Enregistré en public en avril 2007, “Rabo de Nube” , le précédant disque de Charles Lloyd, reflète imparfaitement la valeur des musiciens qui l’entourent. Depuis peu avec le saxophoniste, Jason Moran, Reuben Rogers et Eric Harland connaissent encore mal sa musique. Bien différent est “Mirror”, un album studio dans lequel ils développent un solide jeu collectif et interactif. Lloyd joue souvent les mêmes morceaux dans des versions toujours différentes et les enregistre plusieurs fois. Il reprend ici des thèmes qui nous sont familiers pour les relire différemment. Go Down Moses, The Water is Wide et Lift Every Voice bénéficient de nouveaux arrangements, se parent d’habits neufs qui les rendent aussi attractifs que s’ils venaient de naître. Discret, faisant souvent taire son piano, Jason Moran guette les bons moments pour ajouter des couleurs harmoniques, jouer une pédale, répondre au saxophone ou enrichir la musique de notes inattendues. Une paire rythmique d’une souplesse exceptionnelle assure un subtil contrepoint rythmique aux vagabondages poétiques des solistes. Dans Caroline, No un des plus beaux morceaux de “Pet Sound” (des Beach Boys), Lloyd enroule tendrement ses notes autour de la mélodie réharmonisée. Avec l’âge, ses chorus moins longs semblent flotter dans l’espace comme si de grandes ailes les portaient vers l’azur. Il peine un peu à trouver sa sonorité, ce vibrato très ample auquel il nous a habitué. Il ne joue pas toujours très juste dans La Llorona ou dans la version très dépouillée de I Fall in Love Too Easily, mais son immense feeling n’a jamais été aussi perceptible que dans cet album. Son chant apaisé est une bouffée d’air frais, le souffle d’une respiration intérieure et mystique. Dans Tagi, un raga d ‘une dizaine de minutes, il nous invite à trouver le bonheur dans la paix et nous fait partager la douceur d’une méditation modale qui ressemble à un rêve.