Bill Evans a déjà des admirateurs en
Europe lorsqu’il s’y rend en 1964. La disparition de Scott LaFaro, son contrebassiste, l’a conduit deux ans auparavant à former un second trio. Chuck Israels
remplace ce dernier à la contrebasse et Paul Motian a cédé sa place à Larry Bunker, un spécialiste du maniement des balais, un batteur lyrique très prisé des
studios californiens. Avec eux, en septembre 1964, devant les caméras de "Trumpeten", une émission de la télévision suédoise, Bill Evans interprète deux morceaux dont un très
beau My Foolish Heart. Israels n’est pas un second LaFaro. L’idée musicale l’intéresse davantage que la technique. Il joue le tempo avec économie, pratique une walkin’bass souple et
solide et, contrairement à son prédécesseur ne cherche nullement à transgresser les règles que lui imposent son statut d’accompagnateur. Toujours filmé avec de la pellicule en noir et blanc,
Bill Evans donne un concert à Paris, Salle Pleyel, un an plus tard le 3 novembre. Il ne joue pas avec ses musiciens habituels mais co-dirige un quartette avec le saxophoniste
Lee Konitz. Le contrebassiste Niels-Henning Orsted Pedersen et le batteur Alan Dawson complètent une formation qui s’est produite à Berlin le 29
octobre, à Copenhague le 31 et la veille à Stockholm. Sous les doigts du pianiste au visage émacié, Detour Ahead acquiert une grande richesse harmonique. Konitz n’intervient que dans un
My Melancholy Baby aux images granuleuses, l’abus du fondu enchaîné ne gâtant pas la musique. Cinq ans plus tard, Bill Evans est à nouveau au Danemark. Avec
Eddie Gomez et Marty Morell. Un concert donné probablement en novembre 1969 et non et 1970 comme l’indique le livret. Le trio de Bill Evans joue ce soir-là avec
le Royal Danish Symphony Orchestra et avec le Grand Orchestre de la Radio Danoise. Trois morceaux sont accordés au trio. De belles images en noir et blanc nous montrent un pianiste dont la main
gauche joue davantage de notes. Bill adopte aussi des tempos plus rapides (Emily, Someday My Prince Will Come). Depuis 1966, il ne quitte plus Eddie Gomez,
virtuose enthousiaste d’une contrebasse à nouveau mélodique et aux cordes
chantantes. Après plusieurs essais de batteurs, il a engagé Marty Morell en automne 1968. Diplômé de la Manhattan School of Music, ce dernier écoute et anticipe les désirs du
pianiste, rythme la musique aux baguettes lorsque le niveau sonore l’exige, mais aussi aux balais, lorsque les ballades demandent à respirer. Le concert qu’il donne dans un club de Stockholm le
20 février 1970 est d’excellente qualité. Malheureusement, les réalisateurs de “Night Moods“, émission de télévision aux couleurs un peu passées ont cru bon intégrer de nombreuses scènes de rues
dans lesquelles, éclairés par les lumières de la ville, des passants déambulent. Gomez impressionne et Bill, très concentré, manifeste une maîtrise pianistique éblouissante. Cinq ans plus tard en
1975, ce dernier, veste rouge, porte barbe et cheveux longs. Depuis février, Eliot Zigmund remplace Morell et fait bruisser d’autres cymbales. La batterie devient plus une
affaire de timbres, de couleurs, que d’accompagnement rythmique. Gomez explore davantage le registre aigu de sa contrebasse, et en fait sonner les harmoniques. Après une longue introduction en
solo d’Evans, le trio joue Sareen Jurer, une composition méconnue d’Earl Zindars, l’auteur de How My heart Sings. Réalisées en studio, les images, bien
meilleures que celles du concert précédent, dévoilent un pianiste moins fiévreux soignant ses lignes mélodiques jusqu’à leur donner une gamme de nuances et de couleurs qui révèlent l’étendue de
son vocabulaire et la précision de son toucher.
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