15 mars 2009
7
15
/03
/mars
/2009
12:53
Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc.
Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…
DIMANCHE 1e mars
Radio France, Studio Charles Trenet : concert inaugural du nouvel ONJ placé sous la direction artistique de Daniel Yvinec. Au programme “Broadway in Satin“ consacré au répertoire de Billie Holiday, morceaux dont la chanteuse donna des versions insurpassables. Choisissant d’innover, Daniel Yvinec a chargé Alban Darche de les moderniser. Conservant les mélodies, ce dernier a changé tout le reste, dotant chaque morceau d’une orchestration nouvelle, d’une instrumentation différente. Skylark mêle ainsi les sonorités de deux saxophones alto, une clarinette basse, une trompette et un cor et Body and Soul voit son solo harmonisé par un petit ensemble comprenant saxophone alto, ténor, flûte, clarinette basse et trompette. Le traitement sonore réservé aux morceaux est beaucoup moins conventionnel. Eve Risser joue du piano préparé, tisse des sons inédits de sa table d’harmonie. Un saupoudrage électronique apporte de nouvelles couleurs et plonge les thèmes dans la modernité. Des rythmes binaires et martelés, des arrangements souvent lourds les structurent, la masse orchestrale laissant peu de place aux solistes. Ces derniers se font entendre dans les nombreux intermèdes qui relient les morceaux entre eux, moments surprenants animés par le batteur, dialogues entre une clarinette basse et ses propres notes que les haut-parleurs lui renvoient, chorus d’alto sur la voix enregistrée de Billie Holiday, poussée de soprano sur un léger voile d’effets sonores. Les improvisations collectives sont également nombreuses. Une fanfare déjantée introduit Strange Fruit rythmé par un banjo. Dans My Man, l’instrument égraine les accords du blues. A mi-chemin entre Carla Bley et Nino Rota, ce morceau carnavalesque plein de trouvailles et de dissonances résume bien la musique de l’orchestre, véritable auberge espagnole anticipant un troisième programme consacré à "Carmen". Les voix enfin pour conter et chanter Billie. Celle, enregistrée, d’Archie Shepp nous lit des extraits de son autobiographie. Ian Siegal et Karen Lanaud reprennent ses mélodies. Le premier, un chanteur de blues, possède une voix rauque et puissante. Plus classique, le timbre de la seconde peine à se faire entendre, couverte par les instruments d’un orchestre qui, à défaut de toujours bien sonner, joue beaucoup trop fort. Leurs voix se mêlent dans You’ve Change dont la guitare égraine les accords. Comment ne pas songer au duo Tom Waits – Crystal Gayle qui illumine le film “One from the Heart“ (“Coup de cœur“) de Francis Ford Coppola ? De bonnes idées, une mise en place parfois approximative, des longueurs, des moments superbes, difficile de juger l’ONJ à sa juste valeur sur ce premier concert. Le second, celui de Banlieues Bleues fut, paraît-il, désastreux. Laissons lui donc le temps de grandir.
