LUNDI 1er octobre
Stephan Oliva et Susanne Abbuehl au Duc des Lombards, impossible de manquer la rencontre d’un piano magique et d’une voix irréelle. Les concerts de la chanteuse se font attendre. Ses disques aussi. Deux seulement : le premier “April” en 2001 ; le second “Compass” en 2006. Susanne s’est enfin décidée à en enregistrer un troisième. Il doit paraître au printemps prochain. Elle reste fidèle à ses musiciens, mais Wolfert Brederode, son pianiste habituel, tourne avec son propre groupe et réunir sa formation lui est difficile. Par bonheur, elle aime aussi travailler avec Stephan Oliva dont le piano riche en harmonies inattendues se marie intimement à sa voix. Ils ont gravé plusieurs morceaux ensemble dont une version de Lonely Woman qui sera jouée en rappel, des faces produites par Philippe Ghielmetti un ami de Stephan. Peu de monde au Duc pour une musique intimiste, mais l’écoute attentive d’un public envoûté par une voix pure et sensible qui donne une douceur de velours aux poèmes qu’elle reprend, aux phrases qu’elle chante, qu’elle berce d'un souffle zéphirien pour en faire respirer les mots, ondes sonores de consonnes, de syllabes, psalmodies et murmures. Lié à cette voix, un piano vigilant et économe délivre peu de notes, privilégie celles qui comptent et laissent des traces profondes. Au cours du second set, Stephan colore davantage les lignes mélodiques, se lâche, ouvre plus grandes les portes du rêve. Great Bird de Keith Jarrett, Sea, Sea !, poème de James Joyce mis en musique par Susanne que l’on trouve dans son second album, You Won’t Forget Me que popularisa tardivement Shirley Horn, le répertoire du concert est éclectique. S’y ajoutent des mélodies de Jimmy Giuffre – Listening, River Chant, Mosquito Dance, Princess (que Giuffre enregistra live à Rome en 1959 avec Jim Hall) – sur lesquelles Susanne a ajouté des paroles. Une filiation naturelle pour qui connaît tant soit peu le répertoire de la chanteuse attirée par la clarinette, instrument présent dans ses disques. Comment l’écouter avec Stephan Oliva sans aussitôt penser au duo que Ran Blake (pianiste oh combien admiré par Stephan) constitua naguère avec Jeanne Lee, chanteuse avec laquelle Susanne étudia, une voix à part, sensuelle et irradiante. En apesanteur, celle de Susanne Abbuehl relève de la grâce. Sa simplicité nous touche profondément.
Photos © Pierre de Chocqueuse