1 mars 2009
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11:13
Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de
Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…
DIMANCHE 15 février
Radio France, studio 103 : Laurent Cugny enregistre “La Tectonique des nuages“ un opéra de chambre à trois personnages tiré d’une pièce de l’écrivain portoricain José Rivera. Laurent et François Rancillac, un homme de théâtre également musicien, l’ont adapté. Yann-Gaël Poncet a signé les textes des chansons et Laurent a composé la musique de cette œuvre d’une durée de deux heures en un seul acte avec un prologue et un épilogue. Autour de ce dernier au piano, neuf musiciens multiplient les combinaisons instrumentales, la musique bénéficiant ainsi d’une grande variété de couleurs. Une des chansons nécessite que la guitare ; d’autres seulement l’accordéon. La partition prévoit un trio, un quintette de vents sans rythmique et des morceaux en sextette et septette. Cinq jours de studio sont réservés pour la musique. Les voix (celles de David Linx, Laïka Fatien et Yann-Gaël Poncet) seront enregistrées plus tard, en mai. Le disque, un double CD, doit sortir en janvier 2010 sur Signature, un label de Radio France.
Le studio 103 paraît immense avec ses nombreuses chaises vides, ses instruments et ses micros disposés un peu partout. Invisible, la cabine technique avec sa console et ses magnétophones se trouve loin derrière. Laurent très calme dirige, donne ses instructions, écoute patiemment les uns et les autres. Nicolas Folmer (trompette, bugle), Denis Leloup (trombone), Pierre Olivier Govin (saxophones), Thomas Savy (clarinettes, saxophones), Eric Karcher (cor), Lionel Suarez (accordéon), Frédéric Favarel (guitares), Jérôme Regard (contrebasse) et Frédéric Chapperon (batterie) se concentrent devant leurs partitions. Le tentet au complet refait une prise de J’ai fouillé Los Angeles, un des derniers morceaux de l’opéra. Le piano joue des accords délicieux, de petites notes perlées. Cor, clarinette basse, saxophone baryton, trombone habillent le thème, colorent une musique lente et majestueuse. Pierre Olivier Govin n’est pas content et va refaire sa partie de saxophone. On passe à une autre scène : Je ne veux pas que vous dormiez dehors. Un problème se pose à la mesure 17. On recommence, mais la contrebasse a besoin d'être accordée. On reprend à la mesure 49. Ce n’est pas encore ça. Le batteur demande une nouvelle prise du morceau en entier… Sans faire de bruit, je fais quelques photos, impatient de découvrir cet opéra dans sa totalité. Il sera donné dans sa version de concert les 1er et 2 avril à la Comédie de Saint Etienne : http://www.comedie-de-saint-etienne.fr/ , et le 30 avril à Nantes au Grand T : http://www.legrandt.fr/
VENDREDI 20 février
Premier concert au Sunside du Laurent de Wilde – Géraldine Laurent “New Quartet“. Yoni Zelnik à la contrebasse et Luc Insemann à la batterie complètent une formation qui a vu le jour lorsque nos deux Laurent se sont découvert des affinités musicales. Après quelques répétitions, les compositions de Wayne Shorter s’imposèrent au point de constituer le programme d’une brillante prestation. Comme Monk auquel Laurent de Wilde a consacré un livre, l’un des meilleurs jamais écrit sur un musicien de jazz, Shorter possède un univers propre. Des harmonies étranges habitent ses thèmes mélancoliques aux tonalités flottantes, aux nombreuses ambiguïtés rythmiques. Cette musique, Laurent et Géraldine la jouent à leur manière, l’enrichissent d’harmonies nouvelles, d’improvisations personnelles. Les doigts de Laurent courent sur le clavier et tissent un tapis de notes. A l’alto, Géraldine les souffle fiévreuses, mais avec panache et lyrisme. Barracudas, un thème de Gil Evans que Shorter reprend dans l’album “Etcetera“ est ainsi développé par une succession de courtes phrases, de petits cris étranglés. Dans The Soothsayer, le saxophone rugit de courts motifs mélodiques auxquels répond un piano virtuose qui développe un jeu orchestral. Yoni Zelnik fait puissamment sonner sa contrebasse et Luc Insemann fouette avec vigueur ses cymbales, enserre la musique dans un tissu percussif suffisamment souple pour lui permettre de toujours respirer. Nous eûmes ainsi droit à quelques-uns des morceaux que Shorter composa et enregistra au sein du second quintette de Miles Davis, la plus étonnante formation du trompettiste. Pris sur un tempo plus lent que l’original, Fall envoûte par sa mélodie singulière, un leitmotiv de quelques notes autour desquelles sax et piano brodent de nombreuses variations. Le très beau Pinocchio inspire également les solistes. Leur relecture parvient à conserver l’aspect fascinant du thème. Le groupe s’impose comme une évidence. Monk ne m’aurait pas contredit.
