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29 mars 2009 7 29 /03 /mars /2009 18:17
Un dimanche sur deux, retrouvez les coups de cœur du blogueur de Choc. Concerts, disques, films, livres, pièces de théâtre, rencontres, événements et scènes de la vie parisienne à vous faire partager... Suivez le blogueur de Choc…
Attention: en raison des fêtes, il n'y aura pas de quinzaine du blogueur le 12 avril, jour de Pâques. Merci de votre compréhension.


MARDI 17 mars
Un quartette inédit au Sunside : Lew Soloff à la trompette, Jean-Michel Pilc au piano, François Moutin à la contrebasse et Billy Hart à la batterie, quatre personnalités dont on a envie de découvrir la musique, compositions originales et standards constituant leur répertoire. Le groupe tourne depuis plusieurs semaines et cela s’entend. Les musiciens s’amusent à se surprendre, pratiquent des échanges intensifs, la contrebasse chantante de François Moutin occupant une place centrale au sein de la formation. Les cordes de son instrument se mêlent à celles, métalliques, du piano, ou entament un dialogue mélodique avec la batterie. Billy Hart possède un son, une frappe lourde qui peut se faire légère si le morceau l’exige. Il peut marteler puissamment ses tambours ou se contenter de marquer simplement le rythme sur une cymbale, ou sur le bord métallique de sa caisse claire. Loin d’étouffer la musique, le batteur la laisse au contraire respirer, l’aère, donne de l’espace aux notes qui sont jouées. Lew Soloff possède un jeu de trompette d’une grande précision. Sa maîtrise technique lui permet de faire chanter de longues phrases aux notes détachées et ciselées avec finesse. Aussi à l’aise dans le jazz qu’au sein d’orchestres symphoniques, il séduit par l’intelligence de ses chorus et la beauté de son jeu mélodique. Lew est également un musicien sensible qui souffle des notes tendres et brumeuses, presque fragiles dans les ballades, supports au sein desquels Jean-Michel Pilc révèle sa grande sensibilité. Le pianiste joue de petites notes éparses et tranquilles, adopte un jeu minimaliste et élégant aux notes inattendues et aux accords étranges. Il peut également donner beaucoup de volume à ses notes, les frapper et les marteler, ses chorus tumultueux se gonflant de clusters et de dissonances.

Un peu plus loin, Don Menza se produit au Duc des Lombards. Saxophoniste de légende longtemps attaché aux pupitres des grands big band - ceux de Buddy Rich, Woody Herman et Louie Bellson, il n’a pas joué en France depuis les années 50, malgré de fréquents concerts donnés en Allemagne. Le voir sur scène me tente, m’émoustille. L’occasion est trop belle. J’abandonne donc le Sunside à la fin du premier set pour écouter un ténor dont je ne connais que les disques. Don possède une sonorité raffinée et élégante. Ses improvisations sont toujours mélodiques et il ne perd jamais de vue le thème lorsqu’il joue de longues phrases lyriques et sensuelles. Comme Stan Getz (mais aussi Zoot Sims), il souffle des phrases tendres et puissantes qui séduisent et attachent. En duo avec Philippe Milanta, il reprend My Foolish Heart, enroule ses notes autour de la mélodie, tresse de jolies variations harmoniques pour l’embellir. Un piano rêveur lui répond, ornemente le thème par de petites notes délicates et perlées. Cédric Caillaud à la contrebasse et François Laudet à la batterie complètent la section rythmique avec efficacité et justesse. Don Menza a promis de revenir au Duc avec un programme consacré à la musique de Getz, ses principaux chorus harmonisés pour quatre ténors dont le sien. On ne peut que s’en réjouir. - Note ajoutée le mardi 14 avril: Le photographe Philippe Etheldrède m'a gentiment signalé que bien que ne s'en souvenant probablement pas, Don Menza s'est produit à Antibes au sein du big band de Louie Bellson en 1992.

