Guillermo Klein ne nous avait pas habitué à pareille musique. Les influences afro-cubaines du pianiste argentin désormais installé à Barcelone s’y font entendre à travers un foisonnement sonore dans lequel le rythme n’est pas seulement ponctuation mais couleur. Glissements de tempos, métriques distendues et mouvantes entourent ainsi des harmonies étonnamment légères compte tenu du nombre de musiciens en présence. Klein s’est livré à un vrai travail d’arrangeur. Il fait respirer la masse orchestrale en ne faisant pas toujours jouer ses musiciens ensemble, et aménage de l’espace pour leurs chorus, son piano étant davantage fil conducteur qu’instrument soliste. La répétition mécanique d’un simple riff ralenti et accéléré (un effet emprunté aux studios de musique électro-acoustique) confère à la seconde partie de Miula un effet hypnotique, procédé que Klein renouvelle sur les rythmes de Luz De Liz (filtros). Si ces derniers influencent la structure harmonique de certains morceaux, l’album possède un aspect très lyrique. Après Luciana Souza, une nouvelle chanteuse, l’Espagnole Carmen Canela, donne de la voix, Guillermo utilisant davantage la sienne, les parties vocales répondant aux instrumentaux, aux saxophones de Miguel Zenon, Chris Cheek et Bill McHenry, à la guitare omniprésente à New York de Ben Monder (l’album y a été enregistré en juin 2007). Produit par le très dynamique François Zalacain, "Filtros“ rassemble un fameux plateau. Sandro Tomasi assure au trombone et Jeff Ballard révèle l’étendue de ses connaissances rythmiques. Les quelques morceaux de forme chorale confèrent une grande sérénité à ce magnifique opus, un aspect quasi religieux que confirme la dernière plage, une adaptation touchante de Louange à l’Eternité de Jésus, cinquième mouvement du “Quatuor pour la fin du temps“ d’Olivier Messiaen.