LUNDI 23 février
Terminé la lecture des mémoires de Klaus Mann “Le Tournant, histoire d’une vie“, gros pavé passionnant de près de 700 pages publié chez Babel. Fils aîné de Thomas Mann et neveu d’Heinrich Mann, l’auteur du “Pr. Unrat“ dont Josef von Sternberg tira “L’Ange bleu“, Klaus Mann laisse une œuvre littéraire plus confidentielle que celle de son père et de son oncle. On ne lit plus guère ses romans, mais son autobiographie reste un témoignage fascinant sur l’Allemagne des années 20 et 30. D’une plume alerte et sensible, Klaus né en 1906 décrit avec tendresse son enfance munichoise. En 1923, il découvre le Berlin de Lulu emporté par le fox-trot, le délire du jazz et une inflation vertigineuse. Il parle peu de lui-même, évoque discrètement son homosexualité, écrit des pièces de théâtre, voyage en France, aux Etats-Unis avec sa sœur Erika pour laquelle il éprouve une tendresse passionnée. Attentif aux autres, et aux mouvements artistiques, il rencontre une bonne partie de l’intelligentsia de l’époque, André Gide et Jean Cocteau qu’il admire, mais aussi Julien Green et René Crevel dont le suicide le bouleverse. Violemment opposé au nazisme et à sa horde brune, il quitte l’Allemagne le 13 mars 1933. Il voyage en Europe, participe à Moscou au Congrès des Ecrivains Soviétiques en juillet 1934 et mobilise dans sa revue littéraire Die Sammlung les plus importants écrivains exilés « soucieux de combattre le national-socialisme et de défendre la véritable littérature allemande ». Déchu de sa nationalité, il s’installe aux Etats-Unis en 1936 et fonde une revue, Decision, dans laquelle il dénonce le danger de l’Allemagne hitlérienne. Naturalisé américain, il s’engage, prend part à la campagne d’Italie et retourne en Allemagne en 1945, comme correspondant spécial du Stars and Stripes, journal publié par l’armée. A cette occasion, il rencontre Richard Strauss, 81 ans, « un grand homme complètement dénué de grandeur ! », indifférent au sort des victimes d’une guerre meurtrière. La dernière partie du livre se présente sous forme de lettres. Celle très longue qu’il écrit à son père le 16 mai 1945 pour ses soixante-dix ans décrit une Allemagne en ruine. On le sent désabusé, déçu par l’attitude d’un peuple « qui ne nie plus que sa propre culpabilité ». Le cœur tourmenté et facile à blesser, il achève “Le Tournant“ à Cannes en avril 1949. Il se suicide un mois plus tard, le 21 mai 1949.
MARDI 24 février
Projection de “Glenn Ferris, Moments of Music“, documentaire de Jean-Yves Legrand sur un musicien attachant, l’un des plus grands trombonistes de la planète jazz, parisien depuis 1980. Ce trombone transporte par une sonorité chaude, une voix mélodique trempée dans le blues dont les notes forment des phrases élégantes. Examinant de vieilles photos, Glenn nous raconte qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avant de modeler de belles phrases aux harmonies sophistiquées « avec de l’air autour du son » et de faire chanter son instrument, il s’est précocement lancé dans l’aventure du free jazz. Il n’a que 14 ans lorsque Don Ellis l’accueille dans son orchestre. Harry James, Frank Zappa, les Beach Boys, Billy Cobham vont faire appel à lui. La quête musicale de cet “Américain à Paris“ se poursuit en France avec le Trio BFG (Bex-Ferris-Goubert), le groupe Palatino et bien d’autres formations. Jean-Yves Legrand a suivi Glenn pendant deux ans. Son film mêle des extraits de concerts et des séances de répétition avec le Pentessence Quintet, formation avec laquelle il travaille depuis 2004. On le voit répéter en trio avec son Glenn Ferris Trio, Vincent Segal au violoncelle et Bruno Rousselet à la contrebasse, enregistrer pour Olivier Ker Ourio. Mais surtout Glenn nous parle avec beaucoup d’humour de son instrument, un tube avec une coulisse « qui handicape le mouvement ». Longuement interviewé sur sa carrière, sa vie de musicien, sa musique, Glenn ne se prend jamais au sérieux et nous fait rire. Il y a du Chaplin dans ce personnage drôle et sympathique, ce grand musicien que ce joli film nous fait mieux connaître.
