13 juillet 2009
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VENDREDI 3 juillet
Fidèle au Duc des Lombards, René Urtreger retrouve le club parisien (après un concert remarqué en avril, et un autre, mémorable, en décembre 2008) pour fêter son anniversaire – il est né le 6 juillet 1934 – et enregistrer un nouvel album sous la direction artistique de la pétillante Jeanne de Mirbeck, sa sœur, qui produisit la plupart de ses disques. On ne change pas une équipe qui gagne et c’est avec la plupart des membres de son quintette habituel que le pianiste va jouer son meilleur piano. Convive inattendu, Mauro Gargano fait bien davantage qu’assurer à la contrebasse. Il en joue avec une vélocité phénoménale, sa virtuosité se faisant entendre dès le premier thème abordé, une version jubilatoire de Didi’s Bounce dans lequel il prend un chorus acrobatique. Avec une section rythmique qui fonctionne (Mauro s’entend fort bien avec l’irremplaçable Eric Dervieu, batteur au tempo aussi solide que subtil), les solistes peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. Abordé en trio, If I Were a Bell généra ainsi un chorus de piano éblouissant car, en forme – ce qui est souvent le cas – René joue aujourd’hui mieux que jamais. Nicolas Folmer se surpassa dans Un Poco Loco et prit un très joli chorus dans Thème pour un ami, morceau écrit pour Raymond Le Sénéchal la nuit même de sa mort, chef d’orchestre, arrangeur, compositeur et grand ami de René. Au saxophone et à la flûte dont il est l’un de nos meilleurs spécialistes, le fidèle Hervé Meschinet apporte des couleurs superbes à ce jazz moderne bien trempé dans le bop. Flûte et trompette exposent à l’unisson Valsajane, une ballade pleine de tendresse portée haut par René et Nicolas, un thème pour Jeanne, instigatrice d’une soirée choc que je remercie ici.
MARDI 7 juillet
Mike Stern au Duc : l’air se charge d’invisibles particules électriques, se gonfle d’énergie. Une guitare basse vrombissante et une batterie explosive accompagnent une guitare brûlante qui sait entretenir une tension permanente. Blues, rock, bop, le jeu de Stern mêle plusieurs genres musicaux dans des chorus de feu dont il garde toujours le contrôle. Pour suivre et se faire entendre, Bob Franceschini s’époumone au saxophone, tord le cou à ses notes, son jeu agressif pouvant être sensuel lors de rares accalmies. Le groupe reprend quelques vieux morceaux. Porté par des chorus fiévreux, Avenue B (un extrait de “These Times“), une ballade teintée de reggae, évolue crescendo. Guitare et saxophone font monter la pression, la musique acquérant une puissance exceptionnelle. Confiée à Tom Kennedy, la basse électrique souvent virtuose s’offre d’importantes séquences mélodiques. Quant au batteur Dave Weckl, sa frappe puissante et lourde ne l’empêche nullement d’être mobile et d’une efficacité redoutable. Ce ne sont pas les thèmes pour la plupart construits sur des riffs qui séduisent ici, mais leur traitement sonore et les improvisations expansibles qu’ils génèrent. Mike Stern ne se perd jamais dans ses longs chorus hantés par le blues. Il joue sans cesse avec le timbre de sa guitare, lui donne des couleurs variées et son langage harmonique nous tient constamment en haleine.
MERCREDI 8 juillet
Le Duc des Lombards accueille ce mois-ci des musiciens importants dans le cadre de son Jazz Legends Festival. Fred Hersch est l’un d’entre eux. Occupé par son activité d’enseignant et ses nombreux projets discographiques – il compose abondamment et enregistre plusieurs albums par an - , le pianiste ne vient pas souvent à Paris. Séropositif depuis 1986, il se bat contre une terrible maladie et met les bouchées doubles pour mener à bien ses activités musicales, sa grande sensibilité s’exprimant dans un piano à l’approche harmonique subtile et raffinée. Ses doigts légers cisèlent des improvisations intimistes construites avec un grand souci de la forme. Très mobile, la main droite joue de petites notes perlées qu’elle caresse avec douceur, esquisse des improvisations impressionnistes dans lesquelles Claude Debussy, Maurice Ravel, Gabriel Fauré sont parfois convoqués. Avec lui, deux musiciens exceptionnels que l’on souhaiterait écouter plus souvent. A la contrebasse, John Hébert, un familier du pianiste Russ Lossing, improvise constamment de savantes lignes mélodiques et instaure une conversation permanente avec le soliste. Avec Nasheet Waits, la batterie colore et tisse une toile rythmique souple et légère qui profite à la musique. Fred Hersch peaufine à l’extrême les standards qu’il reprend. The Wind de Russ Freeman, Moon and Sand d’Alec Wilder, When Your Lover Has Gone de Einar Aaron Swan, Boo Boo’s Birthday de Thelonious Monk, héritent d’une nouvelle approche harmonique, de variations inattendues. Mais Fred Hersch est aussi un compositeur très prolixe qui aime dédier ses thèmes à ses amis musiciens. Dans Sad Poet, écrit pour Antonio Carlos Jobim, il emploie les notes les plus aigues du clavier et, avec la contrebasse, installe un ostinato qui profite à la batterie. Nasheet Waits est également très présent dans The Phantom of the Bopera, une ancienne composition de Hersch écrite pour Joe Henderson dont il fut le pianiste. Whirl, une pièce exquise et lumineuse dédiée à Suzanne Farrell, la muse de George Balanchine et le rappel, un court morceau en solo, véritable moment de grâce, demandent une totale disponibilité d’écoute pour en goûter toute la poésie. Photos © Pierre de Chocqueuse
