz. J’ai sous les yeux les programmes de 1989. Celui de Marciac accueillant Sonny Rollins est encore modeste comparé à aujourd’hui, mais Nice, Juan-les-Pins, Sète, Cannes, Vienne et Montpellier se partagent cette année-là Herbie Hancock et ses Headhunters, McCoy Tyner, Miles Davis, Michel Petrucciani, Nina Simone, Keith Jarrett, Dizzy Gillespie, Phil Woods, Jimmy Smith, Stan Getz, Sarah Vaughan, Chick Corea, Ahmad Jamal, Oscar Peterson, Michael Brecker et Betty Carter pour ne citer que les noms des plus célèbres. Ils font toujours rêver.

 

Trente ans plus tard, la plupart de ces grands musiciens ont disparu ou, trop âgés, ne donnent plus de concerts. Faire reconnaître son talent par un large public, peu de jazzmen y parviennent aujourd’hui. Brad Mehldau, Melody Gardot, Diana Krall et plus récemment Gregory Porter sont des exceptions. Combien d’années a-t-il fallu à Fred Hersch pour jouer dans de grandes salles ? Le musicien de jazz a surtout le club pour faire entendre sa musique. Les scènes des festivals, pas tous heureusement, l’accueillent trop souvent par défaut. Issus du rock, de la soul, du funk, de l’électro, les nouvelles stars envahissent les lieux au détriment du jazz qui peine à se vendre, à intéresser un public habitué à des rythmes simples, à des notes maigrichonnes. Le vacancier lambda qui se rend dans un festival est mieux servi que l’amateur de jazz cultivé et exigeant obligé d’éplucher les programmes pour trouver son bonheur.

 

Les clubs parisiens suffisent largement au mien. J’y écoute de la bonne musique toute l’année. Peu me chaut de courir les festivals cet été. Je préfère attendre octobre, me réserver pour Jazz en Tête, le festival de jazz qui ne programme que du jazz. Ce blog sommeillera prochainement jusqu’en septembre. J’en profiterai pour écouter de bons vieux disques qu’une actualité galopante me fait délaisser. Mes vacances : des promenades en montagne où la fraîcheur est encore possible, loin de ces festivals pour touristes qui, sous l’appellation « jazz », en proposent des ersatz indigestes.

 

QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT

-Diana Krall à l’Olympia les 3 et 4 juillet avec Joe Lovano au saxophone, Marc Ribot à la guitare, Robert Hurst à la contrebasse et Karriem Riggins à la batterie. Du beau monde pour accompagner une chanteuse pianiste qui s’était quelque peu éloignée du jazz ces dernières années. Publié en 2017 et coproduit par Tommy Lipuma, “Turn Up the Quiet” (Verve) la vit revenir à la musique qui l’avait rendue populaire. Ses meilleurs disques sont toutefois plus anciens. Elle les enregistra avec John Clayton, Claus Ogerman, Johnny Mandel – “When I Look in your Eyes”, devenu un classique. La revoir sur une scène parisienne ne se refuse pas. À condition d’avoir le portefeuille bien rempli. Les places vont de 79,50€ à 167,50€. N’est-ce pas réellement excessif ?

 

-Ahmad Jamal à la Fondation Louis Vuitton les 4 et 6 juillet. Avec lui, sa formation habituelle : James Cammack (contrebasse), Herlin Riley (batterie) et Manolo Badrena (percussions), musiciens parfaitement rôdés à sa musique. Âgé de 89 ans, le pianiste les laisse beaucoup jouer. “Ballades” (Jazz Village), le disque qu’il sort à la rentrée est pourtant largement constitué de morceaux en solo. Un disque consacré à quelques standards qu’il a toujours joués (Poinciana, son thème fétiche) mais aussi à de nouveaux morceaux. Parmi ces derniers, Because I Love You composé en studio et une version inédite de Marseille enregistrée lors de la séance dont résulta son album précédent.

-Un trio à découvrir au Sunset le 9 juillet dans le cadre de l’American Jazz Festiv’Halles (28ème édition). Saxophoniste ténor à la sonorité suave et au lyrisme séduisant, Chris Cheek forgea son style auprès de l’Electric Bebop Band du défunt Paul Motian. Membre des dernières formations d’Herbie Hancock, Lionel Loueke fait danser des rondes fiévreuses à ses notes, sa guitare très africaine tirant des sons venus d’ailleurs. Batteur hongrois installé aux États-Bénis d’Amérique et créateur avec Loueke du trio Gilfema, Ferenc Nemeth s’est produit en quartette au Sunside en décembre 2013 avec Loueke, Cheek et le pianiste Kenny Werner. Ceux qui étaient présents s’en souviennent encore.