JEUDI 26 février
Drew Gress et son quintette au Sunside. Ce jazz énergique réserve des moments de grand lyrisme. Il n’est pas pour toutes les oreilles avec ses brisures, ses tempos heurtés et mouvants, sa diabolique complexité harmonique, ses rythmes qui rendent cette musique différente. Ceux qui encadrent les compositions du contrebassiste sont aussi novateurs qu’intrigants. Drew et son batteur Tom Rainey tissent les notes d’une toile percussive extrêmement serrée. Des pulsations irrégulières, des métriques changeantes bousculent le discours de solistes constamment en éveil. Drew commente et improvise. Craig Taborn pratique un jeu de piano minimaliste, crée avec peu de notes de courtes séquences mélodiques et magiques. Il préfère asseoir l’harmonie, calmer l’ardeur fiévreuse des souffleurs. Au saxophone alto, Tim Berne libère un flot sonore d’une énergie intense, sculpte des sons souvent proche du cri. Ralph Alessi n’est pas seulement un grand virtuose, ses chorus fourmillent d’idées nouvelles, de phrases toujours différentes. Sa trompette croise l’alto pour de brefs passages à l’unisson, des contre-chants, des dialogues à deux voix dont les thèmes relèvent de l’écriture du bop. Très structurée sur le plan de la forme, complexe sur le plan de l’écriture, cette musique offre aussi de nombreuses séquences mélodiques, des ballades aux arrangements plus classiques jouées avec beaucoup de chaleur. On goûte avec bonheur ces moments plus paisibles, ces beaux instants de séduction.
Photos ©Pierre de Chocqueuse, sauf les photos de Glenn Ferris ©Pirouette Films et de Klaus & Erika Mann, DR.
DIMANCHE 15 février
Radio France, studio 103 : Laurent Cugny enregistre “La Tectonique des nuages“ un opéra de chambre à trois personnages tiré d’une pièce de l’écrivain portoricain José Rivera. Laurent et François Rancillac, un homme de théâtre également musicien, l’ont adapté. Yann-Gaël Poncet a signé les textes des chansons et Laurent a composé la musique de cette œuvre d’une durée de deux heures en un seul acte avec un prologue et un épilogue. Autour de ce dernier au piano, neuf musiciens multiplient les combinaisons instrumentales, la musique bénéficiant ainsi d’une grande variété de couleurs. Une des chansons nécessite que la guitare ; d’autres seulement l’accordéon. La partition prévoit un trio, un quintette de vents sans rythmique et des morceaux en sextette et septette. Cinq jours de studio sont réservés pour la musique. Les voix (celles de David Linx, Laïka Fatien et Yann-Gaël Poncet) seront enregistrées plus tard, en mai. Le disque, un double CD, doit sortir en janvier 2010 sur Signature, un label de Radio France.
