Ce nouvel album solo de Bill Carrothers, une séance de juin 2009, est presque aussi attachant qu“Excelsior”, enregistré seize mois plus tard dans le même studio (La Buissonne) et chroniqué par mes soins dans Jazz Magazine / Jazzman (Choc) en mai 2011. Un disque dans lequel le pianiste se penche sur son passé, fait appel à sa mémoire, se souvient de la petite ville du Minnesota naguère célèbre pour son parc d’attraction dans laquelle il passa sa jeunesse. Improvisée en studio, sa musique nostalgique émeut profondément. Tout aussi sensible, celle de “Family Life” baigne dans une autre lumière. Aux couleurs automnales d’“Excelsior” se substitue le blanc qui encadre les nombreuses photos de famille qui ornent sa pochette. Comme son nom l’indique, le disque est un portrait musical de Bill et de sa famille dans leur environnement actuel, une petite ville du Michigan recouverte l’hiver par un blanc manteau de neige. Lyrique, mais pudique et économe dans le choix de ses notes comme pour nous en livrer les plus précieuses, le pianiste décrit en musique sa maison (Our House) et ses occupants. Il se fait tendre avec Eddie et Ellie (Bud and Bunny), ses jeunes enfants. Le thème de Peg, sa femme, est introduit par la mélodie de Scarborough Fair, une chanson anglaise de la fin du Moyen Âge dont le thème lui est spontanément revenu en mémoire au cours de l’enregistrement. C’est la seule reprise de l’album. Avec Harbor Lights, composé en 1937 par Hugh Williams et Jimmy Kennedy et qui fut chanté par Bing Crosby, Elvis Presley et Connie Francis. Bill l’a intégré à son répertoire car près de sa maison, à l’intersection de la rivière Ontonagon et du Lac Supérieur, se dresse un phare que lui et sa femme affectionnent. Le nom indien du lac, Gitchee Gumee, est aussi le titre de la plage la plus longue du disque. Avec Peg, Snowbound et News from Home, c’est l’un des quatre morceaux écrits qu’il contient. Tout le reste est improvisé. Snowbound (bloqué par la neige), mais aussi On the Sled (sur la luge) font référence à la blancheur des mois d’hiver. D’une grande douceur, le thème du premier possède des harmonies majestueuses. Le second est un blues, une pièce vive et zigzagante dont le pianiste possède le secret. Elle se conclut par un clin d’œil à la vieille Amérique, Bill Carrothers puisant son inspiration dans les vieux hymnes profanes et religieux du pays qui est le sien. Forefathers (les aïeux) ressuscite ainsi les airs d’un autre temps, My Old Kentucky Home de Stephen Foster, le "père fondateur", et Battle Cry of Freedom. Il fait de même dans “Excelsior”, disque qui grâce à des thèmes et des harmonies inoubliables - Wild Rose Lane, Lake Minnetonka, Excelsior in a Dream - , conserve d’une courte tête ma préférence.