JEUDI 19 mars
Vers toi terre promise“ de Jean-Claude Grumberg au théâtre du Rond-Point, une « tragédie dentaire » qui fait rire, réfléchir et pose de bonnes questions. Ses répliques pleines d’humour sont aussi incisives que les dents que soigne Charles Spodek dans son cabinet dentaire. Elles donnent un goût amer, comme les herbes rituellement prescrites à Pessa’h, la Pâques juive. On compatit aux douleurs des patients du dentiste mais surtout aux souffrances qu’il endure avec sa femme Clara depuis la disparition de leurs deux filles. Déportée, la première a péri dans un camp. Cachée dans un couvent, la seconde y reste cloîtrée et invisible. Charles Spodek se bataille avec l’administration pour réintégrer son lieu de travail spolié par un autre dentiste, un Français décoré pour sa bravoure en 14-18. Il y parvient, mais échoue à faire sortir leur fille du Carmel – la scène de leur visite à la mère supérieure de l’ordre répondant à leurs questions, en posant d’autres (« Comment être juif et athée ? ») ou pratiquant la langue de bois est un des grands moments de la pièce. Incapables de faire le deuil de leurs enfants, les Spodek passent des nuits sans sommeil dans leur appartement. Charles, cynique et pessimiste, attend une troisième guerre mondiale. Il dévitalise les dents de ses patients et ôte leurs douleurs, mais ne peut empêcher la sienne de lui ronger le sang. Clara se lamente ; les lettres qu’elle écrit à sa fille restent sans réponses. Elle essaye même de prier ce qui provoque la colère de Charles qui ne croit pas et refuse de croire. Les relations avec leurs parents, leurs amis, deviennent difficiles, Charles ne voulant plus voir personne, pas même son cousin Max. Le couple décide finalement de partir vivre en Israël, la terre promise. Se relève-t-on d’un tel traumatisme ? Que trouvera-t-il là-bas ?  
Enfant, Jean-Claude Grumberg se faisait régulièrement soigner ses caries chez un double de Spodek et a nourri sa pièce de ses propres souvenirs. La mise en scène de Charles Tordjman est d’une grande lisibilité. Les scènes jouées alternent avec des monologues pédagogiques, les apartés explicatifs d’un faux cœur antique situant l’action dans le temps. Les quatre acteurs sont formidables. Christine Murillo interprète une Clara émouvante. Philippe Fretun exprime avec une grande justesse le cynisme désabusé de Charles. Les deux autres comédiens, Clotilde Mollet et Antoine Mathieu campent les autres personnages, Suzanne l’amie, Mauricette la belle-sœur, l’auteur enfant, le cousin attaché aux croyances, aux rituels, aux interdits qu’impose sa religion, le patient désespéré à l’idée de n’avoir plus personne à qui se plaindre lorsque Charles partira. Tous deux assurent le chœur, mélange de tragédie grecque et d’humour juif, pour éloigner la douleur, la tenir à distance, la rendre supportable.
Au théâtre du Rond-point jusqu’au 11 avril. Du 31 mars au 5 avril la pièce sera jouée en hébreu avec des comédiens israéliens (version surtitrée en français).
http://www.theatredurondpoint.fr/

VENDREDI 20 mars
Un grand pianiste au Sunside. Jim McNeely ne s’était pas produit sur une scène française depuis les années 8O. Il joua pendant six ans avec le Thad Jones/Mel Lewis big band puis travailla avec Stan Getz et Phil Woods et est l’actuel pianiste du Vanguard Jazz Orchestra. Jim possède également un tentet pour jouer ses arrangements. Il les a souvent confiés à de grands orchestres européens parmi lesquels le Danish Radio Big Band et le WDR Big Band. Il vient de passer une semaine à Paris, invité par le département jazz et musiques improvisées du conservatoire national supérieur de musique de Paris (cnsmdp) à animer une master class. Les élèves de Riccardo Del Fra joueront sa musique en big band le lundi 23. Ce soir, ils sont venus nombreux l’écouter en trio. Jim privilégie les belles lignes mélodiques, un jeu sobre aux couleurs délicates. Ses longs voicings ne contiennent pas une note en trop. La fluidité de ses improvisations dissimule la richesse de ses idées harmoniques. Le pianiste cultive la discrétion, joue un piano élégant qui respire, possède un rythme intérieur, écarte résolument le tape à l’œil, la virtuosité gratuite. Riccardo n’a rien non plus à prouver. Cela fait des années qu’il met sa contrebasse au service de la musique et en fait chanter les notes. Un tempo très sûr, des notes très justes, des harmonies très pures bénéficient de sa magnifique sonorité. Avec le jeune Julien Loutelier à la batterie, c’est une solide section rythmique qui commente mélodiquement et rythmiquement la musique, la trempe dans le swing. Le trio reprend Someday my Prince will come, In my own Sweet Way, You and the Night and the Music, Con Alma, en donne des relectures harmoniques subtiles et surprenantes. - Autre note ajoutée le 14 avril: Philippe Etheldrède me fait également remarquer que Jim McNeely est venu en France en 1998 avec le Vanguard Jazz Orchestra.  