Le studio 103 paraît immense avec ses nombreuses chaises vides, ses instruments et ses micros disposés un peu partout. Invisible, la cabine technique avec sa console et ses magnétophones se trouve loin derrière. Laurent très calme dirige, donne ses instructions, écoute patiemment les uns et les autres. Nicolas Folmer (trompette, bugle), Denis Leloup (trombone), Pierre Olivier Govin (saxophones), Thomas Savy (clarinettes, saxophones), Eric Karcher (cor), Lionel Suarez (accordéon), Frédéric Favarel (guitares), Jérôme Regard (contrebasse) et Frédéric Chapperon (batterie) se concentrent devant leurs partitions. Le tentet au complet refait une prise de J’ai fouillé Los Angeles, un des derniers morceaux de l’opéra. Le piano joue des accords délicieux, de petites notes perlées. Cor, clarinette basse, saxophone baryton, trombone habillent le thème, colorent une musique lente et majestueuse. Pierre Olivier Govin n’est pas content et va refaire sa partie de saxophone. On passe à une autre scène : Je ne veux pas que vous dormiez dehors. Un problème se pose à la mesure 17. On recommence, mais la contrebasse a besoin d'être accordée. On reprend à la mesure 49. Ce n’est pas encore ça. Le batteur demande une nouvelle prise du morceau en entier… Sans faire de bruit, je fais quelques photos, impatient de découvrir cet opéra dans sa totalité. Il sera donné dans sa version de concert les 1er et 2 avril à la Comédie de Saint Etienne : http://www.comedie-de-saint-etienne.fr/ , et le 30 avril à Nantes au Grand T : http://www.legrandt.fr/
VENDREDI 20 février
Premier concert au Sunside du Laurent de Wilde – Géraldine Laurent “New Quartet“. Yoni Zelnik à la contrebasse et Luc Insemann à la batterie complètent une formation qui a vu le jour lorsque nos deux Laurent se sont découvert des affinités musicales. Après quelques répétitions, les compositions de Wayne Shorter s’imposèrent au point de constituer le programme d’une brillante prestation. Comme Monk auquel Laurent de Wilde a consacré un livre, l’un des meilleurs jamais écrit sur un musicien de jazz, Shorter possède un univers propre. Des harmonies étranges habitent ses thèmes mélancoliques aux tonalités flottantes, aux nombreuses ambiguïtés rythmiques. Cette musique, Laurent et Géraldine la jouent à leur manière, l’enrichissent d’harmonies nouvelles, d’improvisations personnelles. Les doigts de Laurent courent sur le clavier et tissent un tapis de notes. A l’alto, Géraldine les souffle fiévreuses, mais avec panache et lyrisme. Barracudas, un thème de Gil Evans que Shorter reprend dans l’album “Etcetera“ est ainsi développé par une succession de courtes phrases, de petits cris étranglés. Dans The Soothsayer, le saxophone rugit de courts motifs mélodiques auxquels répond un piano virtuose qui développe un jeu orchestral. Yoni Zelnik fait puissamment sonner sa contrebasse et Luc Insemann fouette avec vigueur ses cymbales, enserre la musique dans un tissu percussif suffisamment souple pour lui permettre de toujours respirer. Nous eûmes ainsi droit à quelques-uns des morceaux que Shorter composa et enregistra au sein du second quintette de Miles Davis, la plus étonnante formation du trompettiste. Pris sur un tempo plus lent que l’original, Fall envoûte par sa mélodie singulière, un leitmotiv de quelques notes autour desquelles sax et piano brodent de nombreuses variations. Le très beau Pinocchio inspire également les solistes. Leur relecture parvient à conserver l’aspect fascinant du thème. Le groupe s’impose comme une évidence. Monk ne m’aurait pas contredit.
LUNDI 23 février
Terminé la lecture des mémoires de Klaus Mann “Le Tournant, histoire d’une vie“, gros pavé passionnant de près de 700 pages publié chez Babel. Fils aîné de Thomas Mann et neveu d’Heinrich Mann, l’auteur du “Pr. Unrat“ dont Josef von Sternberg tira “L’Ange bleu“, Klaus Mann laisse une œuvre littéraire plus confidentielle que celle de son père et de son oncle. On ne lit plus guère ses romans, mais son autobiographie reste un témoignage fascinant sur l’Allemagne des années 20 et 30. D’une plume alerte et sensible, Klaus né en 1906 décrit avec tendresse son enfance munichoise. En 1923, il découvre le Berlin de Lulu emporté par le fox-trot, le délire du jazz et une inflation vertigineuse. Il parle peu de lui-même, évoque discrètement son homosexualité, écrit des pièces de théâtre, voyage en France, aux Etats-Unis avec sa sœur Erika pour laquelle il éprouve une tendresse passionnée. Attentif aux autres, et aux mouvements artistiques, il rencontre une bonne partie de l’intelligentsia de l’époque, André Gide et Jean Cocteau qu’il admire, mais aussi Julien Green et René Crevel dont le suicide le bouleverse. Violemment opposé au nazisme et à sa horde brune, il quitte l’Allemagne le 13 mars 1933. Il voyage en Europe, participe à Moscou au Congrès des Ecrivains Soviétiques en juillet 1934 et mobilise dans sa revue littéraire Die Sammlung les plus importants écrivains exilés « soucieux de combattre le national-socialisme et de défendre la véritable littérature allemande ». Déchu de sa nationalité, il s’installe aux Etats-Unis en 1936 et fonde une revue, Decision, dans laquelle il dénonce le danger de l’Allemagne hitlérienne. Naturalisé américain, il s’engage, prend part à la campagne d’Italie et retourne en Allemagne en 1945, comme correspondant spécial du Stars and Stripes, journal publié par l’armée. A cette occasion, il rencontre Richard Strauss, 81 ans, « un grand homme complètement dénué de grandeur ! », indifférent au sort des victimes d’une guerre meurtrière. La dernière partie du livre se présente sous forme de lettres. Celle très longue qu’il écrit à son père le 16 mai 1945 pour ses soixante-dix ans décrit une Allemagne en ruine. On le sent désabusé, déçu par l’attitude d’un peuple « qui ne nie plus que sa propre culpabilité ». Le cœur tourmenté et facile à blesser, il achève “Le Tournant“ à Cannes en avril 1949. Il se suicide un mois plus tard, le 21 mai 1949.
