Sur scène,
Yaron Herman prend son temps et développe les idées harmoniques qui lui passent par la tête. Il cherche, repense ses morceaux et ceux des autres, en donne des versions toujours
différentes et se dépense sans compter dans de longues improvisations souvent oniriques. En studio, le pianiste canalise son énergie, réduit ses voicings et va à l’essentiel. Les
morceaux de son disque précédent restent des esquisses enregistrées par un groupe qui n’a pas encore appris à se connaître. Ils seront retravaillés en concert. Perpétuellement insatisfait, Yaron
cherchera sans doute à faire de même avec les compositions de ce nouvel album. Beaucoup plus abouti, il traduit pourtant une maturité nouvelle. Le pianiste fougueux place désormais sa technique
au service d’une musique dont il a très soigneusement peaufiné les arrangements. La cohésion exceptionnelle du trio qui l’accompagne rend possible ce travail sur la forme. Matt
Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie apportent une grande fluidité rythmique aux morceaux. Le batteur fascine par la légèreté de son jeu de cymbales.
Une contrebasse complice à la sonorité magnifique commente, installe un groove dont profite habilement le pianiste. Les rythmes interviennent beaucoup dans la composition de Vertigo et
de Twins, morceaux exigeant une grande précision d’exécution. Matt Brewer apporte deux mélodies et Yaron en a puisé d’autres chez des compositeurs hébreux,
Alexander Argov et Naomi Shemer, grande dame de la chanson israélienne. De cette dernière, Yaron reprend Lu Yehi, en solo, moment tendre et magnifique.
Ecrit par Bjork, Isobel hérite des magnifiques couleurs qu’installe le Quatuor Ebène. Ce sont encore les cordes qui dans Muse répondent au
piano. Cette pièce, la première de l’album, rappelle beaucoup Vision, l’ouverture d’“Expectations“, double album que Keith Jarrett enregistra pour Columbia en 1972. Bien
que l’influence de ce dernier soit encore prépondérante, Yaron tend à s’en dégager. Intelligemment construites, ses longues phrases accueillent le silence. Joliment ciselées et restituées par une
magnifique prise de son, les notes respirent, réservent de nombreux moments magiques, forment la trame d’un vaste tissu poétique. Joya et Rina Ballé éblouissent par leurs
voicings. Cette dernière pièce, la plus longue du disque, abrite une splendide partie d’alto. Le Quatuor Ebène répète sans cesse le thème, le piano chante, les doigts
égrainent un tapis de petites notes ensorcelantes qui réconfortent et ne lassent pas. Particulièrement inspiré, Yaron nous offre ici son plus beau disque.
Pour fêter sa sortie, Yaron Herman donne ce soir à 20 heures un concert unique au théâtre des Champs-Elysées: http://www.theatrechampselysees.fr/