Décembre, le mois des sapins décorés de boules lumineuses multicolores, de guirlandes inflammables et synthétiques fabriquées en Chine. Les Dugenoux préfèrent attirer les gourmands à leur réveillon en suspendant d’énormes cochonnailles aux branches d’un arbre gigantesque, quitte à percer le plafond du voisin, un chanteur de variété trop pris par ses tournées pour regagner son logis déserté. Ils pensent aussi accrocher quelques dives bouteilles de grands crus classés pour attirer chez eux les Michu devant lesquels ils souhaitent étaler leur richesse. Contrairement à Bajoues profondes qui rêve de mortadelle considérable, de salamis immenses, ces derniers refusent la séduction des sirènes trop en chair de Jean-Jacques Dugenoux dont l’épouse Agathe, comme en témoigne cette photo d’elle en grand décolleté, ne manque ni de grâce, ni de distinction. Même attiré par une bouteille de Petrus, bordeaux fort cher et fort bon qu’il n’a jamais goûté, ou par un Jacky McLean, whisky de capitaine qu’il apprécie, Monsieur Michu souhaite fuir ces m’as-tu-vu envahissants, laudateurs d’un certain Étienne Marcel dont la musique atroce phagocyte le monde du jazz et provoque de néfastes palpitations de palpitants. Un maya de leurs amis ayant annoncé la fin du monde le 21, les Dugenoux prudents ont choisi de réveillonner la veille. Ils comptent bien récidiver le 24 si la planète n’est pas détruite, s’inviter chez les Michu qui attendent chez eux leurs proches devant un souper modeste après la traditionnelle messe de minuit aux Saints Innocents. Comme chaque année, ils s’investiront dans la crèche vivante de leur paroisse parisienne. Jean-Paul sera Saint-Joseph et Madame Michu une bergère. Jacquot trop défiguré pour tenir le rôle du Petit-Jésus, Monsieur Michu espère convaincre Médéric Collignon ou Gérard Depardieu. Sait-on jamais ? Le soir même, Madame Michu examinera attentivement les cadeaux reçus par son mari. Surtout les disques. Certains provoquent fièvres, claquements de dents et expédient à l’hôpital. Monsieur Michu en a fait la triste expérience l’an dernier. Décembre : des galettes plastifiées et indigestes peuvent provoquer des maladies graves, les Pères-Noël font peur aux enfants, les voleurs de conifères prospèrent tout comme les pharmaciens. Rhumes et sinusites perturbent le sommeil de nuits fraîches, les plus longues de l’année. On peut aussi les passer dehors, dans les clubs de jazz de la capitale, à l'Alhambra le 7, salle dans laquelle se déroulera le 1er Téléthon du Jazz, ou à l’Olympia le 17 pour la grande soirée musicale qu’organise annuellement TSF Jazz. Puissent ces concerts qui interpellent, les derniers de 2012, guider vos choix. Mis en sommeil vers le 20 décembre après la mise en ligne des très attendus Chocs de l’année (douze nouveautés et un inédit), ce blog, réactivé à la mi-janvier, consacrera une place importante à la remise des prix de l’Académie du Jazz, l’événement incontournable de janvier 2013.
QUELQUES CONCERTS QUI INTERPELLENT
-Quatre soirées jazz du 5 au 8 décembre au Centre Wallonie-Bruxelles, 46, rue Quincampoix 75004 Paris. Une valeur sûre le 5 avec le guitariste Philip Catherine en concert d’ouverture. Le 8, le label Igloo nous propose deux artistes de son catalogue, le jeune pianiste Igor Gehenot et Sal La Rocca, bassiste très demandé en Belgique. C’est toutefois la venue de Mélanie De Biasio le 6 qui interpelle le plus. Nous n’avions plus de nouvelles de la chanteuse depuis ses concerts de septembre et décembre 2008 au Sunside. Elle semble ne pas avoir enregistré d’autres disques depuis la parution de “A Stomach is Burning” (Igloo) en 2007, révélation d’une voix grave et sensuelle, d’un univers en noir et blanc résolument personnel. Pascal Mohy depuis longtemps avec elle au piano et Sam Gerstmans à la contrebasse accompagneront à Paris son chant et sa flûte, instrument qui renforce l’aspect onirique de sa musique.