Fidèle au Duc des Lombards, René Urtreger retrouve le club parisien (après un concert remarqué en avril, et un autre, mémorable, en décembre 2008) pour fêter son anniversaire – il est né le 6 juillet 1934 – et enregistrer un nouvel album sous la direction artistique de la pétillante Jeanne de Mirbeck, sa sœur, qui produisit la plupart de ses disques. On ne change pas une équipe qui gagne et c’est avec la plupart des membres de son quintette habituel que le pianiste va jouer son meilleur piano. Convive inattendu, Mauro Gargano fait bien davantage qu’assurer à la contrebasse. Il en joue avec une vélocité phénoménale, sa virtuosité se faisant entendre dès le premier thème abordé, une version jubilatoire de Didi’s Bounce dans lequel il prend un chorus acrobatique. Avec une section rythmique qui fonctionne (Mauro s’entend fort bien avec l’irremplaçable Eric Dervieu, batteur au tempo aussi solide que subtil), les solistes peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. Abordé en trio, If I Were a Bell généra ainsi un chorus de piano éblouissant car, en forme – ce qui est souvent le cas – René joue aujourd’hui mieux que jamais. Nicolas Folmer se surpassa dans Un Poco Loco et prit un très joli chorus dans Thème pour un ami, morceau écrit pour Raymond Le Sénéchal la nuit même de sa mort, chef d’orchestre, arrangeur, compositeur et grand ami de René. Au saxophone et à la flûte dont il est l’un de nos meilleurs spécialistes, le fidèle Hervé Meschinet apporte des couleurs superbes à ce jazz moderne bien trempé dans le bop. Flûte et trompette exposent à l’unisson Valsajane, une ballade pleine de tendresse portée haut par René et Nicolas, un thème pour Jeanne, instigatrice d’une soirée choc que je remercie ici.
MARDI 7 juillet
Mike Stern au Duc : l’air se charge d’invisibles particules électriques, se gonfle d’énergie. Une guitare basse vrombissante et une batterie explosive accompagnent une guitare brûlante qui sait entretenir une tension permanente. Blues, rock, bop, le jeu de Stern mêle plusieurs genres musicaux dans des chorus de feu dont il garde toujours le contrôle. Pour suivre et se faire entendre, Bob Franceschini s’époumone au saxophone, tord le cou à ses notes, son jeu agressif pouvant être sensuel lors de rares accalmies. Le groupe reprend quelques vieux morceaux. Porté par des chorus fiévreux, Avenue B (un extrait de “These Times“), une ballade teintée de reggae, évolue crescendo. Guitare et saxophone font monter la pression, la musique acquérant une puissance exceptionnelle. Confiée à Tom Kennedy, la basse électrique souvent virtuose s’offre d’importantes séquences mélodiques. Quant au batteur Dave Weckl, sa frappe puissante et lourde ne l’empêche nullement d’être mobile et d’une efficacité redoutable. Ce ne sont pas les thèmes pour la plupart construits sur des riffs qui séduisent ici, mais leur traitement sonore et les improvisations expansibles qu’ils génèrent. Mike Stern ne se perd jamais dans ses longs chorus hantés par le blues. Il joue sans cesse avec le timbre de sa guitare, lui donne des couleurs variées et son langage harmonique nous tient constamment en haleine.
MERCREDI 8 juillet
Le Duc des Lombards accueille ce mois-ci des musiciens importants dans le cadre de son Jazz Legends Festival. Fred Hersch est l’un d’entre eux. Occupé par son activité d’enseignant et ses nombreux projets discographiques – il compose abondamment et enregistre plusieurs albums par an - , le pianiste ne vient pas souvent à Paris. Séropositif depuis 1986, il se bat contre une terrible maladie et met les bouchées doubles pour mener à bien ses activités musicales, sa grande sensibilité s’exprimant dans un piano à l’approche harmonique subtile et raffinée. Ses doigts légers cisèlent des improvisations intimistes construites avec un grand souci de la forme. Très mobile, la main droite joue de petites notes perlées qu’elle caresse avec douceur, esquisse des improvisations impressionnistes dans lesquelles Claude Debussy, Maurice Ravel, Gabriel Fauré sont parfois convoqués. Avec lui, deux musiciens exceptionnels que l’on souhaiterait écouter plus souvent. A la contrebasse, John Hébert, un familier du pianiste Russ Lossing, improvise constamment de savantes lignes mélodiques et instaure une conversation permanente avec le soliste. Avec Nasheet Waits, la batterie colore et tisse une toile rythmique souple et légère qui profite à la musique. Fred Hersch peaufine à l’extrême les standards qu’il reprend. The Wind de Russ Freeman, Moon and Sand d’Alec Wilder, When Your Lover Has Gone de Einar Aaron Swan, Boo Boo’s Birthday de Thelonious Monk, héritent d’une nouvelle approche harmonique, de variations inattendues. Mais Fred Hersch est aussi un compositeur très prolixe qui aime dédier ses thèmes à ses amis musiciens. Dans Sad Poet, écrit pour Antonio Carlos Jobim, il emploie les notes les plus aigues du clavier et, avec la contrebasse, installe un ostinato qui profite à la batterie. Nasheet Waits est également très présent dans The Phantom of the Bopera, une ancienne composition de Hersch écrite pour Joe Henderson dont il fut le pianiste. Whirl, une pièce exquise et lumineuse dédiée à Suzanne Farrell, la muse de George Balanchine et le rappel, un court morceau en solo, véritable moment de grâce, demandent une totale disponibilité d’écoute pour en goûter toute la poésie. Photos © Pierre de Chocqueuse