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23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 09:43

Conques-sur-scene.jpgMERCREDI 13 avril

Kurt Rosenwinkel au Sunside pour une longue semaine. Sa guitare ne sonne pas comme les autres. De nombreuses pédales lui apportent un son épais proche du rock que les puristes n’apprécient guère. Il joue beaucoup avec lui, allonge la durée de ses notes grâce à un delay, profite de ce léger décalage pour en ajouter d’autres, créer des nappes sonores enveloppantes. Rosenwinkel phrase pourtant comme un Kurt Rosenwinkeljazzman authentique. Son jeu se situe quelque part entre celui de John Scofield et de Pat Metheny dont on croit parfois entendre la guitare synthé. Il possède toutefois ses propres accords et ses longues phrases chantantes dessinent des paysages sonores sophistiqués riches en développements  harmoniques et rythmiques. D’excellents musiciens servent ses compositions complexes et mélodiques. Après Brad Mehldau et Aaron Goldberg, c’est aujourd’hui Aaron Parks qui a charge du piano. Ce dernier attaque ses notes avec vélocité et puissance, pratique un piano souvent percussif, un jeu en single notes qui sert le rythme, mais se plaît aussi à rêver. Saturé de stridences électriques, l’air porte ainsi une musique brumeuse et onirique que tonifie une section rythmique très présente. Si la contrebasse d’Eric Kurt Rosenwinkel & Eric RevisRevis assure avec justesse le tempo,  Justin Faulkner, batteur que l’on a entendu avec Jacky Terrasson, ne cesse de le faire bouger et danser. Il possède une frappe lourde et puissante, martèle ses tambours et apporte un groove énorme à la musique qu’il relance et pousse physiquement. Le guitariste reprit Our Secret World, un extrait d’“Heartcore” son disque le plus travaillé sur le plan sonore, joua Safe Corners, morceau bluesy qui figure sur “The Remedy”, double album enregistré au Village Vanguard. Au cours d’un second set plus virtuose et maîtrisé que le premier, il s’attaqua à remodeler d’anciens thèmes, The Next Step et A Shifting Design, mêlant ses notes à celles du piano et improvisant crescendo un tourbillon de notes voluptueuses.

 

Steve Turre bMARDI 19 avril

Ses meilleurs disques, Steve Turre les enregistra dans les années 90. Des budgets conséquents lui permirent d’inviter Herbie Hancock, Pharoah Sanders, Jon Faddis, Randy Brecker, J.J. Johnson et de faire tourner une formation d’une dizaine de membres qui comprenait plusieurs trombones. Turre ne s’était pas produit à Paris depuis longtemps et le Duc des Lombards l’accueillait pour quatre concerts à la tête d’un quartette comprenant deux musiciens italiens - Nico Menci au piano, Marco Marzola à la contrebasse - , et Dion Parson le batteur de “Delicious and Delightful” son dernier album. Les premiers morceaux interprétés firent entendre une formation jouant un bop de facture classique. Excellent technicien formé à l’école des Jay Jay Johnson et Kai Winding, Turre connaît parfaitement les secrets de cette musique acrobatique et improvise de larges glissandos avec chaleur et brio. Le Steve Turre cpianiste romain qui l’accompagne allie virtuosité et élégance. Très en phase, la section rythmique ne couvre jamais les solistes, marque avec souplesse le tempo adéquat, la contrebasse en retrait assurant une walking bass efficace. Introduit par la batterie, Unitedde Wayne Shorter possède un léger parfum latin qui entraîna le groupe à chalouper davantage sa musique, à la faire moins ronronner. Il fallut toutefois attendre trois bons quart d’heures pour en découvrir une autre, métissée, sentant bon les parfums sonores des îles, des continents sud-américain et africain. Dans Brother Ray, une ballade dédiée à Ray Charles que Turre accompagna et qui lui fit l’honneur de jouer du piano dans un de ses albums, le tromboniste aborde une autre musique, utilise une sourdine et tire des effets de growl de son instrument. Il a joué avec Dizzy Gillespie, les Jazz Messengers, mais aussi avec Celia Cruz, Tito Puente, Ray Barretto et son maître Roland Kirk lui a confié les secrets des plus anciens Steve Turre ainstruments à vent, les coquillages. Il les sort de l’étoffe qui les protège pour Brother Bob, un nouveau morceau, prend des chorus avec des lambis de toutes tailles qui apportent d’autres couleurs à sa musique, saisit son trombone pour chanter le thème de cette pièce modale et africaine. Nico Menci joue alors un piano ornemental à la McCoy Tyner - phrases fleuve, notes perlées en cascade - , le morceau reposant sur une structure très simple, un ostinato propice au rythme (le trombone s’est emparé de maracas et de claves) et aux échanges. Métamorphosée, la formation livra une magnifique version de Ray’S Collard Greens, un blues, Turre soufflant simultanément dans deux grosses conques pour faire venir à lui les sirènes légendaires qui peuplent l’océan de nos imaginaires.

 

John---Gerald-Clayton.jpgJEUDI 21 avril

Programmation de qualité au Duc des Lombards quoiqu’en pensent les aigris et les malentendants. Le club accueille jusqu’au samedi 23 avril les Clayton Brothers, ce qui constitue un véritable événement. Fondé en 1977 par les deux frères Clayton - John à la contrebasse qui compose et arrange le plus souvent les morceaux des membres du groupe et Jeff qui joue du saxophone alto et de la flûte - , le quintette comprend Terell Stafford à la trompette, le pianiste Gerald Clayton, fils de John, au piano et Obed Calvaire à la batterie. John Clayton co-dirige aussi le Clayton / Hamilton Jazz Orchestra qui accompagne Diana Krall dans plusieurs de ses disques. On a pu entendre ce rutilant big band au festival de Vienne, mais c’est la toute première fois que le quintette se produit en France apportant des compositions originales (il a enregistré sept albums) et un savoir-faire incomparable dans la manière de les agencer. Car, bien que plongeant dans la tradition du bop, le répertoire que joue le groupe sonne étonnamment moderne. On le doit au soin apporté aux arrangements. L’exposition Jeff Claytondes thèmes par les souffleurs, les contre-chants de leurs instruments respectifs restent assez classiques, mais, fignolée dans ses moindres détails et bénéficiant d’une mise en place irréprochable, la musique acquiert une dimension intemporelle. Constamment portée par le swing, par une section rythmique à l’écoute permanente des solistes, elle offre de nombreux espaces de liberté dans leurs chorus. Terell Stafford souffle des notes incandescentes à la trompette. Jeff Clayton construit des solos fluides et adapte son lyrisme aux exigences de la mélodie. Le surdoué Gerald Clayton trempe subtilement son piano dans le hip-hop et assemble des accords qui élargissent le champ harmonique. Ne manquez surtout pas les Clayton Brothers. Ce jazz-là est irrésistible.

Photos © Pierre de Chocqueuse

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