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16 septembre 2010 4 16 /09 /septembre /2010 09:16

Zeitlin Precipice, coverL’angoisse du pianiste devant les 88 touches de son clavier, Denny Zeitlin ne semble pas la connaître. A soixante-douze ans il en a vu d’autres. Il s’est produit dans les plus grands festivals américains, Newport et Monterey et “Cathexis“, son premier disque pour Columbia, date de 1964. Psychiatre, Zeitlin enseigne à l’Université de Californie (San Francisco) tout en trouvant le temps de se consacrer à son piano. Un face à face avec lui-même ne lui fait pas peur. Il a d’ailleurs enregistré plusieurs albums en solo dont un en 1992 au Maybeck Recital Hall. Pour qui sait s’en servir, l’instrument exprime les émotions les plus intimes et Zeitlin place beaucoup de tendresse dans ses ballades, que ce soit dans The We of Us écrit pour son épouse Joséphine et qu’il a précédemment enregistré en trio ou dans Out of My Dreams une composition de Richard Rodgers avec laquelle il prend certaines libertés rythmiques. Zeitlin reprend aussi un thème qu’il a écrit pour le film “Invasion of the Body Snatchers“ de Philip Kaufman (1978) pâle remake du long-métrage de Don Siegel qui porte le même nom. Zeitlin pose délicatement ses doigts sur les notes d’une mélodie derrière laquelle se profile l’ombre de Bill Evans, prend le temps de poser des couleurs sur la musique. Ce nouvel album ne contient pas que des morceaux lents. Lors de ce concert enregistré à Santa Barbara en janvier 2008, le pianiste change allègrement de tempo pour surprendre et maintenir l’attention. Il aime commencer par une improvisation libre et termine généralement ses prestations par quelque pièce spectaculaire. Dès Free Form, l’ouverture du disque, Zeitlin accapare tout le clavier. Le tempo est volontairement flou, propice à des vagues de notes plus ou moins abondantes. Les graves résonnent, puissantes, sous le poids d’une main gauche exceptionnelle qui plaque les accords d’un boogie-woogie malicieux. Le rythme accélère, Zeitlin enchaîne sur What is This Thing Called Love ? de Cole Porter, puis martèle puissamment les accords de Fifth House de John Coltrane. Imbriqués les uns dans les autres, les deux thèmes d’On the March, une ancienne composition pour la première fois enregistrée en solo, sont développés par les improvisations ouvertes et inattendues d’un pianiste espiègle qui semble connaître toute l’histoire du piano jazz et s’amuse à tremper ses notes dans le blues. Deluge de Wayne Shorter hérite du balancement rythmique du honky tonk, la main droite du pianiste prenant toutefois des libertés avec le genre. La virtuosité de Zeitlin est également manifeste dans une courte et ébouriffante version de Oleo, mais surtout dans le titre Precipice, véritable morceau de bravoure de l’album dans lequel, infatigable, il résume en huit minutes sa science pianistique. Un parfait contrôle de la dynamique de l’instrument s’allie à un sens aigu de la forme. Ici, l’harmonie hérite de diverses cadences et plonge ses notes brûlantes dans des baumes apaisants.   

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