JEUDI 5 mars
Revu “Model Shop“, film mal-aimé, la suite américaine de “Lola“, depuis longtemps invisible. Jacques Demy le tourne en 1968 à Los Angeles. Les grands studios américains ont apprécié ses comédies musicales, “Les Parapluies de Cherbourg“, “Les Demoiselles de Rochefort“ et Columbia accepte de financer ce nouveau long-métrage. Contre toute attente, Demy choisit de faire simple avec un budget modeste : vingt-quatre heures de la vie de George Matthews (joué par Gary Lockwood, l’un des deux cosmonautes de “2001 l’odyssée de l’espace“), jeune architecte sans travail sur le point d’être envoyé au Vietnam. Fasciné par une femme rencontrée dans un parking, il la suit jusqu’à son lieu de travail, une boutique dans laquelle, elle se loue comme modèle à des photographes. La jeune femme, c’est Anouk Aimée, la Lola de Demy dont on retrouve la trace six ans plus tard. A George, elle confie son histoire. Michel, l’homme qui est allé la chercher à Nantes pour l’amener vivre en Amérique, l’a finalement quittée. Elle s’est remise à travailler après avoir renvoyé son fils en France et économise pour le rejoindre. George lui donnera l’argent destiné à payer la traite de sa voiture. A la veille d’un aller simple pour une guerre qu’il refuse, il permet à Lola de rentrer chez elle. On sent Jacques Demy désenchanté par l’Amérique dont il a longtemps rêvé. Frankie le marin au grand cœur de “Lola“ est mort au Vietnam au début de la guerre, une guerre qui fait dire à George désabusé : « Qu’y a-t-il de plus beau que la vie ? » “Model Shop“ n’existe qu’au sein d’un gros coffret Arte Video (Ciné-Tamaris) réunissant tous les films de Demy. Sur le même DVD se trouve “Lola“, son premier opus, restauré en 2000, l’un des plus beaux films du cinéma français. Quel plaisir de revoir Anouk Aimée chanter et danser, déambuler dans les rues de Nantes. Passage Pommeraye, elle rencontre Roland (Marc Michel) perdu de vue depuis quinze ans. Comme Jacques Demy, il rêve de l’Amérique. Comme Frankie le marin de Chicago, il tombe amoureux de Lola qui chante, danse, se donne, mais n’aime qu’une fois. Son cœur appartient à Michel. Elle l’attend. Comme George, l’architecte de “Model Shop“, Roland reste seul à la fin du film qui fascine par sa grâce et sa poésie. Une mise en scène élégante, des dialogues subtils et très justes lui donnent beaucoup de charme. La photo – du scope noir et blanc - est de Raoul Coutard ; la musique de Michel Legrand. Confiée au groupe Spirit que Demy découvrit sur la scène du Kaleidoscope à son arrivée à Los Angeles, celle de “Model Shop“ plonge dans les sonorités de l’acid-rock de la fin des années 60. Mêlant habilement jazz et rock psychédélique, le groupe fait entendre de très beaux instrumentaux. La guitare magique de Randy California, disciple inspiré de Jimi Hendrix, illumine Clear, le thème principal du film orchestré par Marty Paich. Constatant son échec commercial, la maison de disque de Spirit abandonna l’idée d’en sortir la musique. Dispersée au sein de plusieurs albums du groupe, elle ne fut éditée qu’en 2005.
LUNDI 9 mars
Beau concert donné par Yaron Herman au théâtre des Champs-Elysées. En compagnie de son trio, le pianiste fête la sortie de “Muse“ son nouvel album, et lui réserve une place de choix. En solo, il commence par brouiller les pistes, entremêle avec ferveur Eli Eli et Hallelujah, un morceau de Leonard Cohen que Yaron affectionne. Muse et sa partie de cordes empruntée à Keith Jarrett vient ensuite. Les membres du Quatuor Manfred peinent un peu sur la musique. La mise en place n’est pas parfaite, mais ils offrent de belles couleurs à Isobel joué plus tard en rappel, et à Rina Ballé, la dernière plage du nouveau disque. Magnifiquement introduit à la contrebasse, son thème permet à Yaron de se lancer dans un chorus époustouflant. Sa mélodie frappe l’oreille et soulève l’enthousiasme du public. La guitare de Dominic Miller s’est jointe au trio, mais c’est dans Shape of my Heart, en duo avec le piano de Yaron, qu’elle livre ses plus belles notes. Avec Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie, Yaron va donner le meilleur de lui-même. Un batteur complice rythme ses longues phrases pleines de notes inattendues. La contrebasse recherche le dialogue et mêle ses propres lignes mélodiques à celles du piano. Toxic de Britney Spears réinventé à chaque concert, Twins, Perpetua, Vertigo et leurs acrobaties rythmiques donnent le vertige, mais les doigts de Yaron savent aussi se faire légers et tendres dans les ballades. Ils égrainent de petites notes fragiles et s’appliquent à les faire délicatement sonner. Après une version de Con Alma beaucoup plus développée que celle du disque, Yaron enrichie d’harmonies exquises What Are You Doing the Rest of Your Life ?, un thème de Michel Legrand. Un émouvant Ose Shalom en trio conclut magnifiquement une soirée très intense.
