Le logo que l’on peut voir sur la pochette, deux i tête-bêche, est celui du célèbre catalogue Impulse! Longtemps mis en sommeil, réactivé en 1987 avec la signature de Michael Brecker, le label n’abrite plus de nouveaux artistes depuis quelques années. La raison probable de ce choix (le disque aurait pu tout aussi bien sortir sur Verve ou EmArcy) est la passion qu’éprouve José James pour la musique de John Coltrane qu’Impulse! abrita. Le chanteur de Minneapolis rend d’ailleurs hommage au saxophoniste cet été. La tournée s’intitule Facing East : The Music of John Coltrane et Jef Neve est le pianiste de son quintette. Le nom de José James n’évoque pas grand-chose à l’amateur de jazz On trouve seulement deux disques de lui dans les bacs des disquaires. Des enregistrements proches de la soul et du hip-hop. Le plus ancien, “The Dreamer“, révèle un chanteur à la voix singulière. Le jazz, José James l’a découvert à la radio en écoutant Take The A Train de Duke Ellington. Un thème de ce dernier, Just Squeeze Me, fait partie des titres que contient cet album. Depuis qu’Universal Music assure sa promotion, Jef Neve nous est davantage familier. Le pianiste se produit dans des contextes très divers et s’implique dans des concerts de musique classique. On le découvre jouant un piano beaucoup plus convaincant que dans ses propres disques. Jef Neve et José James se sont rencontrés en Belgique en 2008 pendant une émission de télévision à laquelle tous deux participaient. Neve remplaça le pianiste de James lors d’un concert que ce dernier donna à Bruxelles. Dans la foulée, ils réservèrent un studio pour conserver une trace de leur tête-à-tête musical, une séance spontanée, des premières prises sans overdubs, complétée par une seconde six mois plus tard dans le même studio bruxellois. Au programme : neuf standards célèbres que les deux hommes interprètent avec un rare bonheur. Une voix de baryton douce et suave détache parfaitement les syllabes des mots prononcés, étirés et rythmés, trouve toujours le ton juste pour que la phrase soit la plus musicale possible. James a beaucoup écouté Billie Holiday. Cela s’entend dans les phrasés qu’il adopte. Constamment à l’écoute, Neve adopte un jeu plutôt sobre et lui offre son plus beau piano. La moindre intonation, le moindre murmure de cette voix grave et chaude sont développés et colorés par des bouquets de notes perlées, des accords au scintillement lumineux. Ses improvisations dans Embraceable You et Body and Soul débordent d’harmonies subtiles et délicates. Les deux hommes s’abandonnent en toute confiance à la musique, leur complicité se révélant très créative. Leur version de When I Fall in Love relève de l’état de grâce. On peut dire la même chose de Lush Life, introduit par des harmonies oniriques sur lesquelles la voix, aérienne, nonchalante et tendre, se promène et prend son temps pour séduire. Le charme opère et perdure. Le jazz hérite d’un chanteur talentueux, mais saura t’il le conserver ?
Photo © Nathan Gallagher, Universal Music