Pas vraiment un rattrapage, pas davantage des oublis, mais des disques de 2012 dont je n’ai pas eu le temps de parler. Les fêtes approchent et avec elles des cadeaux à faire. Puissent ces dix courtes chroniques (en 2 livraisons, la seconde très prochainement) mériter votre attention.
Cristina ZAVALLONI & RADAR Band :
“La Donna di Cristallo” (Egea / Orkhêstra)
Les invités à la remise des prix 2011 de l’Académie du Jazz ont découvert sa voix lors d’un duo improvisé avec le saxophoniste Francesco Bearzatti, une voix puissante à la large tessiture, agile dans les aigus et capable de brusques sauts d’octaves. La chanteuse italienne a d’autres talents. Capable de chanter dans plusieurs langues, elle se révèle particulièrement inspirée dans ses propres compositions, des morceaux arrangés avec soin par Cristiano Arcelli le saxophoniste de son groupe. Car avec le Radar Band, Cristina Zavalloni possède huit musiciens qui apportent beaucoup à ses musiques, leur ajoutent des couleurs, trouvent d’heureuses combinaisons de timbres pour mettre son chant en valeur. La qualité des chorus (de trombone, de trompette) est aussi un atout pour sa musique espiègle et créative qui flirte parfois avec l’opéra, avec Kurt Weill et Nino Rota comme le fait remarquer Thierry Quénum dans le numéro de décembre de Jazz Magazine.
Jean-Marc FOLTZ / Stephan OLIVA :
“Visions Fugitives” (Vision Fugitive / H.M.)
Difficile de ne pas admirer la complicité unissant le clarinettiste Jean-Marc Foltz au pianiste Stephan Oliva, de ne pas succomber à leur répertoire ouvert sur le jazz (Naïma, Lonnie’s Lament), le classique et l’improvisation. Les deux hommes se sont rencontrés à Strasbourg lorsqu’ils étaient tous les deux enseignants. Depuis, ils ont enregistré plusieurs disques ensemble dont le superbe “Pandore” pour le label Sans Bruit disponible uniquement en téléchargement. Leurs “Visions fugitives” (titre emprunté à un opus de Prokofiev) recèlent bien des merveilles. On se laisse envoûter par le souffle chaud des clarinettes (basse et si bémol), par les accords inspirés d’un piano aux basses puissantes, par la sombre beauté mélodique des compositions qui brillent d’une lumière de petit matin. Elle jaillit du clair obscur dans la Romanza, deuxième mouvement de la Sonate pour clarinette et piano de Francis Poulenc. L’œuvre fut crée le 10 avril 1963 après la mort du compositeur au Carnegie Hall de New-York par Benny Goodman et Leonard Bernstein.
Baptiste HERBIN : “Brother Stoon”
(Just Looking Productions / H. Mundi)
Âgé de 25 ans, Baptiste Herbin étonne par la puissance de feu jubilatoire de ses saxophones (alto et soprano) et la maturité de son écriture. “Brother Stoon”, son premier album témoigne de son savoir faire. Qu’il fasse allégeance au bop interprété à grande vitesse (Entomology, Chute libre, Cochise), danse des rythmes chaloupés des îles du Sud (Kitano-Ko, We Remember Rakotozafy) ou qu’il plonge ses notes dans le blues (Faits d’hiver, Blues for Jean pour et avec Jean Toussaint au saxophone ténor) Baptiste, très à l’aise, navigue entre les genres. Ses ballades apaisent et enchantent. Brother Stoon qui donne son nom à l’album relève du funk, Baptiste privilégiant l’héritage afro-américain, le rythme, le swing à la torture cérébro-spinale. Impérial, André Ceccarelli officie à la batterie. Au piano et très en doigts, Pierre de Bethmann nourrit la musique d’harmonies judicieuses. À la contrebasse, Sylvain Romano éblouit dans Une île, composition de Jacques Brel et seule reprise d’un disque très réussi.
Dave KING : “I’ve Been Ringing You”
(Sunnyside / Naïve)
Impossible de reconnaître le batteur sur-boosté de The Bad Plus dans ce disque intimiste enregistré en trio. Utilisant ses balais et sa charleston, jouant sur le timbre de sa caisse claire pour en tirer des couleurs, Dave King apparaît ici comme un émule de Paul Motian, un peintre qui suggère davantage le tempo qu’il ne le marque. La contrebasse de Billy Peterson assure souvent un rôle de bourdon, ou tient des ostinatos très relâchés, la musique circulant en toute liberté dans un espace sonore toujours respirable. Cet oxygène, on le doit aussi à Bill Carrothers qui joue moins de notes que d’habitude, pratique un jeu économe, presque minimaliste dans les relectures des standards qui nous sont ici proposés, des thèmes dont les trois hommes nous offrent des versions neuves et oniriques qui fascinent un peu plus à chaque écoute.
Bobo STENSON Trio : “Indicum”
(ECM / Universal)
Son dernier disque ECM date de 2008. Bobo Stenson garde le même trio pour un disque plus introspectif, à l'esthétique davantage européenne. L’influence de la musique classique prend ainsi le pas sur le blues, l’apport afro-américain se voyant ici minimisé au bénéfice d’une autre tradition folklorique. Le résultat est superbe, car nous sommes en présence de trois grands musiciens dont le premier souci reste la mélodie, point d’appui à des jeux de miroirs harmoniques, à un savant coloriage d’une riche palette sonore. Souvent à l’archet, Anders Jormin utilise toutes les ressources que lui offre sa contrebasse. Caressant les peaux de ses tambours, Jon Fält se révèle un coloriste inspiré. Quant au pianiste, il met ses harmonies surnaturelles au service d’un répertoire éclectique comprenant aussi bien une page de Carl Nielsen, un traditionnel norvégien qu’un extrait de la “Navidad Nuestra” du compositeur argentin Ariel Ramirez (Alouette popularisé par Gilles Dreu).
Cristina Zavalloni & Radar Band
: Photo X/DR