MARDI 10 mars
Baptiste Trotignon au New Morning, une belle occasion d’écouter de larges extraits de son nouvel album. Sa section rythmique américaine indisponible, Thomas Bramerie assure brillamment à la contrebasse et Franck Agulhon remplace Eric Harland à la batterie. Difficilement. Sa frappe lourde et puissante couvre les instruments de l’orchestre, l’oblige à jouer plus fort. On s’habitue à ce martèlement, captivée par la richesse harmonique d’habiles compositions à tiroirs qui réservent bien des surprises. Récemment blessé à la main, Mark Turner rejoint le groupe au ténor et joue comme si rien ne lui était arrivé. Ses courtes phrases mélodiques se mêlent à celles, délicates, du bugle de Tom Harrell. Beaucoup plus présents que sur le disque, les deux souffleurs se révèlent constamment inspirés. Tom fait merveille dans Blue, un thème exquis aux notes tendres et lumineuses. Baptiste assure le tempo puis improvise une série de variations qui enchantent. Trempé dans le bop, Dexter conclut un premier set qui donne envie d‘écouter le second, une longue suite encore inédite sur disque. On a du mal à croire que le groupe la joue pour la seconde fois tant la mise en place est parfaite. Tom détache clairement de petites notes délicieuses, leur laisse le temps de s’envoler. Ses chorus aériens reflètent sa très grande sensibilité. Une des pièces s’articule autour d’un rythme de samba. Un long chorus de Baptiste fait monter la température de quelques degrés. Après un interlude en solo, le piano égraine les notes rêveuses d’une ballade. Bugle et ténor en colorent le thème. I Feel in Love Too Easily en rappel. Tom Harrell souffle des notes magnifiques et nous émeut profondément.
JEUDI 12 mars
Violet Hour, le sextet de Gerald Cleaver au Duc des Lombards, un hommage aux grands batteurs de Détroit, sa ville natale - Roy Brooks, Lawrence Williams, George Goldsmith et Richard “Pistol“ Allen. Le groupe joue du hard bop, mais sa manière de le rythmer et les couleurs qu’il donne à cette musique suffisent à la moderniser. Le set débute par une improvisation de Ben Waltzer, le pianiste. Exposée tardivement par les trois souffleurs, Jeremy Pelt à la trompette, J.D. Allen au saxophone ténor et Andrew Bishop à la clarinette basse, la mélodie surgit d’un amoncellement de notes graves. Ce dernier instrument renforce l’aspect sombre et inquiétant de la musique. Mais Andrew Bishop joue aussi du ténor et du soprano et les accords de Ben Walzer ne sont pas toujours si étranges. Le piano intègre une section rythmique très souple – Chris Lightcap tient la contrebasse - qui permet aux solistes de s’exprimer avec une grande liberté. La vedette de l’orchestre Jeremy Pelt impressionne par sa maîtrise technique et sa vélocité. Les notes jaillissent, chaudes, sensuelles, impeccablement sculptées, portées par un souffle puissant. Il possède une capacité pulmonaire exceptionnelle, une carrure impressionnante. Il tire de sa trompette de somptueuses lignes mélodiques, joue du bugle dans les ballades pour rendre veloutées et sensuelles. Batteur au jeu très fin, Gerald Cleaver rythme subtilement la musique, le plus souvent sur ses cymbales. On découvre un compositeur habile dont le jazz moderne s’enracine profondément dans la tradition. La formation a enregistré un premier album “Gerald Cleaver’s Detroit“ sur Fresh Sound New Talent. On peut y prêter attention.
