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28 novembre 2009 6 28 /11 /novembre /2009 16:17

On ne présente plus Lee Konitz. Agé de 82 ans, l’altiste fut de bien des aventures. Représentant de l’esthétique cool, il s’est mêlé aux courants d’avant-garde sans jamais sacrifier la suavité de ses lignes mélodiques. Plus transparente que jamais, sa sonorité s’entend aujourd’hui comme vibration. Fragile, elle ne semble pas avoir plus de consistance que l’air qui la rend perceptible, mais dans ce souffle que réduit le poids des ans passe une émotion intense. Né à Paris de parents américains, Dan (Daniel) Tepfer se fit remarquer en 2002 en terminant semi finaliste du Concours International de Piano Jazz Martial Solal. Il compléta ses études jazzistiques au New England Conservatory de Boston sous la direction du pianiste Danilo Pérez. Installé à New York en 2005, il remportait un an plus tard le Montreux Jazz Festival Solo Piano Competition, récompense suivie par d’autres prix aussi prestigieux. Daniel Tepfer reste pourtant scandaleusement méconnu. Souffrant d’une diffusion confidentielle, ses albums en trio et en solo restent introuvables chez les disquaires. “Duos with Lee“ paraît heureusement sur le label Sunnyside qui, en France, bénéficie via Naïve d’une vraie distribution. Konitz et Tepfer se sont rencontrés grâce à Martial Solal. Les deux musiciens s’entendent si bien (au propre comme au figuré) qu’ils nous offrent aujourd’hui ce disque, témoignage ludique de leur complicité. Il réunit dix courtes pièces, entièrement improvisées en studio. Baptisées Elande et numérotées de 1 à 10, elles présentent toutes des tonalités différentes. S’y ajoutent un vieux standard des années 20, une composition de Dan placé au centre de l’album et un morceau en piano solo. Lee est quasiment le seul soliste de ces dix improvisations. Dans la première, Dan joue un ostinato, fournit un rythme sur lequel le saxophoniste invente et développe une ligne mélodique vagabonde et poétique. La prise de son fait entendre les petits clics que font les clés de son instrument. On réalise que tout en lui laissant la plus grande liberté, Dan Tepfer guide les pas de son aîné et compense sa justesse approximative, sa sonorité fragile par un jeu de piano particulièrement réactif. Attentif, il embellit la ligne mélodique, sert au mieux le tendre saxophone de Lee. Le blues s’invite dans Elande n°2 et après un début hésitant, le chant aérien du saxophone répond aux notes graves du clavier. Plus lent, Elande n°3 possède un aspect mystérieux et envoûtant. Dan économise ses notes pour l’improvisation suivante, offrir un majestueux contrepoint à l’alto inspiré. Concis, presque des haïkus, les deux morceaux qui suivent sont plus abstraits. Deux discours semblent cohabiter dans le cinquième, comme si les deux hommes jouaient deux partitions différentes dans la même tonalité. Les vagues de notes du piano répondent à celles du saxophone dans le sixième, abordé sur un tempo plus vif. Merka Tikva interrompt cette série. Konitz prend le temps de développer ce morceau, le plus long du disque, par des phrases suaves et mélodiques. Tepfer enrichit délicatement son discours et prend (enfin) un chorus aux notes rêveuses et mélancoliques. Le cycle des improvisations reprend. L’impressionnant bagage « classique » du pianiste se perçoit surtout dans Elande n°8. Konitz s’y montre particulièrement lyrique. Plus longue, la dixième pièce sort des limbes de l’imaginaire pour se structurer autour de la mélodie de The Last Time I Saw Paris. Dan nous offre sans doute la quintessence de son art pianistique dans No Lee, un morceau en solo, une improvisation dans laquelle, porté par le léger balancements des notes, le piano grave et profond délivre un riche vocabulaire harmonique. Trees, un vieux thème, conclut l‘album sur un chant optimiste. D’une grande fraîcheur, il se prête aux accords élégants du piano, au velouté sensuel d’un saxophone émouvant.

Lee Konitz et Dan Tepfer se produiront en duo au Duc des Lombards le dimanche 29 novembre. Concerts à 19h00 et 21h00.

Photos © Jean-Jacques Pussiau, ici spécialement remercié. 

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