DIMANCHE 24 octobre
Un come-back très attendu
Pas facile de trouver Manduel et sa salle des arènes dans la banlieue de Nîmes. Papy Doc, mon chauffeur possède heureusement un GPS et, guidé par satellite, notre fier et pesant véhicule parvint à bon port et à l’heure. Le but de notre voyage - la route depuis Clermont-Ferrand - est d’assister au concert de clôture du festival "Nîmes Agglo" dont Stéphane Kochoyan assure la direction artistique. Au programme Sexto Sentido et Dale Chico (Vas-y mec en espagnol), le nouveau groupe de Philippe Gaillot. Si le nom de ce dernier ne dit rien à la plupart d’entre-vous, Gaillot n’en reste pas moins une célébrité à Nîmes et à Montpellier où il résida quelques années. Auteur de plusieurs albums notamment pour RDC, producteur et arrangeur du défunt joueur de kora Soriba Kouyaté, Philippe possède aussi l’un des gros studios d’enregistrement du sud de la France. Le Recall Studio a vu passer nombre de jazzmen de réputation internationale, mais aussi des stars du rock et de variété. Entre son activité d’ingénieur du son lui prenant beaucoup de temps et certains impératifs familiaux, Philippe se trouva contraint de réduire ses propres activités musicales en 1995. Aujourd’hui, après quinze longues années passées à donner le plus beau son possible à la musique des autres, il s’investit plus à fond dans la sienne et revient à la scène sans pour autant mettre en veilleuse son studio.
Gérard Couderc (saxophones soprano et ténor), Claude Bey (trompette et bugle), Emmanuel Beer (claviers et orgue Hammond), Philippe Panel (basse électrique) Quentin Boursy (batterie, percussions) et Philippe Gaillot (voix, guitare et claviers) n’ont disposé que de peu de temps pour répéter six morceaux très travaillés sur un plan sonore et qui sonnent magnifiquement. Utilisant un matériel technologique hautement performant*, Philippe apporte aux musiciens de Dale Chico des mélodies, des thèmes originaux qui structurent leurs improvisations, même si certaines ritournelles qu’il affectionne me lassent vite. Je reconnais Do It, un extrait de son disque “Lady Stroyed” avec sa longue intro planante, son thème tardivement exposé par les souffleurs. Philippe laisse beaucoup jouer ses partenaires et les sons de sa guitare évoquent davantage des instruments acoustiques qu’électriques (sitar, guitare douze cordes). Seule reprise du répertoire de ce concert, Scarborough Fair, une vieille chanson anglaise du Moyen Age popularisée en 1966 par Paul Simon et Art Garfunkel, se pare d’étonnantes couleurs modales, hérite de magnifiques chorus de guitare. Sur un « pattern » de batterie mémorisé sur pro tools, Philippe a ajouté deux tampuras enregistrées à partir de son I Phone. Là encore, la technologie reste au service de la musique et des musiciens qui la servent. Pour rendre hommage à Soriba Kouyaté, Philippe a composé une sorte de requiem. Tirées de ses claviers, ses harmonies grandioses se marient superbement au saxophone soprano de Gérard Couderc, l’approche sensible de la musique, l’irremplaçable feeling restant toujours privilégiés. Philippe Gaillot chante aussi. Filtrée, démultipliée par des machines, sa voix devient chorale. Il décrit non sans humour Et puis un jour… elles s’en vont comme son village africain. Moustilleque Philippe a enregistré avec Mike Stern et Erfoud, un nouveau morceau, bénéficient du même traitement vocal. La basse électrique de Philippe Panel et la batterie de Quentin Boursy s’entendent à faire danser les rythmes, à donner fluidité aux tempos. Les saxophones de Gérard Couderc s’intègrent parfaitement à une musique qu’Emmanuel Beer, un véritable organiste, enrichit de nappes sonores du plus bel effet. Je m’impatiente déjà en attendant le disque.
*Pour ceux que la technologie sonore intéresse, Philippe Gaillot utilise un capteur de guitare Piezo et un système de modélisation Roland V.G. 99 qui permet de créer des sons acoustiques ou électriques sur sa guitare. Il se sert également d’un rack multi effets (un Digidesign Eleven Rack) qui lui donne accès à pro tools et de deux pédales, un Line 6 (modèle M9), et un pédalier de T.C. Electronic (G-system limited) qui donne accès à de très nombreux effets sonores (reverbération, delay et modulations). Philippe possède également un Korg R3 relié à un Yamaha motif-rack XS et à deux Kaoss pad digitaux.
Voix cubaines
Les quatre chanteuses de gauche à droite sur la photo se nomment Wendy Vizcaina, Arlety Valdés, Yudelkis Lafuente et Eliene Castillo. Elles sont les voix de Sexto Sentido, le groupe vocal le plus populaire de Cuba. Six musiciens les accompagnent. Trompette, saxophone alto, guitare assurent d’excellents et parcimonieux chorus. On aurait aimé entendre davantage Lino Lores excellent guitariste à la sonorité agressive et au jeu virtuose. Encadrées par une excellente section rythmique dont il faut saluer la qualité de jeu de Jorge Baglan batteur infatigable, les filles assurent le show, synchronisent plutôt bien leurs figures de danse malgré une scène trop petite pour leur chorégraphie de groupe. L’érotisme des mouvements fait oublier l’aspect insipide de certaines chansons. Davantage que les voix (intéressantes au demeurant), les corps assurent le spectacle. Les regards masculins sont tous braqués sur des hanches, des fesses qui s’agitent et remuent en cadence. La première moitié du concert fut malheureusement consacrée à un répertoire américanisé, à un mélange de rhythm’n’blues, de hip hop et de variété sirupeuse qui semble avoir la faveur du public de leur pays. Il fallut patienter une bonne heure pour que les filles chantent enfin de la musique afro-cubaine et brésilienne. Derrière elle, un groupe jusqu’alors sommeillant s’anime. Les instruments se mettent à vivre, les rythmes se parent de couleurs vives, deviennent irrésistibles. L’excitation devient palpable lorsque les filles empoignent des instruments de percussions. Claves, maracas, blocks, agogôs, shakers, cabasas, güiro rythment les mouvements des corps et provoquent l’envoûtement. Dehors la pluie tombe à larges seaux. Dans la salle des arènes, la chaleur devenue tropicale nous fait voir le plein été.
PHOTOS © Pierre de Chocqueuse & Francis Capeau