-Melody Gardot à l’Olympia les 11 et 13 juillet accompagnée par une section de cordes. Il faudra casser sa tirelire pour y être présent (de 59,80€ à 111,50€ la place). Produit par Larry Klein et enregistré en analogique, “Currency of Man” (Decca) son dernier disque studio, une grande réussite, date de 2015. Après une tournée mondiale pour en assurer la promotion et un double CD pour l’immortaliser, la chanteuse s’est installée à Paris. On attend d’elle de nouveaux morceaux, un nouvel album. Melody Gardot n’a pas seulement une voix, elle compose des thèmes qui ne s’oublient pas. Ses ballades, elle sait les rendre élégantes et rêveuses. Arrangées par Clément Ducol, les cordes de “Currency of Man” renforcent leur aspect romantique. Avec de tels instruments sur la scène de l’Olympia, la chanteuse parviendra facilement à séduire.

-Charles Lloyd au New Morning le 15 dans le cadre du Festival All Stars que le club organise chaque été. Il y est attendu en quartette avec Reuben Rogers (contrebasse), Eric Harland (batterie) et le guitariste californien Julian Lage. Le saxophoniste apprécie l’instrument. Il remplace le piano dans plusieurs de ses disques. À Memphis, ville dont il est originaire, il a fréquenté Calvin Newborn, frère cadet de Phineas. Plus tard, il invitera plus tard John Abercrombie à rejoindre son groupe. Bill Frisell qu’il a rencontré en 2013 est membre de The Marvels, formation dont Rogers et Harland assurent la rythmique. Le New Morning n’a malheureusement pas de climatisation. Espérons qu’il n’y fera pas trop chaud.

 

-Molly Johnson au Duc des Lombards les 17 et 18 juillet (19h30 et 21h30). Après un long silence discographique, la chanteuse canadienne a fait paraître l’an dernier “Meaning To Tell Ya” (Belle Production), un disque produit par Larry Klein (Joni Mitchell, Melody Gardot, Madeleine Peyroux) dans lequel, outre des compositions originales, elle reprend des chansons de Gil Scott-Heron, Marvin Gaye (Inner City Blues) et Leonard Cohen (Boogie Street). Blues, soul, funk y font bon ménage. Dotée d’une voix rauque et puissante, la dame séduit par son tonus, sa gouaille, et sait mettre le public dans sa poche. Avec elle pour ces concerts parisiens, Antoine Hervé au piano, François Moutin à la contrebasse et Louis Moutin à la batterie. Un casting de luxe pour un concert groovy !

-Dirigé par le batteur Ralph Peterson, The Messenger Legacy qui rassemble six anciens musiciens des Jazz Messengers rendra hommage le 18 juillet au New Morning à Art Blakey dont on fête cette année le centenaire de la naissance. Ralph Peterson n'avait que 21 ans lorsqu'il fut choisi en 1988 par Blakey pour lui succéder. Brian Lynch (trompette) et Essiet Essiet (contrebasse) rejoignirent la même année la formation ainsi que Geoff Keezer, pianiste surdoué et enthousiasmant entendu récemment au Duc des Lombards. Membre des Jazz Messengers de 1977 à 1980, Bobby Watson (saxophone alto) en fut aussi le directeur musical. Billy Pierce (saxophone ténor) le remplaça à ce poste jusqu’en 1982.   

-Clovis Nicolas au Sunside le 18 juillet également avec son quintette Nine StoriesFabien Mary (trompette), Jon Boutellier (saxophone ténor), Tony Tixier (piano), Luca Santaniello (batterie). Publié en 2014 sur Sunnyside Records, l’album du même nom, neuf histoires ancrées dans un réjouissant bop moderne, fut dans la liste des meilleurs CD(s) de l’année établie par Downbeat Magazine. Toujours sur Sunnyside, son disque suivant, “Freedom Suite Ensuite”, fut l’occasion d’un concert au Sunside en mars 2018. Le bassiste y reprend la Freedom Suite de Sonny Rollins que ce dernier enregistra en février 1958. Des standards (Fine and Dandy de Kay Swift, Little Girl Blue de Richard Rodgers et des originaux complètent le répertoire. Installé à New-York depuis 2002, Clovis Nicolas a étudié la composition à la Juillard School et ses propres morceaux n'ont rien d'anecdotiques.

-Le 19 juillet au Duc des Lombards (concerts à 19h30 et 21h30), sous le nom de Wind Madness Trio, Luigi Grasso (saxophones soprano et baryton, clarinette basse), Géraud Portal (contrebasse) et Keith Balla (batterie) enregistrent un nouveau disque en trio. On retrouve le batteur américain dans “Invitation au Voyage” (Camille Productions), le précédent disque du saxophoniste. Publié l’an dernier, il fait appel à une instrumentation plus conséquente, sa musique, ancrée dans la tradition du jazz, révélant le talent d’arrangeur d’un musicien voyageur peaufinant des compositions aux couleurs très soignées. En trio, sans piano ni guitare pour asseoir l’harmonie, la musicale sera sûrement différente. Laissez-vous donc surprendre !