Photos ©Pierre de Chocqueuse. Affiche de Model Shop © Columbia Films. Affiche de Lola © Les films de ma vie. Jaquette DVD Model Shop/Lola © Arte Video/Ciné-Tamaris. Photo affiche Yaron Herman © Gala
DIMANCHE 1e mars
Radio France, Studio Charles Trenet : concert inaugural du nouvel ONJ placé sous la direction artistique de Daniel Yvinec. Au programme “Broadway in Satin“ consacré au répertoire de Billie Holiday, morceaux dont la chanteuse donna des versions insurpassables. Choisissant d’innover, Daniel Yvinec a chargé Alban Darche de les moderniser. Conservant les mélodies, ce dernier a changé tout le reste, dotant chaque morceau d’une orchestration nouvelle, d’une instrumentation différente. Skylark mêle ainsi les sonorités de deux saxophones alto, une clarinette basse, une trompette et un cor et Body and Soul voit son solo harmonisé par un petit ensemble comprenant saxophone alto, ténor, flûte, clarinette basse et trompette. Le traitement sonore réservé aux morceaux est beaucoup moins conventionnel. Eve Risser joue du piano préparé, tisse des sons inédits de sa table d’harmonie. Un saupoudrage électronique apporte de nouvelles couleurs et plonge les thèmes dans la modernité. Des rythmes binaires et martelés, des arrangements souvent lourds les structurent, la masse orchestrale laissant peu de place aux solistes. Ces derniers se font entendre dans les nombreux intermèdes qui relient les morceaux entre eux, moments surprenants animés par le batteur, dialogues entre une clarinette basse et ses propres notes que les haut-parleurs lui renvoient, chorus d’alto sur la voix enregistrée de Billie Holiday, poussée de soprano sur un léger voile d’effets sonores. Les improvisations collectives sont également nombreuses. Une fanfare déjantée introduit Strange Fruit rythmé par un banjo. Dans My Man, l’instrument égraine les accords du blues. A mi-chemin entre Carla Bley et Nino Rota, ce morceau carnavalesque plein de trouvailles et de dissonances résume bien la musique de l’orchestre, véritable auberge espagnole anticipant un troisième programme consacré à "Carmen". Les voix enfin pour conter et chanter Billie. Celle, enregistrée, d’Archie Shepp nous lit des extraits de son autobiographie. Ian Siegal et Karen Lanaud reprennent ses mélodies. Le premier, un chanteur de blues, possède une voix rauque et puissante. Plus classique, le timbre de la seconde peine à se faire entendre, couverte par les instruments d’un orchestre qui, à défaut de toujours bien sonner, joue beaucoup trop fort. Leurs voix se mêlent dans You’ve Change dont la guitare égraine les accords. Comment ne pas songer au duo Tom Waits – Crystal Gayle qui illumine le film “One from the Heart“ (“Coup de cœur“) de Francis Ford Coppola ? De bonnes idées, une mise en place parfois approximative, des longueurs, des moments superbes, difficile de juger l’ONJ à sa juste valeur sur ce premier concert. Le second, celui de Banlieues Bleues fut, paraît-il, désastreux. Laissons lui donc le temps de grandir.
