Créateur et organisateur du Panama Jazz Festival, co-fondateur de Junglewood, communauté artistique impliquée dans l’écologie et la sauvegarde de la forêt panaméenne, à la tête d’une fondation qui apporte une éducation culturelle et musicale aux jeunes défavorisés de Panama City, Danilo Pérez s’implique dans de nombreux projets éducatifs afin d’inciter la jeunesse à rendre le monde plus propre et plus beau. Dans “Providencia”, album publié en août 2010 aux Etats-Unis et disponible en France depuis décembre, le pianiste de Wayne Shorter, père de deux petites filles, s’interroge sur l’avenir de la planète. Il a conçu les onze morceaux de son disque comme de courtes bandes-son pour de petits films imaginaires. Pérez s’intéresse à la forme, et cette musique descriptive lui permet de révéler ses capacités d’arrangeur. Les cinq mouvements de Daniela’s Chronicles décrivent chacun une année de la vie de Daniela, sa fille aînée. Le premier commence comme une fugue. Joué par Adam Cruz, un steel pan double les lignes mélodiques du piano et colore le second. Galactic Panama esquisse un portrait du pays. Contrebasse et batterie y adoptent un rythme de tamborito, la danse la plus populaire de Panama, l’équivalent du tango pour les Argentins. Outre Ben Street et Adam Cruz qui travaillent avec lui depuis huit ans, le pianiste utilise les services du saxophoniste américano-indien Rudresh Mahanthappa. Son alto agressif dynamise Galactic Panama, The Oracle et Cobilla, un appel à l’action pour bonifier le monde. Entre Cobilla se placent deux courts duos piano saxophone. Proche du cri et probablement improvisé, le premier agresse et dérange ; tendre et réfléchi, le second conclut paisiblement l’album. Les autres intervenants sont le percussionniste libano américain Jamey Haddad, le joueur de congas colombien Ernesto Diaz et la chanteuse portugaise Sara Serpa. Pérez fait aussi appel à un quintette à vents dans Bridge of Life, Part I et II, morceaux au sein desquels le jazz, le classique et la musique folklorique latino-américaine se fondent harmonieusement. Ce Bridge of Life (pont de vie) est bien sûr l’isthme de Panama qui sépare les Océans Atlantique et Pacifique et relie l’Amérique du Nord à celle du Sud. Revendiquant ses racines latines, le pianiste reprend Historia de Un Amor de Carlos Eleta Almaran, morceau naguère enregistré par Oscar Peterson, et Irremediablemente Solo de l’organiste et pianiste Avelino Muñoz, l’un des plus importants compositeurs panaméens. Il rend aussi hommage à son dernier maître, le pianiste Charlie Banacos récemment décédé. Composé pour sa femme Patricia, Providencia, une rumba guaguancó, donne son nom à l’album dont la latinité reste prépondérante. Pérez s’efface un peu derrière ses arrangements, mais fait chanter son beau piano dans la dernière partie de Daniela’s Chronicle, Historia de un Amor et Irremediablemente Solo, morceaux portés par une section rythmique en tous points exemplaire.