DIMANCHE 21 février
Laurent de Wilde invite Elise Caron à rejoindre son trio. C’est au Sunside que se déroule cette rencontre qu’il m’est impossible de manquer. Avec Elise, l’hiver se fait moins rigoureux. On se réchauffe à l’écoute de sa voix. Et puis, jolie comme elle est, on ne la quitte pas des yeux. Je dis on, car ceux des courageux noctambules qui n’ont pas peur de sortir le dimanche soir sont tous fixés sur elle comme pour mieux l’éclairer. Laurent l’accompagne de son meilleur piano. Bruno Rousselet (contrebasse) et Laurent Robin (batterie) assurent le rythme. Elise donne des ailes à sa voix pour nous chanter des « oizos lésés » que l’on aime déjà très fort, de nouvelles chansons qui se mêlent à d’autres plus anciennes, toutes choisies pour mettre du baume au cœur et penser les blessures de la morte saison. Rien de tel qu’un reggae pour ensoleiller, faire monter de quelques degrés la température ambiante. Pastime Paradise de Stevie Wonder, un des thèmes splendides de “Songs in the Key of Life‘, en fait un tout à fait acceptable. La ligne mélodique est confiée à la contrebasse qui exécute des petits riffs. En phase avec la batterie syncopée, le piano marque le rythme, Laurent poussant la ressemblance jusqu’à répéter certaines notes, comme une chambre d’écho le fait dans ce genre de morceaux. Elise invente ses propres onomatopées. Sa voix monte en puissance, envoûte et magnétise. De son dernier disque “A Thin Sea of Flesh“, des poèmes de Dylan Thomas sur des musiques de Lucas Gillet, elle reprend And Death Shall Have No Dominion et I Have Longed to Move Away, morceaux retravaillés, repensés pour le jazz. I Want You (un extrait d’“Abbey Road“, faut-il le préciser ?) est pour elle plus difficile à chanter, mais Laurent joue un piano funky dans lequel le swing tend la main à l’humour, le riff de Sex Machine (James Brown) se mariant au rythme trouvé par le batteur. Pauvre Rutebeuf : Elise célèbre Léo Ferré dont les musiques sont aussi belles que les paroles de ses chansons. Le blues dans les doigts, Laurent de Wilde improvise, greffe de nouvelles harmonies sur un air inoubliable. Louise Labé ensuite, son dix-huitième sonnet, un poème tendre et érotique qu’Elise chante d’une voix douce et envoûtante. Le piano joue les accords du rêve, une mélodie attachante diffusant une chaleur palpable et ondulante dans laquelle il fait bon s’immerger. Attentif et silencieux, le public anesthésié, presque en état d’hypnose, en écoute les mots d’amour :
Baise m’encor, rebaise-moi et baise :
Donne m’en un de tes plus savoureux,
Donne m’en un de tes plus amoureux :
Je t’en rendrai quatre plus chauds que braise.
Une gomme invisible a effacé le temps. On quitte le Sunside le cœur chaud, des mélodies plein les oreilles, le sourire plein les prunelles. Merci Laurent, merci Elise.Photos © Pierre de Chocqueuse