Disque de jazz afro-cubain aux arrangements diversifiés et soignés, “Chucho’s Steps“ est plus proche de “New Conceptions“, un enregistrement Blue Note de 2002 dont les morceaux sont confiés à un quartette auquel s’ajoutent quelques invités, que des autres albums latins de Chucho Valdés. Plus nombreux, les musiciens de ce nouveau disque s’expriment dans des formations à géométrie variable. S’ils ne sont que quatre dans New Orleans, une pièce dédiée à la famille Marsalis qui s’achève comme elle se doit par une improvisation collective, Yansá s’organise autour d’un nonette, fait entendre un chœur et des tambours batás. Les autres morceaux ont presque tous été écrits pour un sextette qui affiche une belle énergie. Trompette et saxophone mêlent leurs voix pour introduire le thème acrobatique de Las dos Caras qui ouvre l’album. Au long et éblouissant chorus de Chucho succède un autre rythme, celui d’une guaguancó, une rumba lente propre aux provinces de La Havane et de Matanzas. Danzón qui met en valeur le saxophone ténor très chantant de Carlos Miyares Hernández donne pareillement l’impression de contenir deux morceaux. Là encore, le rythme change, se transforme progressivement en cha-cha-cha pour accompagner le piano virtuose de Valdés, la technique éblouissante de ce dernier confinant au vertige. On l’aura compris, cet album s’articule autour du rythme. Les métriques inhabituelles et irrégulières y abondent. Le pianiste ne révolutionne pas la musique afro-cubaine, mais apporte une grande fluidité rythmique à ses compositions sophistiquées et souvent complexes. Démarquage habile du Birdland de Joe Zawinul, Zawinul’s Mambo nécessite une parfaite interaction de tous les musiciens. De même queBegin to Bee Good, réunion inattendue de Begin the Beguine de Cole Porter et Lady Bee Good de George Gershwin. Si Julian, un morceau lyrique et proche du blues (il porte le nom du plus jeune fils de Chucho), possède une structure harmonique assez simple, Chucho’s Steps, réponse ambitieuse du pianiste au Giant Steps de John Coltrane demande une réelle maîtrise technique. Difficile à mettre en place, elle offre de nombreuses opportunités aux solistes (je n’ai pas encore cité l’excellent Reynaldo Melián Alvarez à la trompette), et permet aux tambours (tumbadoras et pailas précise Leonardo Acosta, l’auteur des passionnantes notes de pochette) de longuement s’exprimer.