Michel Petrucciani, 23 ans, visage poupin sur ces images, me manque. Je me souviens de notre première rencontre dans les bureaux de Jean-Jacques Pussiau en 1982, de sa franchise à répondre à mes questions, de son enthousiasme lorsqu’en 1989, au Festival de Jazz de Montréal, il me parle de “Music“ un album différent qu’il vient d’enregistrer. Entre ce disque et les merveilleux albums qu’il grave pour Owl Records au début de sa trop courte carrière, se situe ce concert donné au Village Vanguard de New York en septembre 1986. Avec Palle Danielson à la contrebasse et Eliot Zigmund à la batterie, Michel dispose d’un nouveau trio, l’un des plus consistants de ceux avec lesquels il travaillera. Il vient de sortir “Pianism“, l’un des meilleurs enregistrements de sa discographie, son premier pour Blue Note, et plus que jamais se consacre à la musique. Sur ces images, il faut l’entendre marteler puissamment les touches de son clavier, l’attaque puissante de la note s’accompagnant d’un délicat toucher de piano. Dans Regina, Michel cite une célèbre chanson brésilienne, esquisse des notes que l’on entendra trois ans plus tard dans “Music“. Tout aussi lyrique, The Prayer, un autre extrait de “Pianism“, traduit l’influence de Bill Evans. Beautiful but Why également. Michel privilégie la ligne mélodique, la nourrit d’harmonies chantantes, de notes dont il choisit avec goût les couleurs. Jim Hall apporte celles de sa guitare élégante dans Waltz New, une de ses compositions. Ses petites notes se glissent entre celles du piano sans jamais le gêner. Filmé par trois caméras, cette quête d’un beau piano, au sein de laquelle les ballades restent nombreuses, porte aussi les couleurs du swing. Plein d’énergie, Michel donne du rythme, de la dynamique à ses phrases. A cet égard, Our Tune reste exemplaire. Contrebasse et batterie installent un solide tempo afro-cubain après une introduction en solo presque abstraite. Le thème exposé, les doigts deviennent légers et la musique s’envole comme libérée de toute pesanteur.