Pianiste new-yorkais d’origine indienne, Vijay Iyer a longtemps poursuivi des études de mathématique et de physique. Découvert en Europe avec Steve Coleman, il a depuis enregistré une bonne dizaine d’albums mal distribués que peu de gens connaissent. Dans “Tragicomic“, Vijay destine sa musique difficile à un public plus large. Associées au nombre d’or, ses recherches portent sur l’harmonie (la gamme tempérée dodécaphonique directement liée au nombre d’or) et les rythmes, son propre héritage culturel déterminant leur choix. Ses compositions baignent ainsi dans ceux de la musique Carnatique de l’Inde du Sud, une musique beaucoup plus intellectuelle que sensuelle. Si Andrew Hill et Cecil Taylor inspirent son piano moderne, le jeu modal de McCoy Tyner est perceptible dans Macaca Please et The Weight of Things, la pièce qui ouvre l’album. Egalement d’origine indienne, Rudresh Mahanthappa, le saxophoniste de cette séance, a écouté John Coltrane. Ses phrases brûlantes maintiennent une urgence permanente. Les aigus de son alto vrillent les tympans profanes, questionnent l’harmonie jusqu’au-boutiste. Le pianiste profite de cette tension pour cultiver un lyrisme inhabituel. Le chant de l’Inde du Sud transparaît dans des thèmes aux notes suspendues et aux forts parfums mélodiques (Age of Everything, Threnody). Dans les plages en trio avec Stephan Crump à la contrebasse et Marcus Gilmore à la batterie, un jeu ludique s’installe entre des musiciens qui prennent plaisir à se surprendre. Construite avec peu de notes, Becoming, une ballade toute simple, parvient à faire rêver.