JEUDI 5 mars
Revu “Model Shop“, film mal-aimé, la suite américaine de “Lola“, depuis longtemps invisible. Jacques Demy le tourne en 1968 à Los Angeles. Les grands studios américains ont apprécié ses comédies musicales, “Les Parapluies de Cherbourg“, “Les Demoiselles de Rochefort“ et Columbia accepte de financer ce nouveau long-métrage. Contre toute attente, Demy choisit de faire simple avec un budget modeste : vingt-quatre heures de la vie de George Matthews (joué par Gary Lockwood, l’un des deux cosmonautes de “2001 l’odyssée de l’espace“), jeune architecte sans travail sur le point d’être envoyé au Vietnam. Fasciné par une femme rencontrée dans un parking, il la suit jusqu’à son lieu de travail, une boutique dans laquelle, elle se loue comme modèle à des photographes. La jeune femme, c’est Anouk Aimée, la Lola de Demy dont on retrouve la trace six ans plus tard. A George, elle confie son histoire. Michel, l’homme qui est allé la chercher à Nantes pour l’amener vivre en Amérique, l’a finalement quittée. Elle s’est remise à travailler après avoir renvoyé son fils en France et économise pour le rejoindre. George lui donnera l’argent destiné à payer la traite de sa voiture. A la veille d’un aller simple pour une guerre qu’il refuse, il permet à Lola de rentrer chez elle. On sent Jacques Demy désenchanté par l’Amérique dont il a longtemps rêvé. Frankie le marin au grand cœur de “Lola“ est mort au Vietnam au début de la guerre, une guerre qui fait dire à George désabusé : « Qu’y a-t-il de plus beau que la vie ? » “Model Shop“ n’existe qu’au sein d’un gros coffret Arte Video (Ciné-Tamaris) réunissant tous les films de Demy. Sur le même DVD se trouve “Lola“, son premier opus, restauré en 2000, l’un des plus beaux films du cinéma français. Quel plaisir de revoir Anouk Aimée chanter et danser, déambuler dans les rues de Nantes. Passage Pommeraye, elle rencontre Roland (Marc Michel) perdu de vue depuis quinze ans. Comme Jacques Demy, il rêve de l’Amérique. Comme Frankie le marin de Chicago, il tombe amoureux de Lola qui chante, danse, se donne, mais n’aime qu’une fois. Son cœur appartient à Michel. Elle l’attend. Comme George, l’architecte de “Model Shop“, Roland reste seul à la fin du film qui fascine par sa grâce et sa poésie. Une mise en scène élégante, des dialogues subtils et très justes lui donnent beaucoup de charme. La photo – du scope noir et blanc - est de Raoul Coutard ; la musique de Michel Legrand. Confiée au groupe Spirit que Demy découvrit sur la scène du Kaleidoscope à son arrivée à Los Angeles, celle de “Model Shop“ plonge dans les sonorités de l’acid-rock de la fin des années 60. Mêlant habilement jazz et rock psychédélique, le groupe fait entendre de très beaux instrumentaux. La guitare magique de Randy California, disciple inspiré de Jimi Hendrix, illumine Clear, le thème principal du film orchestré par Marty Paich. Constatant son échec commercial, la maison de disque de Spirit abandonna l’idée d’en sortir la musique. Dispersée au sein de plusieurs albums du groupe, elle ne fut éditée qu’en 2005.
LUNDI 9 mars
Beau concert donné par Yaron Herman au théâtre des Champs-Elysées. En compagnie de son trio, le pianiste fête la sortie de “Muse“ son nouvel album, et lui réserve une place de choix. En solo, il commence par brouiller les pistes, entremêle avec ferveur Eli Eli et Hallelujah, un morceau de Leonard Cohen que Yaron affectionne. Muse et sa partie de cordes empruntée à Keith Jarrett vient ensuite. Les membres du Quatuor Manfred peinent un peu sur la musique. La mise en place n’est pas parfaite, mais ils offrent de belles couleurs à Isobel joué plus tard en rappel, et à Rina Ballé, la dernière plage du nouveau disque. Magnifiquement introduit à la contrebasse, son thème permet à Yaron de se lancer dans un chorus époustouflant. Sa mélodie frappe l’oreille et soulève l’enthousiasme du public. La guitare de Dominic Miller s’est jointe au trio, mais c’est dans Shape of my Heart, en duo avec le piano de Yaron, qu’elle livre ses plus belles notes. Avec Matt Brewer à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie, Yaron va donner le meilleur de lui-même. Un batteur complice rythme ses longues phrases pleines de notes inattendues. La contrebasse recherche le dialogue et mêle ses propres lignes mélodiques à celles du piano. Toxic de Britney Spears réinventé à chaque concert, Twins, Perpetua, Vertigo et leurs acrobaties rythmiques donnent le vertige, mais les doigts de Yaron savent aussi se faire légers et tendres dans les ballades. Ils égrainent de petites notes fragiles et s’appliquent à les faire délicatement sonner. Après une version de Con Alma beaucoup plus développée que celle du disque, Yaron enrichie d’harmonies exquises What Are You Doing the Rest of Your Life ?, un thème de Michel Legrand. Un émouvant Ose Shalom en trio conclut magnifiquement une soirée très intense.
