19 mars 2010
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Surprenant le nouveau
disque de Brad Mehldau, un mélange d’enthousiasme et de déception, ses bons moments, les plus nombreux, faisant passer les estouffades indigestes qui le parsèment, des pages symphoniques qui
alourdissent la musique au lieu de l’éclairer. Brad retrouve ici Jon Brion avec lequel il a travaillé sur “Largo“. S’il est difficile de savoir ce que l’auteur des musiques de “Magnolia“ et
de “Punch-Drunk Love“, deux films de P.T. Anderson, apporte exactement aux travaux du pianiste, on retrouve ici certaines recettes qui font le charme de “Largo“ : une production
soignée, un travail de studio qui met en valeur les mélodies de Brad, de vraies chansons dont on sifflote les mélodies et qui vous trottent dans la tête. “Highway Rider“ en contient de superbes,
chacune d’elles bénéficiant d’une instrumentation propre, de couleurs singulières. Utilisant deux batteurs (Jeff Ballard et Matt Chamberlain) et la contrebasse de Larry
Grenadier, Mehldau improvise relativement peu, décline longuement les airs qu’il façonne et laisse beaucoup de place à Joshua Redman, au ténor bien sûr, mais aussi au saxophone soprano,
instrument qui lui est moins habituel. Portés par des rythmes binaires, John Boy, Don’t Be Sad, Sky Turning Grey font penser à des morceaux des Beatles. Le
pianiste ajoute un orgue à pompe (pump organ) aux deux derniers, une touche sonore un peu vieillotte à sa musique. Portée par des claquements de mains, la petite mélodie entraînante de
Capriccio se double d’un beau chorus de soprano. Dans John Boy, les cuivres interviennent de manière fort judicieuse. Avec ses deux parties collées l’une à l’autre (le thème est
superbement décliné par des voix dans la seconde), The Falcon Will Fly Again est une grande réussite. Malheureusement Brad Mehldau a des velléités de compositeur classique, n’en
possède pas le métier, et les orchestrations redondantes de certains morceaux nous ramènent cent ans en arrière. Utilisées à bon escient et simplement, les cordes colorent joliment la ligne
mélodique de Don’t Be Sad, mais Now You Must Climb Alone suivi de Walking The Peak sonnent au mieux comme de passables illustrations sonores. Redman a beau se fendre d’un
superbe chorus de ténor et Brad multiplier les variations au piano, la masse orchestrale écrase les solistes. On nage en plein concerto néo-classique dans la première partie de Well’Cross the
River Together. La seconde passe mieux, les cordes frémissantes se joignant au ténor pour sauver le morceau du naufrage. Pages d’écriture académique, les deux dernières plages symphoniques du
second disque sont tout aussi boursouflées. Les deux derniers titres de chaque CD sont d’ailleurs ceux qui prêtent le plus à polémique, comme si Brad Mehldau, pas sûr de lui, nous autorisait à les zapper. Aussi inégal que diversifié, ce nouvel opus témoigne toutefois d’une véritable inspiration mélodique, denrée rare au sein d’un
jazz moderne qui sacrifie trop souvent la beauté à la technique.