-Frederic Borey au Sunside le 6. Vous avez probablement découvert et, peut-être lu ma chronique enthousiaste de son nouveau disque. Son saxophone ténor sonne comme un alto. Normal, Frédéric préfère solliciter les médiums et les aigus de l’instrument. Sa sonorité claire et droite à la Warne Marsh, il la met au servie de compositions très soignées sur le plan de la forme. Le mélodiste ne perd jamais de vue la tradition du jazz, le blues et le bop qui nourrissent sa musique. Impossible de faire venir au Sunside Inbar Fridman (guitare) et Camelia BenNaceur (piano) qui l’accompagnent sur “The Option” mais, avec Pierre Perchaud à la guitare et Paul Lay au piano nous ne perdrons pas au change, Frédéric pouvant compter sur l’excellente section rythmique de son album, Florent Nisse à la contrebasse et Stefano Lucchini à la batterie.
-Ne manquez pas le 7, le premier Téléthon du Jazz à l'Alhambra, 21 rue Yves Toudic 75010 Paris (20h00), manifestation parrainée par la BNP Paribas au profit de l'AFM-Téléthon, avec l'Electric Excentric Quartet de Sylvain Beuf et Sixun.
-Patrice Caratini et son Jazz Ensemble également le 7 à la Dynamo, 9 rue Gabrielle Josserand, 93500 Pantin (20h30) dans un programme en partie consacré à des partitions anciennes, des extraits de la musique du Onztet crée en 1979, les Miniatures pour tuba écrites pour François Thuillier et la Petite suite pour Django. La formation reprendra également des œuvres récentes parmi lesquelles des extraits des suites caribéennes. On retrouvera avec plaisir Claude Egea et Pierre Drevet aux trompettes, André Villéger et Mathieu Donarier aux saxophones, Manuel Rocheman au piano, Patrice bien sûr à la contrebasse, invitant pour ce concert le guitariste Marc Ducret.
-Carmen Lundy au Duc des Lombards les 7 et 8 décembre (20h00 et 22h00). Native de Miami, installée à New York depuis 1978, la chanteuse a une longue carrière derrière elle. Elle la débuta au sein du prestigieux Thad Jones / Mel Lewis big Band et dès 1980 posséda son propre trio avec John Hicks au piano. “Changes” son dernier disque publié est le douzième qu’elle enregistre sous son nom. On la trouve aussi sur plusieurs albums de Kip Hanrahan avec lequel elle aime travailler et dans “The Mosaic Project” de la batteuse Terri Lyne Carrington. Auteur de plusieurs opus remarquables, le pianiste Anthony Wonsey sera au Duc son partenaire privilégié, Darryl Hall (contrebasse) et Jamison Ross (batterie) complétant la formation.
-Âgé seulement de 25 ans, le saxophoniste Baptiste Herbin impressionne par sa maîtrise de ses deux instruments, les saxophones alto et soprano. Avec eux, il tient un discours mélodique enraciné dans le bop, prend des risques, possède une sonorité propre et des compositions originales. On le constate dans “Brother Stood”, le premier album qu’il a enregistré sous son nom avec Pierre de Bethmann, Sylvain Romano et André Ceccarelli. Baptiste en jouera les morceaux au Duc les 10 et 11 décembre, Eric Legnini remplaçant au piano Pierre de Bethmann le 11. Si Sylvain Romano tiendra bien la contrebasse, la présence d’André Ceccarelli à ces concerts reste encore incertaine. On ne peut que la souhaiter.