LUNDI 23 mars
La fête au Duc des Lombards qui célèbre ses 25 ans d’existence. Une soirée animée par Pierre Christophe et son trio – Raphaël Dever à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie. Invités par Jean-Michel Proust, de nombreux musiciens les remplacèrent sur scène au cours de  la soirée. En voici des images.

















Mourad Benhammou et Pierre Christophe entourent Jean-Michel Proust, le maître de cérémonie, et la charmante Perrine Silhol, chargée de la communication du Duc. Arrangeur, chef d’orchestre, pédagogue, Antoine Hervé est aussi un pianiste émérite. Avec Gilles Naturel à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie, ses excellents partenaires d’un soir, il transforme quelque standards en feux d'artifice et rend le temps inoubliable.















Yona et Valérie. Elles ne passent pas inaperçues. A droite Jean Becker. Nous avons parlé de ses films, de Tante Olga et de son caviar, de son père Jacques, cinéaste immense qui confia la musique de “Touchez pas au Grisbi“ à Jean Wiener, partition dont il ne reste que quelques mesures d’harmonica, du film “Le Trou“, un chef d'oeuvre dont il acheva le tournage sur les indications de son père trop souffrant. A sa droite, le sympathique Yves Lucas. Les fidèles lecteurs de Jazz Magazine ont en mémoire ses articles.
René Urtreger : le bop est son affaire, il le pratique avec brio au quotidien. Son merveilleux piano n’a aucun mal à rejoindre la guitare chaleureuse de Christian Escoudé. Ils ont enregistré ensemble un bien bel album en 1987, “Masters“, publié sous le nom de René et s’entendent toujours aussi bien.

Anne Ducros aime les jam-sessions, poser sa belle voix sur de la bonne musique. Elle ne dédaigne pas les prouesses techniques et chante toujours avec une grande justesse. On ne se lasse pas de l’écouter. Du swing plein les doigts, Pierre Christophe lui donne brillamment la réplique. A quoi pense Mourad Benhammou ? A la musique qu’il rythme avec talent ? A la chanteuse qu’il accompagne ? A “Perk’s  Snare“ son nouvel album ?















Anne Ducro
s toujours. Infatigable, elle reprend quelques standards avec Christian Escoudé et René Urtreger, complices d'un autre tour de manège jazzistique. Le saxophone ténor de Lenny Popkin sonne comme un alto et souffle de la tendresse. Ses notes, des caresses, ont la douceur du miel.













Manu Le Prince
chante avec bonheur le jazz et le Brésil. Sa voix chaude, sensuelle, a récemment célébré Cole Porter. Une prestation sans faute, avec Pierre Christophe magnifique au piano. Habitué du Duc, Riccardo Del Fra n’a pas voulu manquer la fête. Sa contrebasse chantante s’entend à merveille avec le piano de Jim McNeely. Grand batteur, Simon Goubert impressionne, rythme des harmonies subtiles trempées dans le be-bop.









Alexandre Saada étonne par l’étendue de ses connaissances harmoniques, la finesse de son jeu pianistique. Il aime le bop, mais aussi la pop musique, les chansons. Il y en a deux dans son nouvel album, un disque dans lequel son jazz se trempe dans mille couleurs et se fait électrique. Ce soir Alexandre accompagne, joue un piano plus sage qui convainc tout autant. Olivier Temime offre les riches couleurs de son saxophone aux invités du club. Très occupé, Jean-Michel Proust n’a même pas le temps de souffler dans son saxophone. Longue vie au Duc des Lombards et bon anniversaire.

Photos © Pierre de Chocqueuse, sauf celles de la pièce "Vers toi terre promise" © Brigitte Engueran
  

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