MARDI 10 mars
Baptiste Trotignon au New Morning, une belle occasion d’écouter de larges extraits de son nouvel album. Sa section rythmique américaine indisponible, Thomas Bramerie assure brillamment à la contrebasse et Franck Agulhon remplace Eric Harland à la batterie. Difficilement. Sa frappe lourde et puissante couvre les instruments de l’orchestre, l’oblige à jouer plus fort. On s’habitue à ce martèlement, captivée par la richesse harmonique d’habiles compositions à tiroirs qui réservent bien des surprises. Récemment blessé à la main, Mark Turner rejoint le groupe au ténor et joue comme si rien ne lui était arrivé. Ses courtes phrases mélodiques se mêlent à celles, délicates, du bugle de Tom Harrell. Beaucoup plus présents que sur le disque, les deux souffleurs se révèlent constamment inspirés. Tom fait merveille dans Blue, un thème exquis aux notes tendres et lumineuses. Baptiste assure le tempo puis improvise une série de variations qui enchantent. Trempé dans le bop, Dexter conclut un premier set qui donne envie d‘écouter le second, une longue suite encore inédite sur disque. On a du mal à croire que le groupe la joue pour la seconde fois tant la mise en place est parfaite. Tom détache clairement de petites notes délicieuses, leur laisse le temps de s’envoler. Ses chorus aériens reflètent sa très grande sensibilité. Une des pièces s’articule autour d’un rythme de samba. Un long chorus de Baptiste fait monter la température de quelques degrés. Après un interlude en solo, le piano égraine les notes rêveuses d’une ballade. Bugle et ténor en colorent le thème. I Feel in Love Too Easily en rappel. Tom Harrell souffle des notes magnifiques et nous émeut profondément.
JEUDI 12 mars
Violet Hour, le sextet de Gerald Cleaver au Duc des Lombards, un hommage aux grands batteurs de Détroit, sa ville natale - Roy Brooks, Lawrence Williams, George Goldsmith et Richard “Pistol“ Allen. Le groupe joue du hard bop, mais sa manière de le rythmer et les couleurs qu’il donne à cette musique suffisent à la moderniser. Le set débute par une improvisation de Ben Waltzer, le pianiste. Exposée tardivement par les trois souffleurs, Jeremy Pelt à la trompette, J.D. Allen au saxophone ténor et Andrew Bishop à la clarinette basse, la mélodie surgit d’un amoncellement de notes graves. Ce dernier instrument renforce l’aspect sombre et inquiétant de la musique. Mais Andrew Bishop joue aussi du ténor et du soprano et les accords de Ben Walzer ne sont pas toujours si étranges. Le piano intègre une section rythmique très souple – Chris Lightcap tient la contrebasse - qui permet aux solistes de s’exprimer avec une grande liberté. La vedette de l’orchestre Jeremy Pelt impressionne par sa maîtrise technique et sa vélocité. Les notes jaillissent, chaudes, sensuelles, impeccablement sculptées, portées par un souffle puissant. Il possède une capacité pulmonaire exceptionnelle, une carrure impressionnante. Il tire de sa trompette de somptueuses lignes mélodiques, joue du bugle dans les ballades pour rendre veloutées et sensuelles. Batteur au jeu très fin, Gerald Cleaver rythme subtilement la musique, le plus souvent sur ses cymbales. On découvre un compositeur habile dont le jazz moderne s’enracine profondément dans la tradition. La formation a enregistré un premier album “Gerald Cleaver’s Detroit“ sur Fresh Sound New Talent. On peut y prêter attention.
Photos ©Pierre de Chocqueuse. Affiche de Model Shop © Columbia Films. Affiche de Lola © Les films de ma vie. Jaquette DVD Model Shop/Lola © Arte Video/Ciné-Tamaris. Photo affiche Yaron Herman © Gala