-Non ce n’est pas Laurent Mignard sur la photo, mais Jacquot après sa dernière opération. Sa ressemblance avec la créature d’un célèbre roman est fortuite. L’enlèvement de son armure fut douloureux pour le pauvre garçon qui en conserve des séquelles. Il compte toutefois se rendre le 14 au Carré Belle-Feuille (60, rue de la Belle Feuille, Boulogne Billancourt) pour suivre le concert qu’y donnera à 20h30 le Duke Orchestra. Le même soir le pianiste Dominique Fillon animera le Sunside avec Sylvain Gontard à la trompette, Kevin Reveyrand à la contrebasse et Francis Arnaud à la batterie. Il va falloir choisir car Giovanni Falzone (trompette) et Bruno Angelini (piano) donnent aussi un concert au Centre Culturel Italien, 73 rue de Grenelle, 75007 Paris (20h00).
-Il n’arrête pas Laurent de Wilde. Tant mieux pour tous ceux qui apprécient sa musique, son piano aux belles couleurs harmoniques qui s’appuie sur la tradition du jazz pour le moderniser. J’en suis, m’efforçant de suivre au plus près ses concerts, de commenter ses disques. Vous trouverez ma chronique de “Over the Clouds” son dernier opus dans ce blog à la date du 9 mai. Un album très varié, le premier qu’il enregistre en trio depuis “The Present” en 2006. On y trouve du blues, des ballades, du bop, des morceaux rythmés louchant sur l’afro-beat. Laurent en reprend bien sûr les morceaux en concert. Il se produira le 15 avec Jérôme Regard à la contrebasse et Laurent Robin à la batterie à l’espace Daniel-Sorano (16 rue Charles Pathé, Vincennes) dont il a assuré la programmation artistique de la première édition.
-Toujours le 15, le New Morning accueille Manuel Rocheman avec le trio du guitariste, chanteur et compositeur brésilien Toninho Horta - Yuri Popoff (contrebasse), Luiz Augusto Cavani (batterie). Enregistré au Brésil et publié en octobre, “Café & Alegria”, le dernier disque du pianiste est consacré à ses musiques. Horta a travaillé avec Elis Regina, Milton Nascimento, Edu Lobo, Chico Buarque, de grands musiciens brésiliens dont il a souvent arrangé les albums. Pat Metheny joue sur deux plages de son premier disque enregistré en 1981. Sa guitare mélodique aux progressions harmoniques sophistiquées s’accorde bien au piano inventif et coloré de Manuel, musicien aujourd’hui plus sensible que virtuose.
-Le 17, c’est à l’Olympia qu’il faut être. TSF Jazz y organise à 20h00 sa grande soirée musicale annuelle. You & The Night & The Music réunit de nombreux jazzmen sur une même scène. On peut préférer celui-ci à celui-là, ne pas adhérer à une programmation dont l’éclectisme n’est pas forcément fédérateur, mais la manifestation reste incontournable. Laurent de Wilde, Jacques Schwarz-Bart, Leïla Martial, Aaron Goldberg, Jacky Terrasson & Cécile McLorin Salvant, Thomas Enhco sont à l’affiche de cette 10ème édition. Daniel Humair en est l’invité d’honneur et, placé sous la direction du saxophoniste anglais Ben Cottrell, l’orchestre de la cérémonie, le Beats & Pieces Big Band est le vainqueur du European Young Artists’ Jazz Award 2011.
-Aaron Goldberg en trio au Duc des Lombards le 19 avec Omer Avital (contrebasse) et Ali Jackson (batterie), l’un des concerts évènements de décembre. Avec eux, le pianiste a enregistré “Yes !”, un disque épatant dans lequel, en grande forme, il privilégie le blues, fait chanter ses notes tout en n’oubliant pas d’émouvoir. Ancrée dans la tradition, leur musique profondément authentique semble avoir jailli spontanément. Une seule journée de studio a d’ailleurs suffi pour enregistrer les neuf morceaux de l’album. Oubliant leur technique, partageant des racines communes, les trois hommes s’expriment en toute simplicité et accordent la priorité au feeling.
