On le suit depuis longtemps, depuis cette rue de Lourmel qui porte le nom de son disque le plus célèbre, un des premiers produit par Jean-Jacques Pussiau qui venait de créer Owl Records et nous le fit connaître. C’était en 1976. Jean-Pierre Mas jouait alors en duo avec Cesarius Alvim. D’autres albums ont suivi et avec eux le temps qui passe et nous fait oublier. La scène du jazz, Jean-Pierre s’en est un peu écarté, composant pour des films qu’il sait vêtir de son pour les rendre plus beaux. Il n’a pourtant jamais oublié ses amis, les invitant à partager sa passion pour la musique. L’un d’entre eux, Aldo Romano, a écrit un court texte pour ce nouvel album, pour lui, son plus réussi. Il a probablement raison. Le pianiste tend ici les paumes de ses mains à d’invisibles tambours, des rythmes qu’il confie à des musiciens qualifiés pour les faire danser. Avec Sylvain Marc à la basse électrique et Xavier Desandre à la batterie et aux percussions, ses compositions héritent de couleurs tropicales. Construit sur un ostinato, Bâton dansant donne envie de danser dans les rues de Rio ou de Puerto Rico. La basse funky de Sylvain Marc, la vitalité d’Eric Seva soufflant des notes brûlantes au ténor, le martèlement percussif de Desandre, on entre dans ce disque avec joie, tant le bonheur qu’il communique est palpable. Car même dans des pièces aux rythmes chaloupés, Los Lilas, morceau afro-cubain, ou l’irrésistible Rumba pompon, le pianiste n’oublie jamais d’y mettre des mélodies. Le rythme se fait chair autour de vrais thèmes et lorsque, surfant en cadence sur le flux et le reflux de leurs vagues, le piano danse et se déhanche, il fait aussi des yeux doux. “Juste après” privilégie autant les ballades que les plages de notes qui tanguent en plein soleil. J’aime beaucoup Un peu, un grand plein de tendresse. Eric Seva en cisèle la mélodie délicate, la rend tendre et sensuelle. Juste après est plus mélancolique. Il donne son nom à ce nouvel album, la juste suite de “Juste avant”, disque de 2010 enregistré avec une autre rythmique. Jean-Pierre le reprend en boléro, lui donne un aspect nostalgique. Il possède un phrasé élégant, un beau toucher et en fait profiter sa musique. Les trois pièces en solo bénéficient de ses tendres couleurs harmoniques. Rue de l’aqueduc et Danse avec les mots séduisent par leur simplicité. Jean-Pierre Mas fait chanter ses notes, et comme au cinéma, installe le rêve au fond des yeux. On remet vite le disque pour en voir les images.