On ignore la date de cet enregistrement inattendu dans lequel un "all star" de jazzmen sur-vitaminés rend hommage au regretté Curtis Mayfield (1942-1999). Co-produit et arrangé par Phil Upchurch, il est probablement ancien, son dédicataire, Master Henry Gibson, le percussionniste de la séance, ayant été emporté en 2002 par une crise cardiaque. Très demandé dans les studios de Chicago, Gibson joua dans de nombreux albums de Mayfield. Il se distingue aux roto-toms dans “Superfly”, une bande originale considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de la soul que reprend la fine équipe de mercenaires qui se distingue ici. Outre Upchurch à la guitare et Gibson aux percussions, la formation réunit Wallace Roney à la trompette, Ernie Watts au saxophone ténor, Russell Ferrante au piano, Bob Hurst à la contrebasse et Terri Lyne Carrington à la batterie. Avant de démarrer une fructueuse carrière sous son nom en 1970, le chanteur fut le leader des Impressions, groupe vocal très actif dans les années 60. Avec eux pour ABC, il signa à partir de 1961 une impressionnante série de tubes inaugurée par Gypsy Woman, une ballade avec castagnettes et guitare flamenco. Cuivres sophistiqués et voix suaves pour It’s All Right (1963) que suivront I’m So Proud, Keep on Pushing, le gospellisant Amen et, en 1965, le célèbre People Get Ready que chanta Aretha Franklin. Les Jazz Soul Seven en donnent d’inventives versions orchestrales trempées dans le groove. Bien que certains morceaux soient plus particulièrement dévolus à certains instruments –Freddie’s Dead largement confié au ténor d’Ernie Watts – , les musiciens sont nombreux à se disputer des improvisations souvent musclées qui prolongent et pimentent des arrangements aux rythmes foisonnants. Le jubilatoire Move On Up en est l’exemple parfait. Guitare et ténor se partagent le thème, mais c’est la trompette qui s’en empare pour le porter, Watts reprenant la main pour conclure. On croit le morceau terminé. Il n’en est rien, car la batterie et les congas font rebondir et relancent la mélodie, Upchurch s’offrant alors un immense solo de guitare, les souffleurs assurant des riffs brûlants pour faire monter la tension. Les solistes sont tous excellents. Wallace Roney impose sa trompette mordorée dans Superfly et Ernie Watts attaque ses notes avec un lyrisme que l’on aimerait bien trouver plus souvent chez les jeunes saxophonistes. Loin des Yellowjackets, groupe dont il est le pianiste depuis les débuts des années 80, Russell Ferrante se montre capable de renouveler son jeu, apporte des couleurs aux compositions de Mayfield, leur donne même une réelle dimension harmonique lorsqu’il en assure les chorus, ceux de It’s All Right, de Check Out your Mind dans lequel il dialogue avec la section rythmique, témoignant d’un réel savoir-faire.