Réédité peu avant l’été en catimini sur un label confidentiel, Universal son propriétaire légitime n’ayant pas jugé bon de le
faire, cet enregistrement de George Russell pour la première fois en CD, reste une des pièces discographiques majeures de son auteur. Il fait partie des quatre albums que le
compositeur grava pour Decca entre le 12 septembre 1958 et le 23 février 1961, date d’enregistrement de ce disque. Moins connu que "New York, N.Y." et "Jazz in the Spage Age", deux opus avec des
grands orchestres dans lesquels brille l’élite du jazz de l’époque, "In K.C." enregistré en studio à New York et non à Kansas City, se rapproche beaucoup du précédant, "At the Five Spots",
également un disque en studio comme son nom ne l’indique pas. La formation, un sextette, est sensiblement la même. Don Ellis remplace Al Kiger à la trompette,
mais on retrouve Dave Baker au trombone, Dave Young au saxophone ténor, Chuck Israels à la contrebasse et Joe Hunt à la
batterie, Russell jouant lui-même du piano. Maîtrisant parfaitement son langage, l’auteur de “The Lydian Chromatic Concept of Tonal Organisation for Improvisation“, source des recherches modales
de Bill Evans, Miles Davis et John Coltrane traverse alors sa plus riche période créative. Il fait partie de cette avant-garde qui, loin du
free-jazz et son refus de tout ordre esthétique, cherche à explorer l’harmonie vers plus de liberté. Organisateur de sons, (« Une liberté sans logique amène le chaos » déclare-t-il à cette
époque), s’appuyant sur le vocabulaire du bop dont il connaît toutes les arcanes, il propose un langage dans lesquelles les ambiguïtés harmoniques deviennent claires et fluides au sein même
d’improvisations foisonnantes. Savants désordres aux audaces étonnamment modernes, le programme de ce disque repose sur des thèmes aux constructions rigoureuses. Russell en emprunte un, le plus
beau de l’album, à Carla Bley. Les deux ingénieuses compositions de Dave Baker, Sandu de Clifford Brown et Tune Up
d’Eddie « Cleanhead » Vinson ne relèvent pas de la même écriture, mais Russell les transforme, leur donne des couleurs nouvelles et éclatantes.
Meilleurs morceaux : War Gewessen, Rhymes,
Theme.