MARDI 24 février
Projection de “Glenn Ferris, Moments of Music“, documentaire de Jean-Yves Legrand sur un musicien attachant, l’un des plus grands trombonistes de la planète jazz, parisien depuis 1980. Ce trombone transporte par une sonorité chaude, une voix mélodique trempée dans le blues dont les notes forment des phrases élégantes. Examinant de vieilles photos, Glenn nous raconte qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Avant de modeler de belles phrases aux harmonies sophistiquées « avec de l’air autour du son » et de faire chanter son instrument, il s’est précocement lancé dans l’aventure du free jazz. Il n’a que 14 ans lorsque Don Ellis l’accueille dans son orchestre. Harry James, Frank Zappa, les Beach Boys, Billy Cobham vont faire appel à lui. La quête musicale de cet “Américain à Paris“ se poursuit en France avec le Trio BFG (Bex-Ferris-Goubert), le groupe Palatino et bien d’autres formations. Jean-Yves Legrand a suivi Glenn pendant deux ans. Son film mêle des extraits de concerts et des séances de répétition avec le Pentessence Quintet, formation avec laquelle il travaille depuis 2004. On le voit répéter en trio avec son Glenn Ferris Trio, Vincent Segal au violoncelle et Bruno Rousselet à la contrebasse, enregistrer pour Olivier Ker Ourio. Mais surtout Glenn nous parle avec beaucoup d’humour de son instrument, un tube avec une coulisse « qui handicape le mouvement ». Longuement interviewé sur sa carrière, sa vie de musicien, sa musique, Glenn ne se prend jamais au sérieux et nous fait rire. Il y a du Chaplin dans ce personnage drôle et sympathique, ce grand musicien que ce joli film nous fait mieux connaître.
JEUDI 26 février
Drew Gress et son quintette au Sunside. Ce jazz énergique réserve des moments de grand lyrisme. Il n’est pas pour toutes les oreilles avec ses brisures, ses tempos heurtés et mouvants, sa diabolique complexité harmonique, ses rythmes qui rendent cette musique différente. Ceux qui encadrent les compositions du contrebassiste sont aussi novateurs qu’intrigants. Drew et son batteur Tom Rainey tissent les notes d’une toile percussive extrêmement serrée. Des pulsations irrégulières, des métriques changeantes bousculent le discours de solistes constamment en éveil. Drew commente et improvise. Craig Taborn pratique un jeu de piano minimaliste, crée avec peu de notes de courtes séquences mélodiques et magiques. Il préfère asseoir l’harmonie, calmer l’ardeur fiévreuse des souffleurs. Au saxophone alto, Tim Berne libère un flot sonore d’une énergie intense, sculpte des sons souvent proche du cri. Ralph Alessi n’est pas seulement un grand virtuose, ses chorus fourmillent d’idées nouvelles, de phrases toujours différentes. Sa trompette croise l’alto pour de brefs passages à l’unisson, des contre-chants, des dialogues à deux voix dont les thèmes relèvent de l’écriture du bop. Très structurée sur le plan de la forme, complexe sur le plan de l’écriture, cette musique offre aussi de nombreuses séquences mélodiques, des ballades aux arrangements plus classiques jouées avec beaucoup de chaleur. On goûte avec bonheur ces moments plus paisibles, ces beaux instants de séduction.
Photos ©Pierre de Chocqueuse, sauf les photos de Glenn Ferris ©Pirouette Films et de Klaus & Erika Mann, DR.