Juin - Déjeuner vendredi avec Jean-Paul qui n’a pas cessé de râler. Feuilletant le numéro de juin de Jazz Magazine / Jazzman que je viens de recevoir, voilà qu’il me sort que « le jazz y est totalement absent ». Jean-Paul exagère. Je lui accorde que Joëlle Léandre fait de la musique improvisée, mais je lui mets sous les yeux les pages consacrées à Hank Jones et à Barry Harris, ses idoles, et ce grand dossier sur Eddy Louiss dont je sais qu’il possède quelques disques. « C’était bien dans les années 60, au Caméléon avec Jean-Luc Ponty et Daniel Humair. Depuis, Eddy fait joujou avec des machines, des ordinateurs plein d’instruments virtuels. » Rien à faire, Jean-Paul ne décolère pas. Les nombreuses pages que le journal consacre aux disques ne lui parlent pas, sauf lorsqu’il découvre la chronique d’un Sonny Rollins ou d’un Charles Mingus dont il possède tous les albums. Il préfère suivre les Jazz à FIP de Philippe Machin Chose Etheldrède qui programme les valeurs sûres qu’il connaît bien. Jean-Paul aime pourtant Jacky Terrasson et s’est rendu à l’Institut Océanographique de Paris écouter son concert. Herbie Hancock, Chick Corea, Keith Jarrett, Michael Brecker sont les derniers jazzmen qui trouvent grâce à ses yeux. A l’en croire, leurs successeurs seraient des clones ne possédant aucun talent. Jean-Paul déteste ainsi Madeleine Peyroux dont le timbre de voix ressemble trop à celui de Billie Holiday. Comme si l’on pouvait reprocher à une voix de ressembler à une autre, comparer des artistes qui possèdent tous une personnalité, une sensibilité unique. Jean-Paul est un cas, un personnage à part qui est loin d’avoir toujours raison. Il n’est malheureusement pas le seul à faire l’impasse sur le jazz de ces trente dernières années. Pour tenter de vendre leurs disques, labels et musiciens ont volontairement entretenu la confusion des genres. Plus personne n’y comprend rien et la lecture des programmes des festivals ne donne pas vraiment envie de s’y rendre. Entre les grandes vedettes médiatiques qui ne tiennent pas toujours leurs promesses et quantité de formations aussi saugrenues qu’incongrues dont on se demande ce qu’elles font comme musique, les vrais jazzmen ont bien du mal à s’y faire entendre. D’où la nécessité de se référer aux prescriptions de journalistes compétents qui sélectionnent les disques et les concerts intéressants, d’où l’importance d’une presse jazz et de blogs qui aident l’amateur à s’y retrouver. Comme Jean-Paul, certains ont arrêté l’horloge du temps et n’écoutent plus que le passé. L’histoire du jazz n’a pas fini de s’écrire. Il est bon de regarder en arrière, mais le jazz est aussi aujourd’hui et demain.
QUELQUES CONCERTS EN JUIN
-Le Sunside accueille deux soirs de suite (le 3 et le 4) le trio de la “batteuse“ Terry Lynn Carrington. Outre l’excellent James Genus à la contrebasse, la dame chapeaute un jeune pianiste véloce et plein d’idées. Elève de Danilo Perez, Cédric Hanriot a joué et enregistré avec Joe Lovano et John Patitucci partage son temps entre la France et les Etats-Unis. On ne manquera pas ces concerts parisiens.
-Le Sunside toujours, pour Enrico Rava qui l’occupe du 8 au 10 juin. Il y retrouve un vieil ami, Aldo Romano, pour nous transmettre la chaleur de leur Italie natale. Rava est un des trompettistes les plus lyriques de la planète jazz. Aldo écrit des thèmes solaires qu’il fait bon fredonner. Avec eux Baptiste Trotignon et son piano toujours élégant, Thomas Bramerie à la contrebasse pour mettre du liant entre les musiciens de l’orchestre. Difficile de faire l’impasse sur ce quartette de rêve.
-Jamie Cullum à l’Olympia le 10 et le 11. Un an ou presque sans donner de concerts et le chanteur attire à lui un immense public. Les amateurs de jazz auraient tort de bouder la tournée mondiale d’un vrai musicien qui sous des habits de pop star, célèbre magnifiquement le jazz et ses standards.
-Denise King et Olivier Hutman retrouvent le Duc des Lombards le 12. La chanteuse de Philadelphie et son pianiste français attitré nous y avaient enthousiasmé en octobre dernier. Les qualités vocales de Denise King impressionnent. Elle possède une voix chaude et puissante, aborde avec un bonheur égal le jazz et la soul et chante le blues comme nulle autre. Avec elle les couleurs du merveilleux piano d’Olivier, mais aussi la contrebasse de Philippe Brassoud et les tambours de Charles Benarroch pour rythmer un swing, une diction impeccable.
-Antoine Hervé au théâtre du Châtelet le 14 pour célébrer Mozart La Nuit avec François (contrebasse) et Louis (batterie) Moutin, mais aussi avec Médéric Collignon et la Maîtrise des Hauts-de-Seine placée sous la direction de Gaël Darchin. Si le spectacle créé en 1997 a fait une belle carrière, le disque publié en 2002 n’a pas connu le retentissement médiatique qu’il méritait. Une belle occasion pour le redécouvrir.
- Les amateurs de sensations fortes et de chorus musclés choisiront le trio de Daniel Humair, Bruno Chevillon et Tony Malaby qui se produit le même soir au Café de la Danse. Entièrement improvisée, leur musique osée et novatrice subjugue, voire dérange par sa force et sa puissance expressives. Âmes sensibles s‘abstenir.
