La musique d’un film dont nous ne savons pas grand-chose. Réalisé par Stefano Landini, un obscur metteur en scène, “7/8“ (Sette Ottavi en italien) a été présenté lors de plusieurs festivals européens en 2006, mais n’a toujours pas été projeté sur les écrans français. Difficile de juger de sa valeur à la lecture de son seul synopsis et de donner un point de vue sur la relation que la musique entretient avec ses images. Sur cette dernière, le dossier de presse d’EMI donne peu de renseignements. On y apprend qu’elle fut complémentaire et qu’enregistrer cette musique fut un vrai défi pour le trompettiste contraint d’en entreprendre la composition au milieu d’une tournée de plus de cent dates. Le film se déroule en Italie pendant la seconde guerre mondiale, en plein fascisme mussolinien et traite des problèmes que les musiciens de jazz connurent avec la censure. Le jazz s’est alors implanté en Italie, la politique culturelle anti-américaine du régime n’ayant pas empêché Louis Armstrong d’y donner des concerts en 1934. Le jazz que l’on entend dans le film date pourtant d’une époque plus tardive. Influencé par Miles Davis tant sur le plan de la sonorité que de la musique, Paolo Fresu joue un jazz moderne qui intègre le vocabulaire du bop, mais aussi les subtilités harmoniques de la musique classique européenne. Fidèle à son propre langage, le trompettiste sarde le simplifie par des grilles harmoniques relevant souvent du blues et place au premier plan la mélodie. Construits sur des riffs, certains morceaux en semblent dépourvus, mais les solistes les inventent aux cours de leurs improvisations à l’instant même où ils s’expriment et le disque regorge de compositions lyriques. En apesanteur, Fresu en souffle les notes légères et transparentes. Son phrasé est élégant et sensuel, sa sonorité de couleur bleu ciel d’une douceur paisible. Il travaille depuis vingt-cinq ans avec le même quintette et entretient une relation privilégiée avec Tino Tracanna son saxophoniste. Leurs instruments exposent souvent les thèmes à l’unisson, se parlent, dialoguent. Le piano de Roberto Cipelli arbitre leurs échanges. La section rythmique n’enferme jamais leurs propos dans des tempos rigides. Ces derniers, lents ou médiums favorisent un discours fluide, souvent méditatif. Relevant du bop, Free Up et Gio’s Cervi’s Anatole sont les seuls morceaux rapides. Construits sur des modes, Ascensore per il paradisio et Dark Theme font beaucoup penser à “Kind of Blue“. Dans le premier, la contrebasse d’Attilio Zanchi joue un motif de pédale à la contrebasse. Dans Dark Theme, l’instrument égrène les notes d’All Blues et rythme le tempo languide d’une mélodie fantomatique qui semble naître de l’imagination des solistes. Trois morceaux enregistrés live pendant le tournage doublent les versions studios. Le guitariste Max Carletti se joint au quintette sur deux d’entre eux. On l’entend davantage dans un Sette Ottavi au climat pesant. Si l’illustratif The Shooting ressemble à une musique de film, les autres thèmes sont loin d’être de courtes séquences sonores exigées par l’action. Bénéficiant d’un minutage généreux (soixante-quatorze minutes), ce disque n’a pas besoin de porter des images. Sa belle musique se suffit à elle-même.