On la connaît encore mal en France bien qu’elle soit l’une des trois voix de l’album de David Linx “One Heart, Three Voices”, celle de Maria Pia De Vito complétant la formation. Avec cinq albums à son actif (“Sing !” est le sixième) et déjà une longue carrière derrière elle, Fay Claassen est considérée à juste titre comme la meilleure chanteuse de jazz des Pays-Bas. Elle a d’ailleurs récemment obtenu un Edison Award, la plus importante récompense de son pays, l’équivalent d’un Grammy Award américain. Après avoir chanté Chet Baker et Cole Porter, cette ancienne élève de Rachel Gould s’offre l’un des meilleurs orchestres de jazz européen, le WDR Big Band de Cologne, placé sous la direction de Michael Abene. Ce n’est pas la première fois que Fay joint sa voix à une masse orchestrale imposante. Elle a donné des concerts avec les jazzmen du Concertgebouw d’Amsterdam, le Danish Radio Big Band, le Metropole Orchestra et a déjà travaillé avec Michael Abene, lui confiant le soin d’arranger “Red, Hot & Blue”, son disque précédent. Abene possède un grand sens des volumes. Les sections de l’orchestre mêlent harmonieusement leurs timbres, constituent des bouquets sonores d’une grande variété de couleurs, chaque morceau possédant ainsi son propre caractère. Les flûtes occupent une place importante dans Umhome. Leurs riffs répondent à la voix dans Is You Is Or Is You Ain’t My Baby, un thème de Louis Jordan que reprit Dinah Washington. A Good Man is Hard to Find, un vieux blues de Bessie Smith qui donna son titre à une célèbre nouvelle de Flannery O’Connor, privilégie le trombone. Les cordes enveloppent Throw it Away, une guitare placée au premier plan renforçant l’aspect folk de cette ballade d’Abbey Lincoln. Car Fay Claassen est une interprète qui s’ouvre à un répertoire très varié. Outre des standards, elle chante Antonio Carlos Jobim (en portuguais !), Miriam Makeba, Joni Mitchell et Björk, son Cover me héritant d’une partition hantée par des cordes et des dissonances, une musique illustrative que l’on verrait bien accompagner des images. Dans Be Cool, la voix swingue, rythme de manière très naturelle les paroles de la chanson de Joni Mitchell. Fay les remplace par des onomatopées dans Umhome de Miriam Makeba. La parfaite mise en place de sa voix un peu voilée lui permet de constamment survoler l’orchestre, de dialoguer rythmiquement avec lui. Ses scats particulièrement inventifs dans Tight, Is You Is Or Is You Ain’t My Baby et l’inusable Tea for Two traduisent son formidable métier. Sa version émouvante d’Everything Must Change révèle sa sensibilité. Auprès d’elle, les musiciens de l’orchestre se répartissent les chorus. Leurs noms ne vous diront rien. Vous les trouverez sur la pochette de ce CD fort réjouissant.
Au sein d’un quartette comprenant Olaf Polziehn au piano, Christophe Walemme à la contrebasse et Stéphane Huchard à la batterie, Fay Claassen présentera son album le 30 mars à 19h30 dans le Grand Foyer du théâtre du Châtelet. Entrée gratuite dans la mesure des places disponibles. Un second concert est prévu le 31 mars à 21 heures au Sunside.