-Pianiste cher à mon cœur, Ronnie Lynn Patterson donne trop peu de concerts. Le Duc des Lombards le programme le 15, histoire de fêter la sortie d’un nouvel album entièrement consacré à des standards de jazz. Au Châtelet la veille, François et Louis Moutin n’auront que quelques rues à traverser pour le rejoindre s ur scène. Ce sont eux qui l’accompagnent dans “Music“ premier disque à paraître sur le label Out Note dont la direction artistique a été confiée à Jean-Jacques Pussiau.
-La cave du 38 Riv’ (38 rue de Rivoli 75004 Paris) accueille le 16 le Marc Buronfosse Sounds Quartet - Jean-Charles Richard aux saxophones et flûte, Benjamin Moussay aux claviers, Antoine Banville à la batterie et Marc Buronfosse à la contrebasse. “Face the Music“, le disque de Marc est une des plus heureuses surprises musicales de l’année. Sa chronique se trouve dans ce blog à la date du 21 mai et Franck Bergerot en fait l’éloge dans le numéro de juin de Jazz Magazine / Jazzman. Laissez-vous donc convaincre.
-Le 20 à 15 heures, le DAG trio (Sophia Domancich piano, Jean-Jacques Avenel contrebasse et Simon Goubert batterie) se produit au Parc Floral de Vincennes dans le cadre du Paris Jazz Festival. Carine Bonnefoy et les musiciens de son New Large Ensemble lui succédera à 16h30 pour jouer la musique de “Tribal“ un disque qui a eu les honneurs de ce blog en avril.
-On dit grand bien du jeune guitariste Adrien Moignard. Autodidacte, il écoute du blues et du rock, découvre la guitare de Django Reinhardt puis celles de Pat Metheny, Georges Benson et Biréli Lagrène. Il est parvenu à rendre cohérentes ses nombreuses influences et s’est forgé au fil des ans un jeu très personnel. “All the Way“, une réussite, vient de sortir chez Dreyfus Jazz. Une seconde guitare épaulera la sienne au Duc des lombards le 23, celle de Benoît Convert, Jérôme Regard à la contrebasse et Xavier Sanchez à la batterie complétant la formation.
-Christophe Wallemme et son Namaste Project sur la péniche Anako le 25 (61 quai dela Seine, 75019 Paris) dans le cadre du Festival Quai Jazz (quatorze concerts du 10 juin au 1Juillet). Le contrebassiste s’inspire de l’Inde de son enfance pour mêler couleurs, rythmes et sonorités orientales dans une musique capiteuse qui lui est très personnelle. Avec Prabhu Edouard aux tablas, Sandip Chatterjee au santoor et Sylvain Barou à la flûte.
-Wayne Shorter sur le parvis de la Défense le 26 dans le cadre de son festival. Le saxophoniste s’y produit avec son quartette habituel, Danilo Perez au piano, John Patitucci à la contrebasse et Brian Blade à la batterie, le groupe idéal pour accompagner les audaces harmoniques de ses compositions, improviser avec lui une musique libre qui se réinvente à chaque concert.
-Caetano Veloso sur ce même parvis de la Défense le 27 à 18 heures. Auteur de magnifiques albums, ce grand chanteur brésilien, une icône en son pays, subjugue son public par une voix très pure qu’il colore d’un léger vibrato, par une guitare aux notes syncopées qui rythme les merveilleuses chansons qu’il compose.
-Le 30, le Studio de l’Ermitage (8, rue de l’Ermitage 75019 Paris) accueille le Nagual Orchestra dans le cadre du Festival Quai Jazz. La formation n’est plus tout à fait la même depuis l’enregistrement en 2007 de “La boîte à desseins“, son premier disque. Olivier Laisney à la trompette et Alexis Pivot au piano ont rejoint Florent Hubert (saxophone ténor et à la clarinette), Matthieu Bloch (contrebasse) et David Georgelet (batterie). Le groupe séduit par la couleur spécifique de sa sonorité, ses compositions diversifiées.
- Linda Oh, Ambrose Akimusire et Nasheet Waits au Sunside le même soir. Le club parisien y organise depuis dix-neuf ans un American Jazz Festival qui a lieu cette année du 25 juin au 27 juillet. Née en Malaisie et aujourd’hui new-yorkaise, Linda Oh (contrebasse) séduit par sa musique audacieuse. On écoutera l’excellent trompettiste Ambrose Akimusire dans “Live in Paris“ (Space Time Records), disque récent du saxophoniste Walter Smith III. On ne présente plus le batteur Nasheet Waits qui fut membre de diverses formations d’Andrew Hill, travaille avec Jason Moran, Fred Hersch et rythme le jazz de l’Amérique.
Sunset - Sunside : http://www.sunset-sunside.com
Olympia : http://www.olympiahall.com
Duc des Lombards : http://www.ducdeslombards.com
Théâtre du Châtelet : http://www.chatelet-theatre.com
Café de la Danse : http://www.cafedeladanse.com
Le 38 Riv’ : http://www.38riv.com
Paris Jazz Festival : http://www.parisjazzfestival.fr
Quai Jazz : http://www.quaijazz.com
La Défense Jazz Festival : http://www.ladefensejazzfestival.fr
Studio de l’Ermitage : http://www.studio-ermitage.com
CREDITS PHOTOS : Terry Lynn Carrington & Cédric Hanriot : Photo X/DR - Micros club, Enrico Rava, Denise King & Olivier Hutman, Antoine Hervé, Ronnie Lynn Patterson, Carine Bonnefoy ©Pierre de Chocqueuse - Marc Buronfosse © Christian Berthier - Adrien Moignard © Jean-Baptiste Millot - Christophe Wallemme © Abeille Musique - Wayne Shorter, Caetano Veloso © Universal Music - Nagual Orchestra © Cédric Bosquet.