-Laura Littardi de retour au Sunside le 20 avec le quintette qui l’entoure dans “Inner Dance”, un disque qu’elle a fait paraître en début d’année. Recueil de morceaux des années 70 habilement jazzifiés que l’on doit à Graham Nash, Neil Young, Stevie Wonder, il séduit par la fraîcheur de ses arrangements qui habillent autrement la musique. Chanteuse sincère et attachante à la voix d’alto, Laura compose aussi de bonnes chansons comme en témoignent le nostalgique Sunny Days, mais aussi Beautiful Flower et son rythme de bossa, deux des plages de ce nouvel album. On peut faire confiance à Francesco Bearzatti (saxophone et clarinette), Carine Bonnefoy (claviers), Mauro Gargano (contrebasse) et Guillaume Dommartin (batterie) pour porter cette voix attachante et l’aider à tenir ses promesses.
-On retrouve l’infatigable Laurent De Wilde les 21 et 22 décembre au Sunside. Le club l’accueille avec Eddie Henderson, trompettiste avec lequel Laurent a enregistré un de ses meilleurs disques “Colors of Manhattan” réédité l’an dernier. C’était à New York en 1990. Ira Coleman (contrebasse) et Lewis Nash (batterie) en constituaient la rythmique. Celle dont ils vont disposer au Sunside ne sera pas ridicule, l’incontournable Darryl Hall (contrebasse) s’associant à Laurent Robin (batterie) pour rythmer une musique trempée dans le bop et le blues, piano et trompette s’entendant pour improviser, dialoguer et surprendre.
Également en décembre : Anne Ducros au Sunside les 26, 27 et 28 décembre. Elle n’a pas sorti de disque depuis “Ella… My Dear” en 2010, se fait discrète mais chante toujours avec swing, gouaille et gourmandise. Accompagnée par Christophe Laborde aux saxophones, Benoît de Mesmay au piano, Gilles Nicolas à la contrebasse et Bruno Castellucci à la batterie, elle reprend les chansons de Marylin Monroe.
En janvier ne manquez pas le trio de Pierre Christophe (avec Raphael Dever à la contrebasse et Mourad Benhammou à la batterie) le 1er au Sunside. Le 3 c’est la belle Élisabeth Caumont qui investit le lieu avec Luca Bonvini (trompette) et Philippe Milanta (piano) pour chanter Duke Ellington. Dans le cadre de son French Quarter Festival (du 3 au 31 janvier), le Duc des Lombards invite l’éblouissante Virginie Teychené le 16, le René Urtreger Trio les 21 et 22, et le Nicolas Folmer & Daniel Humair Project (merci pour “Lights”) les 28 et 29.
-Centre Wallonie-Bruxelles : www.cwb.fr
-Sunset - Sunside : www.sunset-sunside.com
-Alhambra : www.alhambra-paris.com
-La Dynamo : www.banlieuesbleues.org
-Duc des Lombards : www.ducdeslombards.com
-Carré Belle-Feuille : www.boulognebillancourt.com
-Centre Culturel Italien : www.centreculturelitalien.com
-Espace Daniel-Sorano : www.espacesorano.com
-New Morning : www.newmorning.com
PHOTOS : Frederic Borey © Christophe Maroye – Patrice Caratini, Baptiste Herbin, Elisabeth Caumont © Pierre de Chocqueuse – Carmen Lundy © James St. Laurent – Laurent De Wilde © Sylvain Gripoix – Manuel Rocheman © Thibault Stipal / Naïve – Laura Littardi © Aline Castejon – Mélanie De Biasio, Aaron Goldberg Trio, Eddie Henderson, Anne Ducros © X./DR.