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14 décembre 2010 2 14 /12 /décembre /2010 11:07

Junko Onishi Trio

LUNDI 15 novembre

Junko Onishi n’a pas le moins du monde l’air inquiète au moment de monter sur la scène du Sunside. Elle attaque sa prestation avec beaucoup de vélocité comme si elle affrontait un adversaire, qu’elle allait faire rendre gorge à son piano. Intitulé Junko Onishi Sunside bBack in the Days, le morceau provient de “Musical Moments” son avant-dernier album. C’est le premier concert d’une tournée en trio et la mise en place reste approximative. Junko n’a encore jamais joué avec Roland Guerin, un contrebassiste solide qui trouve immédiatement ses marques auprès d’elle. Batteur à la frappe puissante (il joue sur “Musical Moments”), Gene Jackson couvre trop le piano d’où une grande confusion sonore s’installant dès qu’il martèle ses caisses avec des baguettes. Ce furent donc les ballades et les morceaux abordés sur tempo médium dans lesquels Jackson utilise des balais qui nous permirent d’apprécier pleinement la musique de la pianiste. Cette dernière développe un jeu orchestral particulièrement dynamique, mais peut aussi aérer ses notes, nous envoûter par de Roland Guerinlongues pièces tranquilles. Son élégant Portrait in Blue, thème aux harmonies magnifiques qu’elle écrivit il y a plus de vingt ans, fut très apprécié. Mais Junko Onishi aime aussi les cascades de notes perlées, les morceaux de bravoure dans lesquels elle exprime sa grande virtuosité. Thelonious Monk, Eric Dolphy, Charles Mingus font depuis longtemps partie de son répertoire plein de dissonances et d’accords inattendus. Perturbée par le niveau sonore trop élevé de la batterie, Junko ne joua pas toujours son meilleur piano. A l’exception de The Mother’s (Where Johnny Is) qui évoque beaucoup La Guerre des Etoiles, elle interpréta peu de thèmes de “Baroque“ son dernier disque, préférant reprendre Congeniality d’Ornette Coleman, mais aussi Something Sweet, Something Tender de Dolphy et Bittersweet une de ses compositions, deux extraits de “Musical Moments”.

 

MERCREDI 24 novembre

Edouard BineauLe piano d’Edouard Bineau m’a toujours séduit depuis la découverte d’“Exodus”, son premier Daniel Erdmannenregistrement. Disposant d’une large palette harmonique, Edouard pose de belles couleurs sur ses mélodies chantantes. Il compose également de vrais thèmes et s’appuie sur leurs lignes mélodiques lorsqu’il improvise. C’est toutefois une musique quelque peu différente, plus brute et plus « sale » que nous entendîmes au Sunside. La présence de Daniel Erdmann est pour beaucoup dans ce changement de Gildas Boclédirection. Le saxophoniste possède un son volumineux tant au ténor qu’au soprano, improvise de manière créative, peut souffler des phrases très longues, mais joue surtout avec une énergie, une ardeur qu’il communique aux membres de l’orchestre. Dans Wared, Gildas Boclé utilise son archet et tire de sa contrebasse des sons de violoncelle. A la batterie, Arnaud Lechantre marque des tempos binaires, leur donne l’épaisseur du rock. La rythmique plus présente et consistante sur le plan sonore encadre des thèmes lyriques, mais leur confère une densité et une chaleur nouvelles. Le quartette joua essentiellement des morceaux de “Wared” le nouvel album d’Edouard, un répertoire comprenant Maman Rose et Charmeur Arnaud Lechantrede pierres, deux des titres recyclés de “L’Obsessioniste”  consacré au Facteur Cheval. Handicapé par une forte fièvre, Daniel Erdmann se montra moins véloce dans ses attaques, mais la musique, portée par un piano très blues et de nombreuses notes bleues, n’en souffrit nullement. Sébastien Texier joua du saxophone alto dans Rootless et Wandering, morceaux dans lesquels Edouard Bineau se tient volontairement en retrait. Ce dernier aime aussi prendre des risques, se lancer avec Daniel dans des pièces non préméditées qui exigent une totale disponibilité. Un des deux courts intermèdes qu’ils improvisèrent ne fut pas aussi convaincant que la musique forte et joyeuse que nous goûtâmes passionnément ce soir-là.

 

 SAMEDI 4 décembre

Dan-Tepfer-c.jpgOn parle beaucoup de Dan Tepfer, auteur d’un excellent album en duo avec Lee Konitz chez Naïve. Sur ce même label, le pianiste franco-américain vient de sortir un disque en trio enregistré avec une section rythmique américaine. “Five Pedals Deep” m’a posé certaines difficultés d’écoute que j’explique par les métriques inhabituelles adoptées par Thomas Morgan à la contrebasse et Ted Poor à la batterie et le jeu ambidextre du pianiste qui le conduit à tenir en parallèle plusieurs discours mélodiques qu’il n’est pas toujours facile de suivre. Ayant plusieurs fois écouté le disque, j’en ai progressivement pénétré la logique et apprécié le concert que les trois hommes donnaient au Sunside. Dan Tepfer aime les longues pièces abstraites d’où il fait surgir des bribes de thèmes plus ou moins connus, se plaît à changer fréquemment de rythmes, à faire ruisseler ses notes avec force et passion, à faire longuement tourner des ostinato. Sa grande technique lui permet de construire et d’architecturer de longues pièces truffées de dissonances, Thomas Morgand’harmonies inattendues. Les quatre temps de la mesure (four-beats) sont rarement marqués par une contrebasse et une batterie qui assurent un tempo relâché, distendu, ouvert à tous les possibles pianistiques. Le couvercle du piano grand ouvert, Dan tire un maximum de dynamique de l’instrument et le fait puissamment sonner. Sous ses doigts, les notes fusent comme des fusées de feux d’artifice, forment des bouquets, des figures mélodiques qui s’éparpillent, se transforment afin de parcourir d’autres trajectoires, rencontrer d’autres rythmes. Dan joua presque exclusivement les morceaux de son nouvel album, ajoutant I Remember April et Giant Steps à son répertoire. Outre I Was Wonderin’, une de ses compositions, le pianiste reprit Le plat pays de Jacques Brel dans une version plus lente que celle de son disque , trouvant à jouer de jolies notes perlées dans l’aigu du clavier. Le deuxième set plus fluide mit à l’honneur un autre standard, Body and Soul et d’autres compositions originales : The Distance, une ballade onirique, Back Attya décrit par Dan comme un cousin de All the Things You Are, et une saisissante version de All I Heard Was Nothing, morceau qui traduit l’influence de Brad Mehldau sur son jeu, deux mains indépendantes dialoguant et faisant des miracles.

 

Photos © Pierre de Chocqueuse- Portraits d’Edouard Bineau, Daniel Erdmann, Gildas Boclé & Arnaud Lechantre © Didier Gerardin  

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commentaires

B
<br /> Le CD de Junko m'a décapsulé, quelle richesse! DOmmage, le concert n'a pas été parfait. On attend le prochain, alors?<br /> <br /> <br />
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