24 juillet 2009
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LUNDI 20 juillet
“Live at Belleville“, l’album ECM le plus récent d’Arild Andersen, reste la grande surprise de l’an dernier. La presse fut unanime à saluer le premier disque d’un trio exceptionnel et le contrebassiste se vit remettre en janvier par l’Académie du Jazz, à Paris, dans le Grand Foyer du Théâtre du Châtelet, le Prix du Musicien Européen 2008. Le trio n’est pourtant guère programmé dans les festivals de l’été. On lui préfère des grandes stars dont on paye à prix d’or les médiocres prestations. Directeurs du festival Les Arènes du Jazz, Emmanuel Dechartre et Jean-François Foucault sont les seuls en France à avoir offert une date au trio. Dans un lieu un peu magique, les arènes de la butte Montmartre, un jardin suspendu au pied du Sacré-Coeur. Le temps s’y est arrêté quatre-vingt-dix minutes lundi dernier, à l’écoute d’une musique intense accordant une large place à la beauté. Le trio commença par la pièce maîtresse de son disque, Independency, une longue suite en quatre parties écrite en 2005 pour fêter le centième anniversaire de l’indépendance de la Norvège. Une composition introduite par une contrebasse saupoudrée d’effets électroniques, Arild Andersen ne dédaignant pas mettre une séquence mélodique ou rythmique en boucle afin de renforcer l’aspect onirique de sa musique. Tommy Smith s’empare alors du thème et souffle des notes brûlantes pour embraser le ciel. Son saxophone ténor grogne, éructe avec puissance. Apaisé, il devient tendre et lyrique, rejoint par une contrebasse mélodique maniée par des doigts agiles. Chaque corde sonne comme le grondement de la montagne et sert des mélodies issues du folklore scandinave. Car si le vocabulaire harmonique est celui du jazz, Arild Andersen le mêle à sa propre culture. Il reprend Prelude to a Kiss de Duke Ellington, Outhouse est construit sur les structures du bop, mais les paysages qu’il évoque sont ceux des aurores boréales, des jours qui ne veulent pas mourir. Le saxophone de Tommy Smith est la corne de brume des grands pays vikings. Né en Italie, mais vivant en Norvège depuis trente ans, Paolo Vinaccia ressemble à l’un d’eux. Il joue de la batterie comme un percussionniste et peut tout aussi bien caresser les peaux de ses tambours que les marteler vigoureusement. Sa complicité avec le contrebassiste est manifeste sur tempo rapide. Tommy Smith peut ainsi nous plonger à loisir dans un jeu fiévreux et énergique. Jouée en rappel, Dreamhorse, une ritournelle chantante et pleine de charme, la dernière pièce de l’album, donna lieu à une suite d’échanges splendides entre le ténor et la contrebasse, les deux instruments rivalisant de lyrisme sous l’arbitrage d’un batteur attentif au chant de ses rythmes. Photos © Pierre de Chocqueuse
“Live at Belleville“, l’album ECM le plus récent d’Arild Andersen, reste la grande surprise de l’an dernier. La presse fut unanime à saluer le premier disque d’un trio exceptionnel et le contrebassiste se vit remettre en janvier par l’Académie du Jazz, à Paris, dans le Grand Foyer du Théâtre du Châtelet, le Prix du Musicien Européen 2008. Le trio n’est pourtant guère programmé dans les festivals de l’été. On lui préfère des grandes stars dont on paye à prix d’or les médiocres prestations. Directeurs du festival Les Arènes du Jazz, Emmanuel Dechartre et Jean-François Foucault sont les seuls en France à avoir offert une date au trio. Dans un lieu un peu magique, les arènes de la butte Montmartre, un jardin suspendu au pied du Sacré-Coeur. Le temps s’y est arrêté quatre-vingt-dix minutes lundi dernier, à l’écoute d’une musique intense accordant une large place à la beauté. Le trio commença par la pièce maîtresse de son disque, Independency, une longue suite en quatre parties écrite en 2005 pour fêter le centième anniversaire de l’indépendance de la Norvège. Une composition introduite par une contrebasse saupoudrée d’effets électroniques, Arild Andersen ne dédaignant pas mettre une séquence mélodique ou rythmique en boucle afin de renforcer l’aspect onirique de sa musique. Tommy Smith s’empare alors du thème et souffle des notes brûlantes pour embraser le ciel. Son saxophone ténor grogne, éructe avec puissance. Apaisé, il devient tendre et lyrique, rejoint par une contrebasse mélodique maniée par des doigts agiles. Chaque corde sonne comme le grondement de la montagne et sert des mélodies issues du folklore scandinave. Car si le vocabulaire harmonique est celui du jazz, Arild Andersen le mêle à sa propre culture. Il reprend Prelude to a Kiss de Duke Ellington, Outhouse est construit sur les structures du bop, mais les paysages qu’il évoque sont ceux des aurores boréales, des jours qui ne veulent pas mourir. Le saxophone de Tommy Smith est la corne de brume des grands pays vikings. Né en Italie, mais vivant en Norvège depuis trente ans, Paolo Vinaccia ressemble à l’un d’eux. Il joue de la batterie comme un percussionniste et peut tout aussi bien caresser les peaux de ses tambours que les marteler vigoureusement. Sa complicité avec le contrebassiste est manifeste sur tempo rapide. Tommy Smith peut ainsi nous plonger à loisir dans un jeu fiévreux et énergique. Jouée en rappel, Dreamhorse, une ritournelle chantante et pleine de charme, la dernière pièce de l’album, donna lieu à une suite d’échanges splendides entre le ténor et la contrebasse, les deux instruments rivalisant de lyrisme sous l’arbitrage d’un batteur attentif au chant de ses rythmes. Photos © Pierre de Chocqueuse