LUNDI 15 mars
En tournée en Europe, Le SF Jazz Collective n’a pas oublié Paris, le groupe profitant de son passage au New Morning pour y enregistrer son prochain disque. Des caméras filmaient discrètement le concert, la scène du club bénéficiant d’un éclairage renforcé. Si les amateurs de jazz s’étaient déplacés nombreux, on connaît assez mal ce groupe dont la plupart des albums ne sont disponibles que sur le net (les musiciens avaient avec eux quelques exemplaires de leur précédent album consacré à la musique de McCoy Tyner. Ils furent tous vendus en quelques minutes). Fondé en 2004, Le SF Jazz Collective rassemble chaque année pour des concerts huit musiciens de jazz autour du répertoire d’un musicien célèbre. Après Ornette Coleman, John Coltrane, Herbie Hancock, Thelonious Monk, Wayne Shorter et McCoy Tyner, la musique d’Horace Silver est cette année à l’honneur. Chaque membre du groupe arrange un thème et apporte une composition nouvelle, une commande du SF Jazz, organisation à but non lucratif financée par diverses fondations (National Endowment for the Arts, Aaron Copland Fund for Music, The Phyllis C. Wattis Foundation). Après Joshua Redman et Joe Lovano, Mark Turner officie au ténor. Le trompettiste Avishai Cohen remplace Dave Douglas (et avant lui Nicholas Payton). Les autres membres de la formation sont Miguel Zenón au saxophone alto, Robin Eubanks au trombone, Edward Simon au piano, Stefon Harris au vibraphone, Matt Penman à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Un all-stars qu’animent plus particulièrement Avishai Cohen et Miguel Zenón. Loquace et chaleureux, le jeu d’alto de ce dernier est à l’opposé de celui de Mark Turner au ténor. Zenón bavard, joue à foison des notes brûlantes. Turner étend longuement les siennes, exprime un langage plus secret et intérieur qu’exubérant. Arrangée pour les vents, son adaptation chorale de Peace traduit une pensée délicate, une sensibilité qui s’exprime par de longues phrases mélancoliques jouées dans l’aigu de l’instrument, l’apparente froideur de son timbre dissimulant un grand lyrisme. Arrangé par Eric Harland, Señor Blues bénéficie d’une approche rythmique souple et inventive. La contrebasse mobile et mélodique de Matt Penman donne des ailes au batteur dont la polyrythmie très personnelle apporte beaucoup à la modernisation d’une musique reposant sur le socle de la tradition. Retravaillés, Lonely Woman, Cape Verdean Blues, Sister Sadie héritent ainsi de nouveaux rythmes. Tout comme Song For My Father, l’un des morceaux les plus célèbres de Silver. Arrangé par Edward Simon, il bénéficie d’un arrangement très différent de l’original. Né au Venezuela, installé à New York depuis 1989 et auteur d’un excellent disque en trio sur CamJazz (“Unicity“ en 2006), Simon trouve un complice en la personne de Stefon Harris. Vibraphone et piano mêlent délicatement leurs sonorités, installent des tapis de notes qui profitent aux solistes. Robin Eubanks ajoute souvent son trombone aux unissons des saxophones et improvise avec expressivité, la musique s’enrichissant de glissandos, de judicieux effets de growl. Avishai Cohen éblouit par ses chorus acrobatiques, tant dans une version très enlevée de Sister Sadie que dans sa Suite for Horace Silver concluant le premier set d’un concert épatant.
Photos © Pierre de
Chocqueuse