-Ronnie Lynn Patterson en trio au Sunset (20h30) le 25. Né le 7 mars 1958 à Wichita dans le Kansas, le pianiste vit à Paris depuis plus de trente ans sans trop faire parler de lui. En octobre 2008, un New Morning enthousiaste fêtait la sortie de son album “Freedom Fighters” (Zig-Zag Territoires). Deux ans plus tard, Jean-Jacques Pussiau faisait paraître “Music” sur le label OutNote dont il s’était vu confier la direction artistique. Ce dernier avait auparavant coproduit un autre opus de Ronnie Lynn, “Mississipi”, sur le défunt label Night Bird. Trois disques qui suffisent à garder en mémoire un pianiste exigeant au langage aussi poétique que personnel. Avec “The Music of my Teens”, son nouveau projet, il se penche aujourd’hui sur les musiques qui ont marqué sa jeunesse, des morceaux du groupe Earth Wind and Fire, de George Benson, de Charlie et Eddie Palmieri, des Doors et de quelques autres. Pour accompagner ses claviers (piano et Fender Rhodes), deux musiciens à découvrir : Raymond Doumbé (basse, voix) et Étienne Brachet (batterie).

-Fred Nardin au Duc des Lombards les 26 et 27 juillet (19h30 et 21h30). Le pianiste y est attendu en trio avec Thomas Bramerie (contrebasse) et Leon Parker (batterie) le 26. Or Bareket, le bassiste des deux albums du pianiste, remplacera Bramerie le 27. Lauréat du très convoité Prix Django Reinhardt en 2016, Fred Nardin interprétera de larges extraits de “Look Ahead” (Naïve), son disque le plus récent. Commercialisé en mars, il contient une reprise de One Finger Snap, un thème d’Herbie Hancock abordé sur tempo rapide. Fred apprécie la vitesse. Jamais loin du blues, sa propre musique reste ancrée dans la tradition du jazz. Pianiste véloce et audacieux, il sait aussi poser de belles couleurs sur ses compositions, les truffer d’harmonies délicates. Souvent lumineuses, ses notes peuvent aussi provoquer l’émotion.

Inauguré le 23 juillet par des concerts en trio de Baptiste Trotignon, le Festival Pianissimo qu’organise chaque année le Sunside se poursuivra tout le mois d’août. On consultera le programme complet de cette 14ème édition sur le site du club. Les concerts des pianistes dont les noms suivent méritent une attention particulière. Sauf ceux qui réunissent Sullivan Fortner et Cécile McLorin Salvant, ils sont tous à 21h00.

 

-Emmanuel Borghi avec Gilles Naturel (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie) le 30 juillet. Laurent Fickelson avec Thomas Bramerie (contrebasse) et Philippe Soirat (batterie) le 31 juillet. Jean-Michel Pilc avec François Moutin (contrebasse) et Louis Moutin (batterie) le 1er août. Pierre de Bethmann avec Sylvain Romano (contrebasse) et Tony Rabeson (batterie) le 10 août. Sullivan Fortner en duo avec la chanteuse Cécile McLorin Salvant le 13 août (deux concerts à 19h30 et à 21h30). René Urtreger avec Yves Torchinsky (contrebasse) et Eric Dervieu (batterie) les 16 et 17 août. Guillaume de Chassy en solo le 21 août dans le répertoire de son dernier disque consacré à Barbara.Manuel Rocheman avec Mathias Allamane (contrebasse) et Matthieu Chazarenc (batterie) le 23 août pour un hommage à Michel Petrucciani. Le New Monk Trio de Laurent de WildeJérôme Regard (contrebasse) et Donald Kontomanou (batterie) – le 24 août.      

    

-Olympia : www.olympiahall.com

-Sunset-Sunside : www.sunset-sunside.com

-New Morning : www.newmorning.com

-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com

 

Crédits Photos : Ahmad Jamal © Studio Harcourt – Molly Johnson © Chris Nicholls – Clovis Nicolas © Ingrid Hertfelder – Ronnie Lynn Patterson, Fred Nardin © Philippe Levy-Stab – Sullivan Fortner & Cécile McLorin Salvant © Mark Fitton – Vienne : le Théâtre Antique pendant le Festival, Lionel Loueke, Ferenc Nemeth & Chris Cheek / Charles Lloyd / The Messenger Legacy © Photos X/D.R.

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