Après plusieurs disques en trio ou en double trio avec deux contrebasses et deux batteries dans lesquels Joshua Redman improvise librement une musique austère, le saxophoniste change de cap et aborde en quartette des rivages plus souriants et mélodiques. Sous le nom de James Farm qui est aussi le titre de l’album, il se produit depuis 2009 avec Aaron Parks au piano, Matt Penman à la contrebasse et Eric Harland à la batterie. Le groupe fit ses débuts au festival de Montréal et joua l’année suivante à Paris, Salle Pleyel. Redman, Penman et Harland ont travaillé ensemble au sein du SF Jazz Collective et Parks utilise la section rythmique de James Farm dans “Invisible Cinema” son premier disque Blue Note. La formation a donc eu le temps de peaufiner sa musique en concert avant de l’enregistrer en studio, quatre jours pour en soigner les détails, la sonorité d’ensemble. Outre le piano, Parks utilise des claviers électriques (Prophet et Rhodes), de l’orgue Hammond ou à pompe, du célesta et même un tack piano (piano préparé) dans Coax, composition de Penman qui ouvre l’album. On y découvre une musique arrangée comme peut l’être un enregistrement de pop music. Une attention particulière est ainsi accordée aux mélodies, Eric Harland vocalisant discrètement pour les mettre en valeur. Avant de suivre une carrière de jazzman, Joshua Redman né en 1969 a découvert la musique avec James Brown, Earth Wind & Fire, Led Zeppelin et les Beatles. Il aime le funk et la soul, musiques dont le groove prépondérant fait battre le coeur. L’amateur de jazz pur et dur risque pourtant d’être déstabilisé à l’écoute d’une section rythmique souvent binaire qui, bien que fortement imprégnée de blues et de soul, porte et colore des thèmes simples et chantants qui relèvent du rock et du folk. Parfaitement intégrées à l’écriture musicale dont elles ne sont pas que le simple prolongement, les improvisations qui s’y rattachent font corps avec les thèmes. Avec son Fellowship Band, le batteur Brian Blade adopte un peu la même démarche : incorporer dans une seule et même musique les influences multiples de ceux qui la créent pour la fondre dans un creuset sonore parfaitement identifiable, une musique relevant de si nombreux genres qu’elle en fait tomber les barrières. Tous ici composent, chaque membre du quartette apportant avec lui l’expérience culturelle que sous-entend sa musique. Bijou et Unravel d’Aaron Parks sont deux belles mélodies, mais c’est probablement Low Five de Matt Penman, la dernière plage, qui reste le thème le plus marquant. Piano et contrebasse y chantent de magnifiques harmonies, Joshua Redman au soprano nous conduisant au septième ciel.