Juin. Après 55 jours de confinement (durée de l’isolement que subirent en 1900 les Européens assiégés à Pékin dans le quartier des ambassades et des légations étrangères), les villes retrouvent progressivement leur aspect habituel. À Paris, profitant du beau temps, les promeneurs redécouvrent les joies du shopping, envahissent à nouveau les parcs et les jardins dont les arbres ont retrouvé leurs feuilles pour se prélasser au soleil, fréquentent à nouveau les bouquinistes des quais de Seine à la recherche de livres épuisés. Le parvis de Notre-Dame est désormais accessible à tous. Dans les rues, vélos et trottinettes brûlent à nouveau les feux rouges. Les motos pétaradent et les voitures trop nombreuses font du sur place aux heures de pointe.
Si les salles de concert et les restaurants resteront fermés jusqu’au 22, ces derniers peuvent désormais utiliser leurs terrasses (bien que rien ne soit prévu en cas de pluie) et les magasins accueillir avec précaution leurs clients. Paris Jazz Corner a rouvert ses portes. Gibert Joseph également. On y avance masqué, ganté ou les mains protégées par le gel hydro-alcoolique que l’on nous offre avant d’en franchir l’unique porte d’entrée. Le virus traîne peut-être sur les livres, les disques, les DVD, les emballages plastifiés qui les recouvrent. Ces mesures qui nous rappellent que nous sommes encore constamment en danger ne risquent-elles pas de provoquer faillites et licenciements et de propager de nouveaux virus, ceux du chômage et de la précarité ?
La prudence est telle que l’on peut se demander comment feront les restaurateurs confrontés à des règles de distanciation leur obligeant à retirer une table sur deux de leurs établissements ? Les clubs de jazz risquent également d’être pénalisés par un trop plein d’ordonnances restrictives. S’il reste relativement facile d’espacer les sièges du New Morning, que faire des nombreux auditeurs agglutinés près du bar qui restent debout pendant les concerts ? Comment les contraindre à rester éloignés les uns des autres et à porter des masques ? Le Duc des Lombards dont l’espace est déjà confiné, va-t-il pouvoir réduire sa jauge de moitié ? C’est ce que compte faire le Sunside dès sa réouverture le 22 juin, avec au programme une jam session autour de Cedar Walton animé par David Sauzay. La salle du bas, le Sunset, n’ouvrira pas avant septembre. Pour compenser le manque à gagner, les concerts seront doublés (deux sets à 19h30 et à 21h30, ce qui se pratique déjà au Duc).
En juin seront enfin commercialisés des albums qui auraient dû paraître en avril et en mai. Quelques nouveautés importantes sont également attendues – Ambrose Akinmusire, Marcin Wasilewski Trio avec Joe Lovano –, mais les sorties de disques se feront surtout à partir de septembre. Cela me permet de poursuivre mon étude sur le jazz et le cinéma qui m’amène à revoir des films et à écouter leurs bandes-son. Il me sera toutefois difficile de l’achever avant l’été. D’ici là, le monde qui n’est déjà plus celui que nous avons connu aura peut-être encore changé. On peut donc aisément patienter.
Illustration © X/D.R.