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30 janvier 2011 7 30 /01 /janvier /2011 10:24

Ch.-Koechlin--Heures-Persanes--cover-b.jpgJe ne connaissais pas “Les Heures persanes”  de Charles Koechlin avant de trouver ces jours-ci sa version pour piano dans les bacs de soldes de la FNAC Montparnasse. Né à Paris le 27 novembre 1867, décédé au Canadel (Var), le 31 décembre 1950, Charles Koechlin (un parent de Philippe Koechlin qui fut rédacteur en chef de Jazz Hot et l’un des fondateurs de Rock & Folk) reste un musicien largement méconnu malgré une œuvre aussi diversifiée qu‘abondante (226 opus répertoriés). Une infime partie d’entre-elle existait sur disque avant que le label Hänssler Classic n’entreprenne de l’éditer – neuf CD sont actuellement au catalogue de la firme allemande. Achevées en 1919, “Les Heures persanes” furent orchestrées deux ans plus tard par le compositeur. Cette version pour piano n’est pas pour autant inachevée ou incomplète, comme c’est parfois le cas de certaines réductions. Bénéficiant de magnifiques couleurs orchestrales, elle conserve même une modernité tout à fait surprenante. Jean-Paul, Philippe “Machin Chose” Etheldrède et quelques grincheux vont sans doute râler, voire protester lorsqu’il découvriront cette chronique. Accordé, ce n’est pas du jazz, et pourtant on y entend Bill Evans et Thelonious Monk, on y découvre un langage harmonique riche et fascinant qui est celui du jazz moderne et que Koechlin utilise des années avant eux. Grand voyageur, ce dernier ne mit jamais les pieds en Perse. L’écriture des “Heures persanes” lui fut inspirée par ses lectures des Mille et une Nuits, des Nouvelles Asiatiques de Gobineau et le journal de voyage de Pierre Loti. Ne pensez pas entendre une musique orientale. “Les Heures persanes” de Koechlin n’ont rien de persan. En raison d’une différence de systèmes tonals, ce dernier a évité toute transcription, n’a rien emprunté à la musique arabe traditionnelle. Il a de même écarté les équivalences modales préférant imaginer une écriture très libre, conduire l’auditeur dans des paysages harmoniques inexplorés le plaçant à l’avant-garde des compositeurs de son temps. L’œuvre fut pourtant tardivement imprimée. Son premier enregistrement par Herbert Henck date de 1987. On en dit grand bien. Ne l’ayant point écouté, je ne saurais le comparer à cette présente version confiée au pianiste Michael Korstick et enregistrée en 2008. Un enchantement ! D’une durée de 66 minutes, ce cycle de seize pièces (un peu plus de 8 minutes pour la plus longue ; moins de 2 minutes pour la plus courte) séduit par la richesse de ses harmonies enivrantes. Pour en agrandir le spectre, Koechlin combine souvent plusieurs tonalités éloignées, élargit jusqu’à l’atonalité une harmonie fréquemment polytonale. Il introduit des accords de neuvièmes parallèles, des notes pédales et des accords de pédales notamment dans La Caravane (rêve pendant la sieste), long morceau particulièrement envoûtant au sein duquel, portée par un ostinato de basse, une ligne mélodique construite autour de mystérieuses et impalpables arabesques sonores voit le jour. L’ostinato est également employé dans La paix du soir, au cimetière et la répétition obsédante du mi confère une grande majesté au morceau. Koechlin aime les passages infiniment lents dans lesquels les nuances et les couleurs importent davantage que les barres de mesure. Cette musique ouverte dont les dissonances et les notes en suspens contribuent à l’étrangeté, on la retrouve dans le piano de Paul Bley, Keith Jarrett, Brad Mehldau et dans celui de nombreux jazzmen contemporains – les noms de Marc Copland et Richie Beirach me viennent également à l’esprit, mais il y en a beaucoup d’autres. Des années plus tôt, Charles Koechlin, créait un univers sonore complètement neuf qu’il importe de découvrir.

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