D'emblée, Matt Turner utilise son violoncelle comme une contrebasse. Ses doigts en pincent les cordes, les tirent, les font vibrer. La caisse de l’instrument amplifie des accords de blues. Peg Carrothers en dévoile la mélodie dans la pièce suivante, My Old Kentucky Home, une reprise du premier morceau, un thème qui occupe cinq plages de l’album, toutes différentes. Un piano (Bill Carrothers), une voix et un violoncelle nous donnent du vague à l’âme, la nostalgie de vieilles chansons associées à l’histoire de la grande Amérique, des mélodies qui, aujourd’hui encore, parviennent jusqu’à nous. Coproducteur de cet album, à commander de toute urgence sur http://www.illusionsmusic.fr/ , Philippe Ghielmetti a découvert My Old Kentucky Home dans un film de John Ford, “The Sun Shines Bright“ (“Le Soleil brille pour tout le monde“). Son auteur, Stephen Foster (1826-1864) est un des pères de la musique américaine. Ses compositions se retrouvent dans tous les genres musicaux dont ce pays donna naissance, le folk, la country music, le rock, le jazz et même chez Charles Ives, dont l’œuvre, parsemée de singularités harmoniques et rythmiques, résonne d’échos de musiques populaires. Comme Matt Turner l’explique dans ses notes de pochette, les « amples sauts harmoniques » de Foster favorisent l’improvisation. Si la voix respecte fidèlement l’aspect mélodique des partitions, ces dernières inspirent au violoncelle et au piano des accords, des harmonies très personnelles. Matt et Bill jouent parfois les thèmes avec dévotion (My Old Kentucky Home, plage 10), mais offrent aussi de nouveaux habits à ces morceaux. Relectures rythmiques (Oh ! Susanna, Hard Times Come Again No More) et dissonances orchestrées (l’introduction de Beautiful Dreamer, Camptown Races) font ici bon ménage, la voix et les deux instruments parvenant à créer un climat, une féerie sonore grandiose et inquiétante - Jeanie with the Light Brown Hair. S’il vivait encore, Stephen Foster serait probablement surpris par certaines versions très libres que le trio donne de ses œuvres. Il reconnaîtrait ses chansons, mais comme nous serait bien en peine d’en définir les magnifiques musiques.
Meilleurs morceaux : Ils le sont tous.
Photo: ©Emmanuelle Prétot